Voyage en Coquetterie

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(c) Chloé Bonnard
Les Coquettes © Chloé Bonnard

Elles vien­nent d’avoir les hon­neurs des trois JT nationaux, de C à vous et du 12/45 de M6, Le Parisien leur a con­sacré une pleine page, et Michel Druck­er les a assis­es sur son inus­able canapé rouge… 2016 sem­ble bien l’an­née des Coquettes. Dix-huit mois à peine après leur pre­mière presta­tion, ces filles qui osent tout sont désor­mais en qua­si-rési­dence au Grand Point Vir­gule. Et chaque soir, c’est le même rit­uel qui se repro­duit : une salle à guichets-fer­més, des rires en cas­cades, et une ova­tion à tout rompre. Com­ment ces trois jeunes chanteuses, leur « mis­sion­naire », leur « chat­te » et leur désor­mais célèbre « petite fes­sée du dimanche soir » sont-elles dev­enues un phénomène ? Rencontre.

Il faut se rep­longer en 2008 dans les couliss­es du Sol­dat Rose pour trou­ver l’o­rig­ine du trio. C’est à cette époque, par­mi les jou­ets et les regards émer­veil­lés des enfants, que Lola Cès (Sis­ter Act, D.I.S.C.O., Love Cir­cus) et Marie Facun­do (Dothy et le magi­cien d’Oz, Salut les Copains), deux vis­ages aujour­d’hui fam­i­liers du théâtre musi­cal ren­con­trent Juli­ette Fau­con, qui tient le rôle de la poupée Made in Asia. La com­plic­ité est immé­di­ate. « Quand le Sol­dat Rose s’est ter­miné, cha­cune est par­tie de son côté, mais rapi­de­ment on a eu envie d’avoir un par­cours com­mun. Parce que l’on s’en­tendait par­faite­ment artis­tique­ment et humaine­ment » racon­te Lola. « Nous n’avions pas réelle­ment d’ob­jec­tif, mais une vraie envie : celle de faire de la musique ensem­ble » com­plète Juli­ette. S’u­nis­sant pour le meilleur et pour le rire, les trois copines com­men­cent à écrire leurs pre­miers textes : des tranch­es de vie, puisées dans leur quo­ti­di­en, l’au­todéri­sion en plus. « Les thèmes sont venus de nos con­ver­sa­tions, d’anec­dotes vécues. Chaque chan­son a une orig­ine dans nos vies. » Leurs physiques, leurs poitrines, leurs caprices, les hommes, la drague, et bien évidem­ment leurs fan­tasmes, ce qui les inspire est sim­ple et leur plume un peu coquine, tou­jours drôle, sou­vent sans fil­tre. Il leur manque cepen­dant encore quelque chose : « Quand on a pré­paré notre tout pre­mier réc­i­tal, on s’est dit qu’il fal­lait trou­ver des liens entre les titres » se sou­vient Lola, « on rigo­lait, on impro­vi­sait, finale­ment on s’est dit : mais c’est ça les Coquettes ! c’est ça que l’on a envie de faire ! Quelque chose entre la musique et le stand-up, voilà ce qui nous plait, nous ressem­ble, et artis­tique­ment nous stimule. »

« On a eu très peur d’être totale­ment à côté » avoue aujour­d’hui Juli­ette en évo­quant leur « pre­mière fois » en live. C’est pour­tant l’in­verse qui se pro­duit, les Coquettes font un tabac. « Le pub­lic était essen­tielle­ment com­posé de nos familles et de nos amis, mais on a sen­ti qu’on tenait l’idée. Il n’y avait plus qu’à la dévelop­per ». Elles vont désor­mais con­sacr­er leur temps libre à l’écri­t­ure de nou­veaux titres – leur tour de chant ne dure alors qu’une demi-heure –, et s’en­tourent de plusieurs com­pos­i­teurs : Cyril Taieb, Simon Hautin, David Scrima, Marc Pinon… Une diver­sité qu’elles expliquent sim­ple­ment : « A la base, on a con­stru­it ça comme un réper­toire de chan­sons, pas comme un spec­ta­cle. Il n’y avait aucune rai­son de rester dans la même couleur instru­men­tale, dont on savait qu’elle viendrait de nos trois voix en har­monie. » Les airs sont jazzy et enlevés. Les titres swinguent. « La cohérence finale s’est créée toute seule, au fur et à mesure. » 

Novem­bre 2014, Lagardère leur donne un coup de pouce et les voilà pour six dates au Ciné XIII. « Nos pre­miers vrais con­certs. Regard en Coulisse a été notre pre­mière cri­tique » n’a pas oublié Lola. « Je n’en reve­nais pas que les gens payent pour venir nous voir » pour­suit Juli­ette. Le pub­lic est au ren­dez-vous. Le soir de la dernière, les trois amies se réu­nis­sent et se lan­cent un pari fou : cass­er leur tire­lire et pro­duire six dates sup­plé­men­taires sur leurs pro­pres économies. Un vrai risque : « S’il n’y avait eu per­son­ne dans la salle, on aurait per­du beau­coup d’ar­gent. » C’est là que l’his­toire se trans­forme en con­te de fées, vitesse grand V : à la recherche d’une pre­mière par­tie pour Bérengère Kri­eff, un col­lab­o­ra­teur du pro­duc­teur Jean-Marc Dumon­tet vient les écouter. L’hu­moriste les ren­con­tre, les adopte et les Coquettes se retrou­vent à peine quelques semaines plus tard sous les pro­jecteurs de l’Olympia. Jean-Marc Dumon­tet, qui n’a pas per­du une miette de leur pas­sage, tombe, à son tour, sous le charme : « Il a demandé quand était notre prochaine date. Nous avons mon­té une séance en urgence, en sep­tem­bre 2015. A l’is­sue, il nous a pro­posé de tra­vailler ensemble. » 

« Il y a du monde dans la salle, et on ne con­nait personne! »

Aujour­d’hui, les Coquettes se pro­duisent qua­tre fois par semaine, béné­fi­cient des con­seils d’Alex Lutz, mul­ti­plient les appari­tions télé et sont désor­mais à l’af­fiche du Grand Point Vir­gule jusqu’en juin prochain. Pour­tant, elles n’en revi­en­nent tou­jours pas de ce suc­cès ful­gu­rant et de l’en­t­hou­si­asme qu’elles déclenchent. « Il y a du monde dans la salle, et on ne con­nait per­son­ne ! » Comme ce soir de févri­er où une longue file d’at­tente se forme mal­gré le froid devant la salle, aux abor­ds de la gare Mont­par­nasse. Un pub­lic hétéro­clite, venu par­fois de très loin, intrigué par ce trio ravageur.« Sur scène, on grossit juste le trait, sans jouer un rôle, mais on reste nous-mêmes, trois amies qui chantent, se racon­tent, et rigo­lent » explique Juli­ette. « Nous sommes trois filles très dif­férentes, avec trois per­son­nal­ités, trois physiques. Beau­coup se recon­nais­sent dans nos paroles » ajoute Lola, « chez les femmes, il y a une espèce d’i­den­ti­fi­ca­tion, et chez les hommes une espèce de… » « Fan­tasme? » l’in­ter­rompt Juli­ette en écla­tant de rire. « Peut-être! Une chose est sûre: physique­ment, les hommes ont le choix! ». Elles en ont fait une force et s’en moquent allé­gre­ment, jouant à fond la carte du cliché : la blonde, for­cé­ment un peu cruche, la petite brune hargneuse et la ron­delette bonne copine… Entre deux chan­sons, elles se cherchent, se dis­ent leurs qua­tre vérités et n’y vont pas de main-morte. Et elles n’hési­tent pas à aller très loin dans l’hu­mour. Des moments qu’elles qual­i­fient elles-mêmes d’  »olé-olé », ou de « poli­tique­ment assez incor­rects ». « On s’est demandé quelle était la lim­ite, et on a fait l’in­verse : puisqu’il y a des sujets qu’on ne devrait pas abor­der, on va en par­ler. » « Il y a eu une longue réflex­ion » recon­nait Marie, « Lola était con­va­in­cue, Juli­ette ado­rait l’idée mais avait peur du bide, moi je doutais vrai­ment. Finale­ment, je crois que j’aime beau­coup dire des choses un peu trans­gres­sives avec mon grand sourire. J’adore ce con­traste! » Avoir un vis­age d’ange, ça aide. De l’ex­ci­sion au sui­cide, avec un soupçon de kama-sutra et leur fes­sée du dimanche soir, tout y passe donc, et le pub­lic en rede­mande. La force d’un trio à qui on don­nerait le bon Dieu sans confession.

A leurs paroles non con­ven­tion­nelles, s’a­joutent aus­si des instants plus légers, et des titres poé­tiques qu’elles présen­tent avec une con­stante élé­gance et une par­faite har­monie vocale, dans un spec­ta­cle réglé au mil­limètre. Der­rière leurs sketchs fausse­ment impro­visés et leur appar­ente décon­trac­tion, ce sont évidem­ment d’in­lass­ables répéti­tions et une rigueur sans faille : le prix du suc­cès. En atten­dant la suite : « Nous ne sommes qu’au début de notre pro­jet. Aujour­d’hui les Coquettes sont un spec­ta­cle, demain, ce sera peut-être un album, une mar­que de vête­ment, une chronique à la radio… On compte bien déclin­er le groupe, dévelop­per l’i­den­tité, on ne veut pas se lim­iter. » Lola cou­ve du regard ses deux com­plices. Juste le temps d’un check – leur rit­uel avant chaque lever de rideau –, d’un dernier regard dans le miroir, (elles ne s’ap­pel­lent pas les Coquettes pour rien!), et d’une con­fi­dence – « Marie, avant que tu arrives, on a dit que tu étais une pim­bêche! »– et les trois copines attaque­nt leur petite fes­sée. Cette nuit encore, elles res­teront pen­dues au télé­phone pour débriefer leur presta­tion dans les moin­dres détails: « on s’engueule par­fois, on se dit tout, sans aucun fil­tre mais c’est très bien­veil­lant. » Avant de s’en­dormir et sure­ment de songer à leur rêve secret : faire l’Olympia, voir leurs noms s’af­fich­er en let­tres rouges sur le fron­ton de la salle mythique du boule­vard des Capucines et met­tre Paris à leurs pieds. Un dimanche soir, évidemment…

Les Coquettes, par les Coquettes 

Juli­ette : « C’est une jeune femme très glam­our, le stéréo­type de l’ac­trice hol­ly­woo­d­i­enne. Asso­cié à cela, ce qui nous fait beau­coup rire, c’est quelle est gaffeuse à mort ! Elle enchaîne les bour­des ! Elle n’a pas de fil­tres. Elle pense quelque chose, elle le dit, sans réfléchir. Par­fois, ça fait de jolies sur­pris­es, par­fois c’est très gênant… » 

Marie: « Elle a quelque chose de très attachant, et en même temps de très insup­port­able, parce qu’elle a de l’au­torité. [« Et parce que j’ai sou­vent rai­son, ça les énerve! »] Elle a une per­son­nal­ité très pétil­lante, par­fois ren­tre-dedans. Soit, tu veux lui faire un câlin, soit tu veux l’étrangler. » 

Lola: « C’est notre fan­tai­siste, celle qui nous fait rire, qui débor­de d’en­t­hou­si­asme. Elle fonce tête bais­sée, nous entraine, même si elle est têtue aus­si ! Mais quand on va avoir peur sur un point, elle va tou­jours nous encour­ager. Dans la tête de cette fille, ça mouline tout le temps. » 

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