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Vincente Minnelli 1903 — 1986 — That’s Entertainment !

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Vincente Minnelli ©DR
Vin­cente Min­nel­li ©DR

Un enfant de la balle
Vin­cente Min­nel­li naît le 28 févri­er 1903 à Chica­go. Son père est chef d’orchestre, sa mère chanteuse. Dès l’âge de trois ans, il se retrou­ve sur scène, en tant qu’in­ter­prète, dans des spec­ta­cles sous chapiteaux pro­duits par son père et son oncle. Ado­les­cent, il devient l’as­sis­tant d’un pein­tre d’en­seignes avant de devenir pein­tre lui même. A 16 ans, il entre au Chica­go Art Insti­tute. Ses études vont l’amen­er à s’in­téress­er aux décors et aux cos­tumes de théâtre. Par­al­lèle­ment, pour gag­n­er sa vie, il con­tin­ue à faire des appari­tions sur scène, vend des cro­quis de célébrités qu’il a réal­isés, et tra­vaille comme assis­tant auprès du pho­tographe Paul Stone. Ses divers­es expéri­ences le con­duiront au poste de directeur du départe­ment des cos­tumes pour le Chica­go The­atre de State Street. C’est dans ce con­texte et à la demande de ses employeurs qu’il part pour New York.

Broad­way
De 1930 à 1936, il crée les décors et cos­tumes de plusieurs grand shows de Broad­way, Black­birds, The Dubar­ry, Ziegfeld Fol­lies, The Show Is On pour ne citer qu’eux. Il ren­con­tre alors plusieurs acteurs de la scène new yorkaise comme les frères Gersh­win, Moss Art ou Oscar Lev­ant, qui sera l’un de ses inter­prètes deTous en scène, et s’im­prègne de l’u­nivers de la comédie musi­cale qui devien­dra son genre de prédilec­tion. Il obtient la con­sécra­tion en devenant cos­tu­mi­er en chef puis directeur artis­tique du Radio City Music Hall, à l’époque le plus grand théâtre du monde. C’est dans ce cadre qu’il réalise sa pre­mière mise en scène de théâtre. Sa pat­te visuelle com­mence à se faire repér­er et Min­nel­li se voit pro­pos­er un con­trat à la Para­mount. Il quitte une pre­mière fois New York pour Hol­ly­wood mais peine à trou­ver sa place dans le milieu du ciné­ma et démis­sionne. Après deux nou­velles pro­duc­tions à Broad­way, dont une en tant que met­teur en scène, Very Warm For May qu’il co-signe avec Oscar Ham­mer­stein II (futur paroli­er et libret­tiste de Okla­homa et The Sound of Music), il fait la con­nais­sance d’Arthur Freed. Celui-ci le fait engager à la MGM dont il dirige le départe­ment comédie musi­cale et qui vient de pro­duire The Wiz­ard of Oz de Vic­tor Flem­ming avec Judy Gar­land. Min­nel­li débar­que donc pour la sec­onde fois à Hollywood.

Min­nel­li et la MGM
En tant que mem­bre de l’u­nité d’Arthur Freed, Min­nel­li par­ticipe à la pré­pa­ra­tion de plusieurs pro­duc­tions en en réal­isant cer­taines séquences. Bien que non crédité au générique, Min­nel­li est donc co-réal­isa­teur de Lady Be Good de Nor­ma Z. Mc Leod ou de Strike Up The Band de Bus­by Berke­ley. C’est ain­si qu’il apprend à faire par­tie d’une équipe avant d’être auteur à part entière. Freed sera à l’o­rig­ine de la plu­part de ses pro­jets musi­caux et il ne sera pas rare que pour une rai­son ou pour une autre, Min­nel­li lui même doive céder la place, sur son pro­pre film, à un autre cinéaste non crédité au générique. Mais, désor­mais ini­tié à la mise en scène de ciné­ma, il se voit con­fi­er, par Freed, son pre­mier film à part entière: Cab­in In The Sky (Un petit coin aux cieux, 1942), la pre­mière de ses onze comédies musi­cales pour le ciné­ma. A l’o­rig­ine, Freed cher­chait à mon­ter une adap­ta­tion ciné­matographique de Por­gy and Bess des Gersh­win, mais, les droits étant déjà pris, il se rabat sur Cab­in, un autre show de Broad­way, au suc­cès moin­dre mais avec de jolies chan­sons. Même s’il récupère plusieurs acteurs du spec­ta­cle, Min­nel­li en trans­forme com­plète­ment la struc­ture et engage son amie, la sub­lime Lena Horne, dans un rôle clé. Cette his­toire d’un homme exposé à la ten­ta­tion par Lucifer per­met au cinéaste novice d’im­pos­er une sophis­ti­ca­tion et un raf­fine­ment jusque là inédit dans le genre dont les grands suc­cès sont alors les pro­duc­tions Berke­ley avec Judy Gar­land et Mick­ey Rooney. Et si cer­taines séquences dia­loguées demeurent un peu sages, en regard de ce que Min­nel­li réalis­era par la suite, la séquence du cat­a­clysme final qui amèn­era à la rédemp­tion du héros, est absol­u­ment superbe.

Les années Garland
Le film ren­con­tre un suc­cès impor­tant et Freed impose Min­nel­li, qui tourne ensuite une petite comédie, I dood it (Made­moi­selle ma femme, 1943), à la tête d’un pro­jet par­ti­c­ulière­ment ambitieux : Meet me in St Louis (Le Chant du Mis­souri, 1943). A Cab­in était en noir et blanc, Meet me sera en couleurs. Le pre­mier film était, comme sou­vent, adap­té d’un show de Broad­way et son bud­get était rel­a­tive­ment réduit, le sec­ond sera une créa­tion totale, du livret jusqu’à la par­ti­tion, et béné­ficiera d’un finance­ment excep­tion­nel. Surtout, Min­nel­li va rompre défini­tive­ment avec la tra­di­tion du film musi­cal qui con­siste à faire de l’his­toire un pré­texte à une série de numéros musi­caux spec­tac­u­laires. Meet Me In St Louis tourne autour d’un sujet intimiste. Le film racon­te le trou­ble de qua­tre ado­les­centes très attachées à la mai­son de leur enfance face à la déci­sion de leur père de quit­ter St louis pour vivre à New York. Chaque chan­son va faire par­tie inté­grante de l’his­toire et assur­er la con­ti­nu­ité des sen­ti­ments éprou­vés par les per­son­nages, l’amour, la joie, la colère, la mélan­col­ie. Le résul­tat est tri­om­phal. Le film sera, à l’époque, le plus gros suc­cès de la MGM, juste der­rière Gone with the Wind (Autant en emporte le vent). Un an après la sor­tie du film, Min­nel­li en épousera l’ac­trice prin­ci­pale, Judy Gar­land, qui don­nera nais­sance à leur fille, une cer­taine Liza. Dans la foulée, le cinéaste devient maître d’oeu­vre du film à sketch­es Ziegfeld Fol­lies (1945) pour lequel il tourne, entre autres, la magis­trale séquence « A Great Lady Has An Inter­view » avec Gar­land, puis dirige cette dernière dans le film The Clock (L’Hor­loge, 1945) en rem­place­ment de Fred Zin­ne­mann qui avait com­mencé les pris­es de vue.

Il retrou­ve la comédie musi­cale avec Yolan­da and The Thief (Yolan­da et le voleur, 1945). C’est Lucille Brem­mer, déjà présente dans Meet Me et Ziegfeld Fol­lies qui tient la vedette de ce long-métrage ini­tiale­ment prévu pour Gar­land. Fred Astaire y incar­ne le per­son­nage mas­culin prin­ci­pal. A par­tir des déboires d’une jeune et riche héri­tière qui s’adresse à son ange gar­di­en, tan­dis que des voleurs con­voitent sa for­tune, Min­nel­li réalise un de ses films les plus franche­ment oniriques. Lux­ueux et raf­finé, l’u­nivers y est délibéré­ment sur­réal­iste. Trop sans doute, puisque le film est un échec à sa sor­tie et demeure, encore aujour­d’hui, injuste­ment mécon­nu. Min­nel­li s’at­taque alors à un autre genre qu’il affec­tion­nera égale­ment beau­coup au cours de sa car­rière: le mélo­drame. Il tourne Under­cut (Lame de fond, 1946) avec Katharine Hep­burn, Robert Tay­lor et Robert Mitchum. Puis, il démarre la pré­pa­ra­tion du fameux The Pirate (Le Pirate, 1948) avec Judy Garland.

Pour l’oc­ca­sion, Min­nel­li tra­vaille égale­ment avec Gene Kel­ly, jeune vedette de la MGM venue de Broad­way et qui vient de ren­con­tr­er un franc suc­cès avec Anchors Aweigh (Escale à Hol­ly­wood). Le film mar­quera une étape sup­plé­men­taire du comé­di­en-danseur vers la gloire avant Sin­gin’ in the Rain (Chan­tons sous la pluie) qua­tre ans plus tard. Encore une fois, Min­nel­li con­stru­it une imagerie com­plète­ment onirique, mais la présence de Kel­ly et Gar­land va lui per­me­t­tre de se démar­quer du car­ac­tère éthéré de Yolan­da. Situé dans un monde fan­tas­magorique dû à son sujet — les aven­tures au siè­cle dernier de la belle Manuela et d’un jeune saltim­banque qu’elle prend pour Maco­co le pirate — le film célèbre le tri­om­phe de l’ex­ubérance à tra­vers des choré­gra­phies par­ti­c­ulière­ment ath­lé­tiques et char­nelles. Bien que soutenu par les chan­sons orig­i­nales de Cole Porter, et par le bud­get le plus impor­tant jamais alloué à Min­nel­li jusque-là, The Pirate ne trou­ve pas son pub­lic. Les prob­lèmes qu’il ren­con­tr­era avec Gar­land pen­dant le tour­nage et qui seront, en grande par­tie, la cause des dépasse­ments de bud­gets con­duiront le cou­ple à la sépa­ra­tion peu de temps après. Le cinéaste vient pour­tant de sign­er un de ses chef d’oeuvres.

Un Améri­cain à Paris
Il se tourne à nou­veau, et avec suc­cès, vers le mélo­drame avec une très belle adap­ta­tion de Madame Bovary (1949) d’après Flaubert puis vers la comédie avec Father of the Bride (Le père de la mar­iée 1950). Son statut de met­teur en scène à suc­cès rétabli, le voilà repar­ti dans un pro­jet musi­cal, le plus con­nu sinon le meilleur, An Amer­i­can in Paris (Un Améri­cain à Paris 1951). C’est Arthur Freed qui lance l’idée du film : s’in­spir­er de l’oeu­vre musi­cale éponyme de Gersh­win et de quelques autres chan­sons et par­ti­tions du com­pos­i­teur pour con­stru­ire un scé­nario. Freed s’adresse au libret­tiste Alan Jay Lern­er qui allait bien­tôt tri­om­pher à Broad­way grâce à My Fair Lady. Celui-ci imag­ine l’his­toire de trois jeunes artistes (un pein­tre, un chanteur, un musi­cien) qui ten­tent de percer à Paris. Deux d’en­tre eux (l’un est améri­cain, l’autre français) vont tomber amoureux de la même femme. Gene Kel­ly incar­ne bien sûr l’Améri­cain , tan­dis que les français George Gué­tary et Leslie Caron tien­dront les rôles de l’a­mi-rival et de la jeune femme objet de leur désir. Le goût de Min­nel­li pour la pein­ture et son expéri­ence dans ce domaine explosent véri­ta­ble­ment ici, en par­ti­c­uli­er dans un final dont les décors s’in­spirent d’artistes comme Renoir, Rousseau, Van Gogh ou encore Toulouse-Lautrec. Le film est un énorme suc­cès et fait encore fig­ure de date dans l’his­toire de la comédie musi­cale en par­tie grâce à son extra­or­di­naire final. Il faut cepen­dant recon­naître aujour­d’hui, qu’il est, com­paré à d’autres, un peu sures­timé. En dépit de grands moments et d’une musique très séduisante, on reste pan­tois devant la vision incroy­able­ment kitsch et « carte postale » que Min­nel­li nous offre de Paris. Le scé­nario est assez pau­vre quand il n’est pas franche­ment mièvre et Georges Gué­tary, venu tout droit du monde de l’opérette fran­chouil­larde, est absol­u­ment insupportable.

Le cinéaste tourne ensuite Father’s Lit­tle Div­i­dend (Allons donc, Papa, 1951) suite de Father of the Bride, The Bad and the Beau­ti­ful (Les Ensor­cel­lés, 1952), somptueux mélo­drame avec Kirk Dou­glas et Lana Turn­er et une par­tie de The Sto­ry of Three Loves (His­toire de trois amours, 1953) film à sketch­es avec Leslie Caron, avant d’en venir à ce qui reste, de loin, son plus grand film : The Band­wag­on (Tous en scène, 1953). A l’o­rig­ine du pro­jet, il y a le suc­cès de Sin­gin’ in the Rain sor­ti l’an­née précé­dente. Freed avait alors com­mandé aux scé­nar­istes-paroliers Adolph Green et Bet­ty Com­den une his­toire inspirée par ses pro­pres chan­sons. Devant le résul­tat, Freed relance Com­den et Green en leur pro­posant, cette fois, le réper­toire de Arthur Schwartz (musique) et Howard Dietz (lyrics). C’est ain­si que naît le scé­nario de The Band­wag­on. L’autre aspect impor­tant de la pré­pa­ra­tion du film est la par­tic­i­pa­tion de Fred Astaire au pro­jet. A l’époque, le comé­di­en-danseur est en passe de devenir « has been » et Freed voit là l’oc­ca­sion de relancer sa car­rière à tra­vers une his­toire plus ou moins inspirée de sa sit­u­a­tion actuelle. Astaire campera donc le per­son­nage de Tony Hunter, ex-star du musi­cal, qui se heurte aux nou­velles règles du show busi­ness et tente un come back. Au final, Min­nel­li signe une oeu­vre en tous points extra­or­di­naire. L’alchimie entre Astaire et la sculp­turale Cyd Charisse, qui trou­ve là son pre­mier grand rôle après une par­tic­i­pa­tion déton­nante dans le « Broad­way Melody » de Sin­gin’ in the Rain, est par­faite et le numéro « The Girl Hunt », par­o­die chan­tée et surtout dan­sée de film noir d’une splen­deur plas­tique étour­dis­sante, est le plus beau jamais réal­isé par le cinéaste. Avec Sin­gin’ in the Rain, The Band­wag­on mar­que l’a­pogée artis­tique du genre au cinéma.

Le déclin de la comédie musicale
En 1953, les suc­cès financiers de la MGM en matière de comédies musi­cales sem­blent n’ap­partenir, désor­mais, qu’au passé. Min­nel­li, lui, tente encore une nou­velle approche avec Brigadoon dont il entame le tour­nage juste après celui de The Long Long Trail­er (La Roulotte du plaisir, 1953) qui met en scène le cou­ple Lucille Ball-Desi Arnaz, vedettes de la série télé I love Lucy. Brigadoon est l’adap­ta­tion d’un show de Broad­way signé Alan Jay Lern­er, avec qui Min­nel­li a col­laboré pour An Amer­i­can, et Fred­er­ick Loewe. Il racon­te l’his­toire d’un new yorkais qui, lors d’un voy­age en Ecosse, se perd et décou­vre une ravis­sante con­trée qui n’ex­iste, par magie, qu’une fois par siè­cle. A cette époque, devant les dif­fi­cultés des pro­duc­teurs à impos­er de nou­velles comédies musi­cales filmées, les pro­jets les plus ambitieux devi­en­nent les trans­po­si­tions ciné­matographiques lit­térales des spec­ta­cles de New York, dont les livrets sont de plus en plus élaborés. Brigadoon entre dans cette caté­gorie. D’emblée, Min­nel­li déclare qu’il n’aime pas le show et tan­dis que Gene Kel­ly, qui tient la vedette de l’adap­ta­tion, insiste pour tourn­er en décors réels en Ecosse, le cinéaste impose le stu­dio. Le film, est pour cer­tains, son plus per­son­nel. Plus que jamais, Min­nel­li met à prof­it son sens de l’im­age. Chaque plan est un véri­ta­ble tableau superbe­ment com­posé. Mais le flot de couleurs finit par sus­citer l’é­coeure­ment, surtout avec une his­toire et une musique que l’on peut trou­ver niais­es. En out­re, on trou­ver que Cyd Charisse, avec sa froideur et son port superbe de danseuse, peu crédi­ble en jeune paysanne bro­dant devant une jolie cabane. Mais le film pos­sède des moments de grâce, en par­ti­c­uli­er les pas de deux entre Kel­ly et Charisse. Brigadoon ne ren­con­tre qu’un mai­gre suc­cès et la MGM peine de plus en plus à séduire le pub­lic avec ses pro­jets musicaux.

Freed ne renonce pas et compte bien sur Min­nel­li pour l’aider. Alors que le cinéaste ter­mine The Cob­web (La Toile d’araignée, 1955), le pro­duc­teur lui pro­pose de tra­vailler sur l’adap­ta­tion de Kismet (1955), un autre spec­ta­cle de Broad­way signé Luther Davis (livret), George For­rest (lyrics) et Robert Whright (musique). Min­nel­li, pris par un pro­jet qui lui tient à coeur, The Lust of Life (La Vie pas­sion­née de Vin­cent Van Gogh 1956) refuse mais la réal­i­sa­tion du pre­mier film devient la con­di­tion de la mise en chantier du sec­ond. Min­nel­li qui veut absol­u­ment mon­ter son Van Gogh tourn­era donc Kismet avec un dés­in­térêt pal­pa­ble à l’im­age, et sera rem­placé, pour les dix derniers jours de pris­es de vue, par Stan­ley Donen (Sin­gin’ in the Rain). On est une nou­velle fois séduit par l’aspect visuel du film, mais on se moque com­plète­ment de cette kitchissime his­toire de poète mêlé au des­tin d’un grand vizir. Min­nel­li a déjà la tête plongée dans Lust of Life qui sera l’un de ses plus grands mélo­drames. Puis il tourne Tea and Sym­pa­thy (Thé et sym­pa­thie, 1956) et Design­ing Woman (La Femme mod­èle, 1957).

Gigi, Melin­da, Nina…
En 1958, Freed revient à la charge et lui pro­pose Gigi, adap­ta­tion d’une oeu­vre de Colette déjà mon­tée au théâtre sous la forme d’une pièce clas­sique mais que le pro­duc­teur veut trans­former en gigan­tesque comédie musi­cale. Adap­tée, une nou­velle fois, par Alan Jay Lern­er et Fred­er­ick Loewe, l’his­toire de cette jeune ado­les­cente qui devient une femme dans la haute société d’un Paris de début de siè­cle fait preuve d’une justesse et d’une élé­gance, y com­pris dans les chan­sons, qui rap­pel­lent l’actuel tri­om­phe du duo : My Fair Lady qui vient juste de débuter à New York. Le tour­nage se déroule dans un pre­mier temps à Paris puis de nou­velles scènes sont tournées en stu­dio, cer­taines sont même ter­minées par d’autres cinéastes, Min­nel­li étant déjà par­ti sur son film suiv­ant. Au final, le film est superbe. Et tant pis si on a encore droit à un Paris de cartes postales, et à un Mau­rice Cheva­lier plus cabot que jamais, le charme du duo Louis Jor­dan-Leslie Caron est réel, le scé­nario riche et sub­til, la mise en scène extrême­ment bril­lante. Le suc­cès est au ren­dez-vous. Gigi rem­porte, l’an­née suiv­ante, l’Oscar du meilleur film et Min­nel­li, celui du meilleur réalisateur.

Gigi mar­que la fin d’une époque et le début d’une nou­velle ère. La fin, car il s’ag­it là du dernier suc­cès des pro­duc­tions Freed qui ne pro­duira plus rien d’aus­si impor­tant. Le début, car Gigi annonce, par sa forme, les films musi­caux qui se fer­ont par la suite: les bud­gets sont de plus en plus énormes, les acteurs ne chantent pas tous (en l’oc­cur­rence, Leslie Caron est ici dou­blée pour les séquences chan­tées), les livrets sont de plus en plus dens­es (voire bavards) et le chant devient l’at­trac­tion prin­ci­pale au détri­ment de la danse. Min­nel­li lui s’éloigne com­plète­ment du genre en tour­nant suc­ces­sive­ment The Reluc­tant Debu­tante (Qu’est-ce que Maman com­prend à l’amour, 1958) avec Rex Har­ris­son, Some Came Run­ning (Comme un tor­rent, 1958) avec Frank Sina­tra et Shirley Mc Laine, Home from the Hill (Celui par qui le scan­dale arrive, 1959) avec Robert Mitchum, The Four Horse­men of the Apoc­aypse (Les Qua­tre Cav­a­liers de l’Apoc­a­lypse, 1961) avec Glenn Ford, Two Weeks in Antother Town (Quinze jours ailleurs, 1962) avec Cyd Charisse, The Courtship of Eddie’s Father (Il faut mari­er papa, 1963), Good­bye Char­lie (Au revoir Char­lie, 1964) avec Tony Cur­tis et Deb­bie Reynolds, The Sand­piper (Le Cheva­lier des sables, 1965) avec Richard Bur­ton et Eliz­a­beth Tay­lor et A Mat­ter of Time (Nina, 1976), avec sa fille Liza Min­nel­li et Ingrid Bergman, qui sera son dernier film.

Il revien­dra cepen­dant encore deux fois à la comédie musi­cale. La pre­mière sera Bells are Ring­ing (Un numéro du ton­nerre, 1960), adap­ta­tion pro­duite par Arthur Freed d’un spec­ta­cle de Broad­way signé Jule Styne (Gyp­sy) pour la musique et Bet­ty Con­dem et Adolph Green pour le livret et les lyrics. Judy Hol­l­i­day y reprend le rôle d’opéra­trice télé­phonique qu’elle a créé à la scène aux côtés, ici, de Dean Mar­tin. Le film n’est pas dénué de charme mais pos­sède aus­si les défauts des pro­duc­tions de cette époque. Les dia­logues extrême­ment longs et lourds sont main­tenus dans leur inté­gral­ité et, filmés de manière sta­tique, empêchent le film de s’éloign­er de ses orig­ines théâ­trales, tan­dis que plusieurs chan­sons sont coupées pour le rac­cour­cir alors qu’elles auraient eu leur place dans le récit.
La toute dernière ten­ta­tive de Min­nel­li en matière de comédie musi­cale sera On a Clear Day You Can See For­ev­er (Melin­da). Encore une adap­ta­tion de Broad­way, le film est cette fois pro­duit par la Para­mount, la MGM ayant ven­du ses stu­dios. Quoique intéres­sant, il souf­fre, encore plus que Bells are Ring­ing, des prob­lèmes ren­con­trés par les super­pro­duc­tions de cette époque. Les dia­logues sont sur­dévelop­pés par Alan Jay Lern­er (qui avec Bur­ton Lane avait écrit le spec­ta­cle orig­i­nal) au détri­ment des chan­sons qui ne restent qu’au nom­bre de huit. Le film, au final, est assez déséquili­bré et ce n’est pas la présence étrange de Yves Mon­tand aux côtés de Bar­bra Streisand, qui arrange les choses. Le film sera un échec au box office. Il fau­dra six ans à Min­nel­li pour tourn­er son ultime long-métrage (Nina) avant qu’il ne prenne une retraite anticipée. Fig­ure emblé­ma­tique du sys­tème des stu­dios hol­ly­woo­d­i­ens dans les années 40–50, il ne trou­ve plus sa place dans le ciné­ma des années 70 mar­qué par l’ap­pari­tion d’une nou­velle généra­tion de cinéastes comme Steven Spiel­berg, Mar­tin Scors­ese ou Bri­an de Pal­ma. Il meurt en 1986.

Les comédies musi­cales de Vin­cente Minnelli
— 1943: Un petit coin aux cieux (Cab­in In The Sky)
— 1944: Le chant du Mis­souri (Meet Me In St Louis)
— 1945: Ziegfeld Fol­lies; Yolan­da et le voleur (Yolan­da and The Thief)
— 1948: Le Pirate (The Pirate)
— 1951: Un Améri­cain à Paris (An Amer­i­can In Paris)
— 1953: Tous en scène (The Band­wag­on)
— 1954: Brigadoon
— 1955: Kismet
— 1958: Gigi
— 1960: Un numéro du ton­nerre (Bells Are Ring­ing)
— 1970: Melin­da (On A Clear Day You Can See For­ev­er)