PQE : Via Sophiatown (Critique)

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via-katlehong-danceDirecteur artis­tique : Buru Mohlabane.
Choré­graphe : Vusi Mdoyi.
Avec la col­lab­o­ra­tion de Mpho Mole­po et toute l’équipe de Via Katle­hong Dance.
Cos­tumes : Dark Dindie.
Lumières : Alix Veillon.
Scéno­gra­phie & direc­tion tech­nique : David Hlatshwayo.
Chant & nar­ra­tion : Nomath­am­san­qa Baba & Them­binkosi Hlophe.
Musi­ciens : Jack­son Vilakazi, Muzi Radebe, Tshe­po Nch­a­be­leng & Vuyani Feni.
Danseurs : Tshe­po Nch­a­be­leng, Vuyani Feni, Man­dlenkosi Fanie, Vusi Mdoyi, Mbali Nkosi, Mat­shidiso Moko­ka, Boi­tume­lo Tshu­pa & Them­binkosi Hlophe.

À l’origine, Via Katle­hong Dance était autre chose qu’une com­pag­nie de danse.
C’était plutôt ce que nous appel­le­ri­ons une asso­ci­a­tion de quarti­er, ou dis­ons une asso­ci­a­tion de town­ship, celui de Katle­hong juste­ment, à une quar­an­taine de kilo­mètres de Johannesburg.
Si l’association pro­po­sait de la danse, c’était une méth­ode pour détourn­er les jeunes du crime et de la vio­lence endémiques dans les town­ships des dernières années de l’Apartheid. Vusi Mdoyi, lui-même orig­i­naire de Katle­hong, a rejoint l’association en 1996, à l’âge de 15 ans. Aujourd’hui, il en est l’un des co-directeurs et le choré­graphe prin­ci­pal. Mais aujourd’hui la sit­u­a­tion a changé : l’Afrique du Sud fait ses pre­miers pas de démoc­ra­tie et Via Katle­hong est plus une com­pag­nie de danse qu’autre chose. Ce à quoi Via Katle­hong reste fidèle, en revanche, c’est à l’idée que la danse puisse servir à ceux qui la dansent et à ceux qui la regar­dent pour négoci­er leur place dans la société, inven­ter des zones de lib­erté, pro­pos­er des modes de vie, s’approprier ce dont ils sont dépossédés.
Leur dernier spec­ta­cle en date, Via Sophi­a­town, rend hom­mage à un autre quarti­er de Johan­nes­burg, équiv­a­lent aus­tral de Harlem. Sophi­a­town fut un quarti­er mixte, qui atti­ra nom­bres d’artistes et fut le creuset d’une intense élab­o­ra­tion esthé­tique et poli­tique, les deux allant sou­vent de pair. On y inven­ta beau­coup de rythmes, de pas, de poèmes, d’espoirs, d’idées.
Mais en 1955, suite à la mise en place de la poli­tique d’Apartheid, les Noirs sont déplacés à Sowe­to et le quarti­er entière­ment réservé aux Blancs. Sophi­a­town avait vécu.
Via Sophi­a­town est une façon de ressus­citer le quarti­er et le bouil­lon­nement artis­tique qui fut le sien. Katle­hong le fait avec une énergie folle parce que ce n’est pas seule­ment de la danse mais de l’espoir.

Notre avis : Pro­posé dans le cadre du for­mi­da­ble fes­ti­val Paris Quarti­er d’Eté (25ème édi­tion !), ce spec­ta­cle vaut par l’én­ergie com­mu­nica­tive qui s’en dégage. En effet la troupe de danseurs et chanteurs se donne sans compter, durant un peu plus d’une heure, pour évo­quer cette ville. Après une instal­la­tion un peu longue, qui voit l’ar­rivée un par un de tous les pro­tag­o­nistes, le spec­ta­cle se met en place. Et là appa­rait un manque : quelques phras­es don­nent des infor­ma­tions suc­cinctes sur le quarti­er, sur le côté mul­ti cul­turel, mul­ti racial de cet endroit où les gens vivaient en bonne intel­li­gence avant que tout ne vole en éclat. Les infor­ma­tions dis­til­lées restent un peu trop éva­sives : nous aime­ri­ons en savoir plus. Un aspect didac­tique un peu plus appuyé aurait donc été béné­fique. En out­re les pho­tos pro­jetées durant le spec­ta­cle sont très belles, mais elles sont peu nom­breuses (alors qu’un fond impor­tant doit exis­ter). Ces réserves mis­es à part, des choré­gra­phies — avec des chaines frap­pant des bottes par exem­ple — le tal­ent de cette troupe et, une fois encore, la belle énergie qui s’en dégage a tôt fait d’en­flam­mer la salle et c’est bien là le plus important.