Deuxième semaine d’août, nous débarquons à Bruxelles direction le Studio Dada dans un quartier excentré de la capitale belge où s’enregistre le CD (Cast album) de Kuifje De Zonnetempel. Là, nous retrouvons Dirk Brossé (le compositeur), Maggie Rodford (la productrice du CD) et son ingénieur du son. Nous découvrons une immense pièce pouvant recevoir un orchestre ou un ensemble vocal complet. C’est ici que vont se succéder pendant cinq jours les membres de la troupe pour poser leur voix sur la musique préalablement enregistrée par Dirk Brossé avec l’Orchestre National de Belgique (90 musiciens).
Silence, on enregistre…
A tout seigneur tout honneur, c’est Tom Van Landuyt (Tintin) qui commence. Il bénéficie d’une réelle notoriété en Flandre et aux Pays-Bas où il vient de terminer la tournée de Rent. Il nous confie d’ailleurs éprouver plus de difficultés sur Tintin car c’est assez loin de son registre rock habituel. Il nous explique aussi qu’il est beaucoup moins à l’aise en studio que sur scène avec ses partenaires. « C’est plus difficile de retrouver l’émotion de mon personnage avec un casque sur la tête ! ». Mais tout se passe bien et en peu de temps toutes ses chansons sont en boîte. Puis viennent la Castafiore, les Dupond/t, Tournesol, le Grand Inca, et la plupart des membres de l’Ensemble pour les choeurs et quelques lignes en solo.
Dirk Brossé, toujours de bonne humeur et très complice avec les interprètes, dirige les enregistrements après une petite répétition piano-voix. Derrière la vitre, Maggie Rodford, productrice de l’album, a l’oreille d’une directrice artistique. Perfectionniste, elle ne laisse rien passer et n’hésite pas à demander, toujours avec douceur, de nouvelles prises. Il faut dire qu’elle a déjà produit des bandes originales de film comme Le Prince d’Egypte et Gladiator. Quant à Seith Gaaikema, l’auteur du livret avec Frank Van Laecke, il insiste particulièrement sur la prononciation et l’articulation.
Assister à cet enregistrement c’est surtout pour nous l’occasion de découvrir la musique de Tintin. Jazz, lyrique, symphonique, sud-américaine, autant de couleurs musicales que nous retrouvons dans la partition de Dirk Brossé. De quoi mettre l’eau à la bouche. Pour pouvoir enfin mettre des images sur cette musique, nous partons à Anvers où le spectacle se prépare dans le plus grand secret.
Répétitions à Anvers
Depuis début juillet, toute la troupe répète au Stadsschouwburg d’Anvers. Mais c’est seulement depuis le 18 août qu’elle travaille sur la scène du théâtre dans les décors du spectacle. Nous allons avoir la grande chance d’assister à la première répétition avec l’orchestre dans la fosse. En coulisses, tout le monde est là : le staff de la production (Tabas&Co et Moulinsart), le compositeur, le metteur en scène, l’équipe technique (décors,lumières,son), la troupe et aussi…le chien Milou en chair et en os !
En se promenant sur l’immense plateau (surtout en profondeur), on découvre une véritable caverne d’Ali Baba remplie de décors. On pourrait presque en faire un inventaire à la Prévert : un avion, l’avant d’un train, une loge de théâtre, l’escalier de Moulinsart, le trône du Grand Inca, un lama, un condor, un labyrinthe, les sept boules de cristal (une machine incroyable !), les Andes péruviennes… Il n’y a pratiquement plus un espace de libre, sans compter les nombreux panneaux dans les cintres. Il faut dire que le spectacle ne compte pas moins d’une bonne trentaine de changements de décor ! Les machinistes et techniciens de plateau n’ont pas une minute de répit, les temps de mise en place sont très courts, tout est minuté au plus juste. Hormis les panneaux qui descendent et remontent automatiquement dans les cintres, tous les autres éléments des décors sont installés et enlevés manuellement. Quant aux nombreux effets spéciaux (spectaculaires), ils ne laissent aucun droit à l’erreur.
Dans la fosse, l’orchestre de quinze musiciens s’installe et dès les premières notes, on se rend compte de sa puissance. Le rendu est presque similaire aux 90 musiciens de l’Orchestre National de Belgique. La répétition commence. C’est un filage du premier acte qui est prévu aujourd’hui. Mais il n’est pas facile de synchroniser l’orchestre, les comédiens et les décors du premier coup. Frank Van Laecke, le metteur en scène, interrompt régulièrement les scènes. On règle la mise en place d’un décor, la balance orchestre-voix, les déplacements des artistes,…Frank dirige tout ce « barnum » d’une main de maître en faisant de nombreux va-et-vient entre la salle et la scène sans jamais se départir de son calme. Il est très apprécié par la troupe. Malgré la tension et le stress, tout le monde semble d’ailleurs garder son self control. Au sein de la troupe règnent même bonne humeur et décontraction. Les comédiens ne sont pas encore en costume mais certains portent déjà faux crâne ou perruque. La ressemblance avec les personnages de la BD est troublante.
Dans la plus pure tradition de la comédie musicale, les scènes se succèdent alternant danse, chant et comédie. Le ballet d’ouverture « Rascar Capac » avec des masques effrayants séduit par sa modernité et l’énergie des danseurs. Martin Michel, le chorégraphe, semble satisfait de ses « élèves ». Arrive Tintin, il appelle Milou qui accourt aussitôt. Ce chien est spécialement dressé pour le spectacle. Son maître veille en permanence en coulisse car il a encore un peu tendance à n’en faire qu’à sa tête ! On découvre ensuite le capitaine Haddock et Tournesol. Tous les membres de l’ensemble (chanteurs, danseurs et bien souvent les deux à la fois) ne sont pas cantonnés à faire tapisserie en fond de scène, ils ont tous un ou plusieurs petits rôles à défendre. Ils font également les choeurs hors scène. La première scène avec la Castafiore (dont les apparitions seront plus nombreuses que dans la BD) est un grand moment. Milou l’interrompt régulièrement par ses aboiements pendant qu’elle chante, et c’est fait exprès. Bien sûr il y a un truc… Pendant qu’on travaille à la mise en place compliquée d’un imposant décor, le chorégraphe revoit avec les Dupond/t leur numéro irrésistible mais bien difficile. Autre scène impressionnante et particulièrement délicate à régler: celle du labyrinthe dont les éléments se mettent à bouger dans tous les sens…
Nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher les effets de surprise à ceux qui iront voir le spectacle. Allez, encore une dernière révélation : au cours du deuxième acte, Tintin vole accroché aux pattes d’un condor comme dans la BD ! C’est la seule scène de la deuxième partie (qui est, selon le metteur en scène, encore plus forte et spectaculaire que la première) que nous avons vu répéter.
Pour notre dernier jour à Anvers, nous assistons à la première prestation en public de toute la troupe en plein air sur la Grande Place dans le cadre du Marché de la Culture. La production a bien fait les choses : ballons et autocollants aux couleurs du spectacle sont distribués par dizaines. Le public réserve un accueil très chaleureux aux deux chansons interprétées par les comédiens.
Si, pour Anvers, tout semble bien se présenter, qu’en est-il de la version française de Charleroi prévue pour mars 2002 ?
Tintin en français à Charleroi
Entre fin mars et début juillet, de nombreuses auditions ont été organisées à Paris et à Charleroi. De nombreux artistes belges, français et canadiens se sont présentés, la production a croulé sous les candidatures (l’annonce parue dans la rubrique Casting de Regard en Coulisse y a paraît-il bien contribué). Ces auditions se sont déroulées dans une bonne ambiance. Les candidats ont apprécié la qualité de l’accueil et l’amabilité du jury. Les plus chanceux d’entre eux ont été invités à une deuxième audition. Et enfin c’est le 9 juillet à Charleroi qu’a eu lieu l’ultime sélection. Tous les postulants ont attendu patiemment jusqu’à la fin de la journée pour savoir s’ils feraient ou non partie de l’aventure. Pour Frank Van Laecke (metteur en scène et co-auteur du livret) et Dirk Brossé (compositeur), le choix s’est avéré très difficile tant les artistes étaient, selon eux, de grande qualité. Ils étaient sincèrement émus et peinés d’annoncer à certains qu’ils n’étaient malheureusement pas retenus. « C’est un déchirement » nous confiera Frank.
Sous réserve de désistements de dernière minute, le casting de Charleroi est désormais bouclé mais nous ne pouvons encore rien dévoiler. La distribution complète devrait être officiellement présentée dans quelques semaines lors d’une conférence de presse, nous vous en tiendrons informés. Pour les heureux élus, les répétitions commenceront dès le 21 janvier.
Après Charleroi, la même troupe devrait enchaîner sur une nouvelle série de représentations déjà prévue dans une autre ville de la « Francophonie »… Si, bien entendu, Paris reste le principal objectif de la production, rien n’est encore signé mais les choses avancent tranquillement. En attendant, si vous allez à Anvers, Kuifje se prononce « keufieu », ça peut toujours servir…