
J’enseigne le chant au Conservatoire d’Art Dramatique de Montréal depuis 1994. Quand je suis arrivé au Conservatoire, j’avais déjà le désir de travailler avec les étudiants sur des projets de théâtre musical. Malheureusement, il n’y avait pas grand chose de fait du côté francophone, à ce moment-là. Donc, pour qu’ils puissent travailler des extraits de comédies musicales, j’ai commencé à traduire des textes. Tout a bien fonctionné avec les étudiants, ce qui a décidé le Conservatoire à monter des comédies musicales pour les spectacles des élèves de dernière année.
Quelle fût votre première traduction du côté de la comédie musicale ?
C’est dans le cadre du Conservatoire que j’ai traduit ma première comédie musicale Une petite musique de nuit de Stephen Sondheim. Ensuite, Cabaret a été présenté au Conservatoire en 1997, dans sa première version. Cabaret a aussi été produit en 2004 au Théâtre du Rideau Vert, dans une nouvelle traduction que j’ai faite car je pense qu’avec le temps, je me suis amélioré. Cette version était basée sur le « revival » présenté à Broadway, en 1998. Il y avait, entre autres, des scènes et une chanson qui ont été ajoutées dans le spectacle.
Est-ce que le fait d’être un musicien apporte un atout intéressant ?
C’est absolument essentiel. Il faut être capable de lire et de travailler les partitions. Il faut aussi comprendre ce que comporte la structure musicale. Ça aide beaucoup de savoir où doivent aller les accents toniques dans l’ensemble. Est-ce qu’il y a un élément que l’on peut déplacer, dans le rythme, sans que ça dénature la musique originale ?
Vous avez fait la traduction de Rent. Quelles ont été les contraintes ?
Elles étaient nombreuses. En fait, j’ai eu beaucoup de plaisir à faire Rent car je l’ai fait avec une personne délicieuse : Vincent Bolduc. La difficulté, dans ce cas-ci, était que pratiquement tout est chanté. La majorité des comédies musicales ont environ de 20 à 22 chansons. Rent n’en contient pas moins de 42 ! C’est aussi une écriture très « rock’n roll » donc très courte et nous savons que la langue française prend plus de temps « rythmique » pour dire les mêmes choses qu’en anglais. Nous devons essayer de reproduire à peu près les mêmes tempos des trames musicales, en français, en se basant sur celles effectuées en anglais.
My Fair Lady a obtenu un succès incroyable. En êtes-vous fier ?
Très fier. Rent me faisait peur à cause du volume de travail mais nous étions deux à le faire. Pour ce qui est de My Fair Lady, il existait déjà des versions françaises de certaines chansons. Quand certains interprètes m’ont chanté ?I Could Have Danced All Night?, dans sa première version française, je me suis dit : « OK. Ils connaissent les paroles par coeur. Maintenant, je dois leur faire découvrir cette chanson d’une autre façon ». My Fair Lady, au Québec, c’était un peu compliqué car tout est basé sur le niveau de la langue utilisée. L’idée était qu’elle parle « joual » (dialecte québécois) au début pour, ensuite, se diriger vers ce qu’on appelle un « français international ». Face à la sensibilité du sujet de la langue au Québec, j’ai dû inventer un langage québécois qui n’est pas parlé par qui que ce soit mais qui, tout de même, est compris par tout le monde.
Où en êtes-vous avec la traduction de Neuf ?
C’est terminé. D’ailleurs, les interprètes sont actuellement en pleines répétitions car Neuf sera présenté, dès mai 2007, au Théâtre du Rideau Vert. Ce fut particulier car je ne connaissais pas beaucoup Maury Yeston ni sa façon d’écrire qui est, pour moi, assez complexe. Je me suis plongé dans cet univers inconnu avec grand plaisir. J’y ai découvert des choses magnifiques. Je pense bien avoir relevé le défi.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut faire ce métier ?
Il faut être très patient. En outre, il faut faire l’achat de dictionnaires de rimes car on peut tout faire rimer en « er » en français, c’est comme le « ing » en anglais, mais, vous conviendrez que ce n’est pas très riche du côté linguistique. Et surtout, il faut travailler les rimes quitte à les reformuler, à plusieurs reprises, par la suite. C’est toujours une nouvelle aventure. Généralement, je prends entre quatre et six mois pour traduire une comédie musicale. Et je me sers énormément de mes quatre dictionnaires de rimes, c’est essentiel.