
Yaël, quatre ans après Les Dix Commandements, vous retrouvez aujourd’hui le metteur en scène Elie Chouraqui et la scène du Palais des Sports pour une nouvelle fresque épique et musicale intitulée Gladiateur. Quelles différences voyez-vous entre les deux spectacles ?
Il y avait, dans Les Dix Commandements, une sorte de naïveté. C’était une première fois pour nous tous. La musique de Pascal Obispo était très accrocheuse, très communicative. Sur Gladiateur, le travail de Maxime Le Forestier est peut-être plus profond dans le sens où l’on trouve une vraie recherche de styles différents. Ca donne une musique plus difficile d’accès mais les chansons sont aussi portées par des textes très poétiques. Plusieurs dimensions cohabitent dans ce qu’il écrit contrairement aux Dix Commandements où tout allait un peu dans le même sens. Le travail chorégraphique est également plus approfondi. Stéphane Loras vient de la danse contemporaine. Il a un vrai sens du détail et il sait très bien traduire par la gestuelle les thèmes abordés dans les chansons. Quant à moi, j’ai davantage confiance en moi. Quand je suis arrivée sur Les Dix Commandements, je ne connaissais personne, ni dans le spectacle, ni même à Paris. Je débarquais d’Israël. J’avais 21 ou 22 ans et je planais complètement. J’ai vécu tout ça comme si c’était irréel. Aujourd’hui, je suis plus terre à terre. J’ai plus conscience de ce que je fais. Et puis, je joue un personnage plus mûr. Le spectacle lui même est plus dur. Les héros se battent pour leurs idées puis meurent. C’est à la fois plus triste et plus concret.
Comment aborde-t-on les partitions de Maxime Le Forestier après avoir longtemps chanté celles de Pascal Obispo ?
Chez Pascal, la voix occupe une place importante, ce qui donne un côté très virtuose. Maxime donne plus d’importance au texte. Un vrai travail d’acteur est a fournir. Chaque mot doit être porté par une intention et c’est de ça que naît l’émotion. Par ailleurs, Pascal aimait mon timbre aigü alors il me faisait toujours chanter très haut. Maxime, lui, me demande de chanter très bas. Je ne monte jamais vraiment dans Gladiateur. Maxime et Pascal ont des personnalités très différentes et abordent la musique de façon presque opposée. Mais c’est la raison pour laquelle j’ai voulu faire une deuxième comédie musicale. Après Les Dix Commandements, je pensais en rester là parce que si j’avais quitté mon pays et ma famille, c’était avant tout pour faire des disques. J’avais démarré la préparation de mon deuxième album quand on m’a contactée pour Gladiateur. Je suis allée faire les tests en studio et j’ai adoré les chansons. J’ai tout de suite pensé que ce spectacle m’apporterait beaucoup.
Elie Chouraqui a‑t-il changé depuis le succès des Dix Commandements ?
Il a beaucoup évolué. Dans notre métier, on n’a pas d’autres choix que de se remettre en question parce qu’on est tout le temps soumis à la critique. Les rapports avec lui sont encore plus incroyables qu’à l’époque des Dix Commandements. Il a mis beaucoup de lui dans ce spectacle qu’il produit en plus de le mettre en scène. C’est quelqu’un qui n’hésite pas à se lancer dans des projets énormes et engagés. Par exemple, il va prochainement faire un film sur Israël. En même temps c’est quelqu’un qui, même dans les situations les plus complexes, reste toujours extraordinairement calme et serein.
Vous avez commencé à chanter en Israël ?
Oui. Je chante et je compose depuis mes dix ans. Au début, je voulais faire carrière dans la musique classique. Ensuite, j’ai découvert le jazz puis le rock et j’ai voulu mettre tout ça dans ma musique. J’ai fait mon service militaire qui, en Israël, est obligatoire, y compris pour les filles et là j’ai chanté dans un big band. On travaillait avec les meilleurs arrangeurs et les meilleurs musiciens du pays. J’ai fini mon service au bout de deux ans et j’ai monté un groupe. On était à deux doigts de signer quand je suis venue à Paris pour chanter à l’occasion d’une soirée. Il y avait des producteurs dans la salle qui m’ont proposé de s’occuper de mon premier album solo. Je suis donc restée à Paris.
C’était un album en français ?
Non. Presque tout ce que j’écris est en anglais. Ca s’appelait « In a Man’s Womb » et c’était très pop-rock. En ce moment je prépare un nouvel album sur l’affrontement du rêve et de la réalité. C’est un sujet qui me tient vraiment à coeur depuis toujours. Il y aura des chansons très acoustiques, avec juste piano et voix en direct, et des compositions arrangées, avec des musiciens que je suis en train de choisir, dans un esprit plus dur. On en est encore au stade du travail. C’est la partie la plus agréable. Après, j’espère vendre ce disque dans plusieurs pays. Je le co-produit avec un label de qualité qui ne s’occupe, pour l’instant, que de quelques artistes et qui est resté très personnel dans ses choix. Une fois le disque réalisé, on le proposera à des boîtes plus importantes. Mais c’est important pour moi de travailler dans une certaine intimité. On va aussi faire une tournée. Voilà, je fais ça toute la journée et le soir, je vais jouer Gladiateur. C’est d’ailleurs très agréable parce que préparer un album, c’est une démarche qui nous renferme un peu sur nous même. Alors avoir ses rencontres tous les soirs avec la troupe du spectacle, ça me permet de garder l’équilibre.
Envisagez-vous de participer à une troisième comédie musicale ?
On me l’a proposé il y a deux jours mais non, je n’en ferai pas d’autre. J’envisage plutôt d’en écrire une. J’ai déjà écrit un spectacle que je compte monter en Israël. J’ai un autre projet, un peu dans la veine de Pink Floyd the Wall, le film d’Alan Parker, qui mêlerait musique et image autour d’un sujet précis. Tout ça, c’est pour plus tard. J’aimerais réaliser encore un ou deux albums avant, pour avoir plus d’expérience. Je suis aussi en train de monter mon studio et je travaille la composition en collaboration avec d’autres chanteurs, dont Jérôme Collet qui joue Spartacus. J’ai un besoin urgent de réaliser mes propres projets.
Vous comptez rester en France pour la suite de votre carrière ?
J’adore vivre ici. C’est un pays formidable pour les artistes avec une vraie qualité de vie. Mais je suis très curieuse d’aller passer un peu de temps en pays anglophone. Le rythme de vie y est très différent et le niveau musical très très élevé. Cela-dit, mes parents ont vécu à Paris pendant 17 ans et j’ai une grand-mère qui habite encore ici. Si tout se passe bien, j’y garderai toujours un pied.