Mise en scène : Antoine Herbez
Adaptation : Wajdi Lahami
Direction musicale : Didier Benetti
Avec Laetitia Ayrès, Ariane Brousse, Victorien Disse, Jules Dousset, Francisco Gil, Ivan Herbez, Orianne Moretti, Alice Picaud, Marie Salvat, Maxime de Toledo
Les musiciens : Victorien Disse, Alice Picaud, Marie Salvat
Sur des airs empruntés à The Fairy Queen de Purcell, une libre adaptation de la comédie féerique de Shakespeare.
Notre avis: Le théâtre musical dépose parfois de surprenantes perles sur les scènes parisiennes. Ce Songe d’une nuit d’été en est une. Mêlant pièce classique et opéra intimiste, cette jeune création signée de La compagnie Ah se révèle un moment enchanteur, très original et empli de poésie. En réunissant Shakespeare et Purcell, elle célèbre, comme une évidence, l’union de la poésie et du baroque, du verbe et de la voix, de la féérie et de la pureté, faisant magnifiquement honneurs aux arts florissants.
Dans l’ambiance intimiste du Théâtre 14, sur une scène que quelques simples décors mobiles noirs habillent et déshabillent avec autant de discrétion que d’ingéniosité, les amours contrariées de de Demetrius, Hermia, Lysandre et Helena renaissent à la nuit tombée. Athènes se laisse deviner au loin, le bois est peuplé de fées et de fleurs aux pouvoirs magiques et le merveilleux règne en maître. Les artistes revisitent alors l’essentiel du chef d’œuvre de Shakespeare. Dans un jeu impeccable et une scénographie pleine d’imagination, tous font honneur au poète anglais – et au théâtre. Vêtus de costumes superbes, à l’image de la cape du Roi Oberon, les jeunes comédiens se révèlent progressivement. Au fil de leurs répliques, de leur folle escapade et des rebondissements enchantés, ils s’affirment et dévoilent des interprétations convaincantes. C’est fluide, très drôle et forcément plein de merveilleux. Le drame n’empêchant pas l’humour, l’adaptation de Wajdi Lahami est évidemment fidèle, mais saupoudrée çà et là de fantaisie verbale et scénique et d’une infime touche de modernité.
Mais Un songe d’une nuit d’été est bien plus qu’une pièce et c’est là toute sa particularité : au milieu des scènes classiques, s’invitent, comme une évidence, quelques airs de Purcell – ceux-là mêmes qu’il composa en 1692 pour son oeuvre The Fairy Queen. L’ensemble gagne alors en intensité. La pièce devient un semi-opéra, les airs achèvent d’enchanter l’atmosphère et par la voix magnifique de Orianne Moretti (Titiana, la reine des fées), la nature s’enveloppe de lyrisme. Elle n’est pas la seule à marquer le public. Parmi la troupe de jeunes artistes, Maxime de Toledo (Carmen, La Vie Parisienne, Sweeney Todd à l’Opéra de Reims, Passion au Châtelet…), bien loin de son génial rôle de vieillard dans Forever Young, impressionne une fois de plus par sa voix ténébreuse et sa présence scénique. Il est un Oberon charismatique et solennel. A ses côtés, Francisco Gil, offre une formidable interprétation de Puck, le lutin étourdi. Totalement intégrés au spectacle, trois artistes-musiciens –graine de moutarde, toile d’araignée et papillon– se joignent aux personnages. Avec violon, théorbe et violoncelle, ils mettent en musique les émotions, accompagnent les héros et leur voix. Le tout avec grâce et délicatesse. Faisant rosir la lune argentée et se lever le soleil, ils contribueront bien sûr au réveil de l’amour.
En offrant un spectacle inédit, et d’une grande qualité, véritable hymne à la féérie, Antoine Herbez et les équipes d’ Un songe d’une nuit d’été sont parvenus à réinventer l’œuvre de l’un des plus grands auteurs de théâtre, en osant y ajouter avec intelligence et finesse, les notes éternelles de Purcell et celles, indéniables, de leur talent.