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Un violon sur le toit

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Musique de Jer­ry Bock
Paroles de Shel­don Harnick
Livret de Joseph Stein
Mise en scène et choré­gra­phie orig­i­nale de Jerome Robbins

Mise en scène : Olivi­er Benezech et Jeanne Deschaux
Adap­ta­tion française : Stéphane Laporte

Direc­tion musi­cale : Thier­ry Boulanger
Direc­tion vocale : Pierre-Yves Duchesne
Décors : Yves Valente
Cos­tumes : Frédéric Olivier
Lumières : Lau­rent Castaingt

25 artistes sur scène accom­pa­g­nés par un orchestre de 16 musiciens.

Avec
Tevye, le laiti­er : Franck Vincent
Golde, sa femme : Isabelle Ferron
Tzei­t­el, sa fille aînée : San­drine Seubille
Hodel, sa cadette : Chris­tine Bonnard
Cha­va, la petite : Amala Landré
Motel Kam­zoil, le tailleur : Vin­cent Heden
Yente, la marieuse : Cathy Sabroux
Lazar Wolf, le bouch­er : Robert Aburbe
Per­chik, un étu­di­ant : Thier­ry Gondet
Mendel, le fils du Rab­bin: Hervé Lewandowski
Fyed­ka, un jeune russe : Frank Sherbourne
Fru­ma Sarah : Francine Bouffard
Grand-mère Tzei­t­el : Oona Hodges
Shan­del, la mère de Motel : Mari Lau­ri­la Lili
Le Rab­bin : Jacques Vidal
Avram : Math­ias Bord
Le Com­mis­saire : Alain Wilmet
L’Auber­giste : Hubert Forest
Le Men­di­ant : Fabi­an Ballarin
Ensem­ble : Angélique Frid­blatt, Lau­rent Codair, Ida Gor­don, Serge Le Borgne, Joe Fowler

Si le sens de l’ex­pres­sion « comédie musi­cale » appa­raît aujour­d’hui bien fre­laté au vu des pièces mon­tées indi­gestes que l’on nous sert sur scène depuis main­tenant bien­tôt dix ans, il suf­fit, pour se sou­venir de ce que cette expres­sion a bien pu vouloir dire un jour, d’aller au Théâtre Comé­dia et de s’in­staller bien con­fort­able­ment. La magie et les charmes d’Un Vio­lon sur Le Toit ne tarderont cer­taine­ment pas à vous envoûter dès le lever de rideau pour ne céder la place qu’à une émo­tion dif­fi­cile­ment con­tenue lors des dernières scènes du spectacle.

Com­ment en effet expli­quer l’ex­tra­or­di­naire adéqua­tion entre tous les ingré­di­ents con­sti­tu­ant ce spec­ta­cle si ce n’est, à la base, l’in­tel­li­gence d’une pièce de théâtre à l’in­trigue bien con­stru­ite, reposant sur des ressorts émo­tion­nels large­ment jus­ti­fiés par l’ar­rière-plan socio-his­torique, offrant aux numéros musi­caux un développe­ment naturel et à une troupe de comé­di­ens des rôles aux car­ac­tères bien trempés.

L’his­toire est la suiv­ante : dans un vil­lage de la Russie tsariste du début du 20ème siè­cle, un père de famille pau­vre, laiti­er ambu­lant de son état, et juif pieux mais arrangeant, a plusieurs filles à mari­er ; à l’en­con­tre de toutes les règles de la tra­di­tion, elles fer­ont leur pro­pre chemin et non celui qui sem­blait tracé pour elles, cepen­dant que les cir­con­stances poli­tiques leur fer­ont à tous fuir les mas­sacres et leur vil­lage natal.

Cette nou­velle pro­duc­tion d’Un Vio­lon sur le Toit est for­mi­da­ble, menée par des comé­di­ens aux divers tal­ents incon­testés. La mise en scène très flu­ide d’O­livi­er Benezech réus­sit le mir­a­cle de gom­mer sub­tile­ment ce que nous pour­rions appel­er des longueurs dans le développe­ment du sujet, et la par­tie orches­trale est menée tam­bour bat­tant par un orchestre dont la per­ma­nence sur scène nous rap­pelle que la musique berça per­pétuelle­ment les bon­heurs et les tragédies de ce peu­ple au cours de son his­toire. Nous nous lais­sons emporter par les superbes bal­lades nos­tal­giques, par les mono­logues pas­sion­nés sur l’amour ou l’en­gage­ment poli­tique (men­tion spé­ciale pour la nou­velle adap­ta­tion de Stéphane Laporte qui ôte le car­ac­tère « opérette » de la ver­sion française des années 60), par les choré­gra­phies échevelées de Jeanne Deschaux et l’onirisme qua­si-goth­ique de cer­taines scènes musi­cales, et surtout par un Franck Vin­cent dans le rôle prin­ci­pal dont le moins qu’on puisse dire est qu’il fasse hon­neur à la tra­di­tion qui con­siste à choisir pour ce rôle, depuis main­tenant plus de 40 ans et dans le monde entier, des comé­di­ens d’ex­cep­tion. Mais tous les autres comé­di­ens ont égale­ment su s’ap­pro­prier les car­ac­téris­tiques de leurs per­son­nages pour recréer des per­son­nal­ités scéniques très con­va­in­cantes : Cathy Sabroux en marieuse iné­narrable, Vin­cent Heden en petit tailleur con­tor­sion­né de timid­ité, Isabelle Fer­ron en mère impéri­ale, Robert Aburbe en bouch­er lubrique ou le for­mi­da­ble trio des filles de Tevye (San­drine Seu­bille, Chris­tine Bon­nard, Amala Lan­dré)… pour n’en citer que quelques uns.

Ce Vio­lon sur le Toit nous prou­ve que Paris peut par­fois nous offrir de la « vraie » comédie musi­cale avec tout ce que ce genre peut com­porter de magie, d’é­mo­tion et de sincérité. Reste à souhaiter que cette pro­duc­tion ren­con­tre beau­coup de suc­cès… et puisse ain­si ouvrir la voie à d’autres spec­ta­cles de ce type.