A Bordeaux des comédiens se forment au théâtre national. Une partie des élèves de la première promotion, désormais lâché sur le rude marché du travail, présente jusqu’au 24 novembre, et à guichets fermés, une lecture particulière de L’assommoir. Le roman de Zola nous est conté par trois couples réunis autour d’une table de banquet, figurant le bar « L’Assommoir » sous l’oeil d’une Gervaise (?) photographiée en noir et blanc. Des bouteilles pleines se videront au fur et à mesure de l’avancée du spectacle, plongeant les protagonistes dans une ivresse de plus en plus marquée. Dans un coin, un juke box égrène des airs rythm and blues avec quelques dérapages vers la chanson française, « Que je t’aime » étant repris a capella et de forte gaillarde manière par la troupe.
Ces jeunes talents* ont confié la mise en scène à David Czesienski, jeune berlinois (comme son nom ne l’indique pas). Le principe, tout en descendant allégrement les bouteilles, est de conter l’histoire et, à tour de rôle, d’en incarner des passages. Par exemple pour incarner Gervaise, qui boitait comme chacun sait, les comédiennes retirent une de leurs chaussures afin de claudiquer à leur aise. Tout est ainsi agencé, par petites trouvailles. Et le ton du roman, sérieux pour ne pas dire déprimant, change dans cette adaptation puisque, en adresse au spectateur ou s’invectivant pour une réplique ratée, un verre avalé de travers, c’est bien à une comédie que l’on assiste. Le public s’amuse des facéties de la troupe, bien décidé à les suivre dans cette aventure hors norme. Sur deux heures dix le procédé pourrait lasser, il n’en est rien, sauf peut-être dans la dernière demi-heure, durant laquelle les comédiens se contenteront de narrer la trame dramatique sans plus jamais incarner Gervaise, Coupeau, Lantier ou le brave Goujet. Des extraits du texte original côtoient un langage plus contemporain, même si le look choisi par le metteur en scène est résolument seventies. Un pari joliment relevé, donc. Nous attendons la suite, après tout l’Assommoir n’est qu’un volume dans l’imposante saga des Rougon-Macquart…
* Bess Davies, Baptise Girard, Lucie Hannequin, Charlotte Krenz, Tom Linton, Tristan Robin