Thomas Le Douarec, au regard de vos précédents spectacles, on ne s’attendait pas à vous voir diriger une comédie musicale sur Mike Brant. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?
C’est étonnant mais, il y a quelques années un ami, Olivier Lebleu, a écrit une biographie sur Mike Brant. Au début, je l’ai lue par amitié, je connaissais très mal le personnage. En lisant cette biographie, sa vie m’a passionné. Du coup, quand on m’a proposé ce projet, j’ai tout de suite été intéressé par la vision de l’auteur, son interprétation des faits. Il a essayé de comprendre pourquoi ce jeune homme qui avait tout, la beauté et une voix d’ange, s’est donné la mort, pourquoi une telle détermination à vouloir se tuer. Mike Brant est l’enfant de deux êtres qui ont survécu à l’abominable. Sa mère a été l’une des rares rescapées d’Auschwitz, et son père était un Juif polonais qui a pris le maquis et s’est battu contre les Allemands pendant toute la guerre. Mike va naître dans un camp de réfugiés à Chypre. Ils vont attendre deux ans avant de pouvoir entrer en Israël et vivre humblement dans une banlieue de Haïfa. C’est l’histoire incroyable de ce petit garçon qui a été traumatisé par une enfance difficile, à gérer tous les cauchemars de ses parents, et qui a hérité de toutes leurs souffrances. C’est ce qui l’a amené vers l’autodestruction. Dès le départ, il y a une fatalité. C’est une vraie tragédie avec une fin inéluctable. C’est le parcours d’une étoile filante qui, en à peine cinq ans de carrière, a vendu des millions de disques. Malgré ce passage éclair, il a laissé des traces indélébiles pour certaines personnes. Ce qui est merveilleux, c’est qu’au-delà de cette vie incroyable, de cette volonté de l’auteur de faire passer toute cette émotion et toutes ces souffrances, il y a le contraste avec ce monde de paillettes complètement factice des années 70, les chansons de Mike… Tout cela fait un spectacle très riche.
Cette comédie musicale était à l’origine juste une pièce de théâtre…
Oui, une pièce de théâtre écrite par Gadi Inbar, grand auteur et metteur en scène israélien, qui a été créée avec beaucoup de succès en Israël. Pour la France, l’auteur et les producteurs voulaient en faire une comédie musicale. Gadi Inbar a complètement réécrit le livret qui a été adapté en français par Laurence Sendrowicz. Ce n’est pas tout à fait la même histoire, on a totalement réduit la partie en Israël, il y a de nouveaux personnages, de nouvelles scènes, des vrais tableaux de comédie musicale. C’était vraiment un souhait de l’auteur de l’emmener dans cette direction, ça l’excitait énormément. Il a fait un travail remarquable en écrivant des scènes magnifiques.
Avez-vous été associé à cette réécriture ?
J’ai eu la grande chance de pouvoir travailler avec Gadi Inbar et Laurence Sendrowicz. Gadi Inbar, qui est venu de Los Angeles où il vit, a été d’une bienveillance totale à notre égard, il a réécrit certaines scènes à notre demande. Nous avons eu une belle complicité tous les trois.
Avez-vous abordé ce spectacle de la même façon que vos précédentes mises en scène ?
Ce que j’aime avant tout, c’est raconter une histoire. J’essaie de la servir le mieux possible. Quel que soit le spectacle, c’est le même travail. Là, j’ai plus de moyens que d’habitude. C’est très lourd mais j’ai toujours adoré les troupes, j’adore être capitaine d’un navire, il y a un côté assez physique que j’aime bien. Je considère chaque projet comme un nouveau défi. J’essaie toujours de surprendre, déjà de me surprendre moi, puis les spectateurs et même mes confrères, sinon ça ne m’intéresserait pas.
En quoi pensez-vous que ce spectacle va surprendre ?
C’est à mon avis quelque chose d’assez étonnant, original, un OTNI, Objet Théâtral Non Identifié ! C’est un spectacle qui mêle beaucoup de choses. C’est vraiment du théâtre musical avec un thème très fort, des scènes très dures, et aussi un vrai divertissement avec des ballets, des chansons. Tout cela s’imbrique de manière assez élégante et émouvante. J’adore quand on peut faire rencontrer des univers aussi différents. Les comédiens que j’ai réussi à réunir risquent aussi de vous surprendre. J’ai mis beaucoup de temps à faire mon casting, on a fait de très longues auditions sur plusieurs mois mais cela en valait la peine, je suis très content de ma troupe.
Avec un tel titre, Mike laisse-nous t’aimer semble s’adresser surtout aux fans de Mike Brant…
Pour moi, le titre est Mike. « Laisse-nous t’aimer » est un sous-titre qui a été ajouté par les producteurs pour que les gens pensent tout de suite à Mike Brant. Ils craignaient que Mike tout seul soit trop intriguant. Moi j’aurais préféré que ça reste Mike, justement pour cela. Bien sûr, le spectacle va d’abord intéresser les fans. Mais moi je ne l’ai pas monté en étant fan de Mike Brant. Il s’agit avant tout d’une belle histoire intemporelle et universelle. Dans le destin de Mike, on retrouve le destin d’autres grandes stars, des étoiles filantes qui ont tout à coup touché le firmament puis ont disparu. Il y a Mike Brant bien sûr mais, au-delà, c’est une fiction avec des personnages, tout cela c’est du théâtre !