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Thomas Boissy — Le pro de l’impro

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Thomas Boissy dans <i>ImproSession</i> ©DR
Thomas Bois­sy dans ImproS­es­sion ©DR

Thomas Bois­sy, quel est le con­cept du spec­ta­cle ImproS­es­sion ?
C’est un con­cept qui est né en Bel­gique il y a dix ans env­i­ron. Le pub­lic rem­plit une fiche en entrant dans la salle avec le nom d’un artiste, un style décalé et un thème. Ce qui peut nous don­ner par exem­ple Edith Piaf, en raï, sur les embouteil­lages dans Paris ! En trente sec­on­des, avec les cinq musi­ciens qui m’ac­com­pa­g­nent nous devons imag­in­er une his­toire, par­tir sur une chan­son d’Edith Piaf, en chang­er les paroles et le style. On est sur un fil en per­ma­nence. C’est un tra­vail d’im­pro­vi­sa­tion totale avec le risque que ce soit bon ou moins bon.

Le résul­tat est assez épous­tou­flant, tel un magi­cien avez-vous des trucs ?
J’es­saye de ne pas avoir de trucs. Dès qu’il y a un truc ou une ficelle, ce n’est plus de l’im­pro­vi­sa­tion et les gens le ressen­tent for­cé­ment. Dans les trente sec­on­des de réflex­ion, nous déci­dons de peu de choses finale­ment. Soit nous avons vrai­ment une idée pré­cise et nous prenons telle chan­son, soit nous par­tons sur une intro et nous voyons ce qui se passe. Au cours de l’im­pro­vi­sa­tion, l’in­spi­ra­tion se développe et il m’ar­rive de dévi­er vers autre chose. Très sou­vent, ça vient d’un jeu de mots que j’ai envie de faire ou d’une sit­u­a­tion qui m’amène sur une autre chan­son qui me paraît mieux adap­tée, dans ce cas-là je fais un geste de la main pour arrêter les musi­ciens, je racon­te un bout d’his­toire, je repars sur une autre chan­son et tout le monde suit immé­di­ate­ment. C’est aus­si une gym­nas­tique incroy­able pour les musi­ciens, ils ont besoin d’une très bonne con­nais­sance du réper­toire et d’avoir l’or­eille parce qu’ils s’adaptent spon­tané­ment à la tonal­ité sur laque­lle je pars.

Vous est-il déjà arrivé de rester « sec » devant une demande du public ?
Sur le sujet rarement, on peut tout traiter. Il faut se tenir au courant de tout ce qui se passe autant dans l’ac­tu­al­ité que dans la télé réal­ité par exem­ple parce que ça fait aus­si par­tie des thèmes qui peu­vent tomber. Il y a par­fois des sujets dif­fi­ciles que j’es­saye de con­tourn­er car les gens sont là pour s’a­muser, pour pass­er un bon moment. Ils n’ont pas for­cé­ment envie d’en­ten­dre par­ler de la guerre, ils ne sont pas là pour voir le jour­nal télé mis en chan­sons. Sur le style musi­cal demandé, si je ne le con­nais pas bien, je fais avec ce que j’ai dans la tête et avec ce que les musi­ciens me pro­posent à ce moment-là. Il m’ar­rive aus­si d’aller dans la salle quand je suis en panne d’in­spi­ra­tion pour leur deman­der une idée de chan­son. Un jour, une dame m’a don­né une chan­son de Nougaro que je ne con­nais­sais pas, je lui ai demandé de me la chanter et on est allé impro­vis­er dessus ensuite.

On vous sent d’ailleurs très à l’aise avec le pub­lic, vous jouez beau­coup avec lui…
Le pub­lic par­ticipe beau­coup, il est par­tie prenante du spec­ta­cle en choi­sis­sant les thèmes et les styles. Il veut sen­tir que c’est com­pliqué mais il est tou­jours avec nous, il a envie que ça réus­sisse. C’est comme quand on va au cirque, on a envie de sen­tir le risque mais pas de voir le trapéziste tomber. Quand on a des moments de flot­te­ment, d’hési­ta­tion et qu’on arrive à repar­tir, on sent que tout le pub­lic est der­rière et ça c’est fan­tas­tique comme sensation.

Pour réus­sir une telle per­for­mance, il faut avoir une large con­nais­sance du réper­toire musical…
Avant tout, il est impor­tant de s’in­téress­er à tous les styles musi­caux et de les respecter pour ne pas en faire des car­i­ca­tures. D’autre part, en ayant fait par­tie de la com­pag­nie Louret, j’ai eu la chance de par­courir plus d’un siè­cle du réper­toire français et inter­na­tion­al, d’ap­pren­dre énor­mé­ment de chansons.

Diriez-vous que vous avez tout appris au sein de la com­pag­nie Roger Louret ?
Si je fais ces impro­vi­sa­tions aujour­d’hui, si j’ai cette aisance sur scène parce que j’y vais pour me faire plaisir, c’est vrai­ment grâce à Roger Louret. Au départ, je n’avais aucune for­ma­tion artis­tique, j’avais sim­ple­ment envie d’être chanteur depuis l’âge de trois ans. J’avais mon­té des spec­ta­cles, des petites comédies musi­cales dans mon petit vil­lage du Val d’Oise. Je suis ren­tré dans la com­pag­nie Roger Louret en 1997 en pas­sant une audi­tion comme ça, pour voir. Il m’a tout de suite lancé dans Les Années Twist, Les Années 80, Les Années Tubes à la télé. C’é­tait quelque chose d’énorme et une expéri­ence for­mi­da­ble. Ensuite Roger m’a emmené vers le théâtre en m’of­frant un pre­mier rôle dans une pièce qu’il venait d’écrire. Avec la com­pag­nie, j’ai aus­si fait pas mal de cabaret où j’ai appris à jouer avec le pub­lic. J’ai vrai­ment acquis toutes les bases du méti­er sur le tas, en étant sur scène et avec les con­seils per­ma­nents de Roger Louret. D’ailleurs je fais tou­jours par­tie de la com­pag­nie, c’est une vraie famille que l’on ne quitte pas comme ça. J’ai eu la chance de tou­jours tra­vailler et de ne jamais me pos­er la ques­tion de ce que j’al­lais faire le lendemain.

Quel regard portez-vous sur les gros spec­ta­cles musi­caux français de ces dernières années ?
J’é­tais un fan de Star­ma­nia parce qu’il y avait une his­toire et un côté théâ­tral. Depuis j’ai eu un peu de mal à retrou­ver quelque chose de sem­blable. Ce n’est pas pour prêch­er pour ma paroisse mais dans un spec­ta­cle comme Les Années Twist, par exem­ple, il y a de la danse, du chant mais c’est aus­si joué, ça racon­te des petites his­toires. Et encore au-dessus de ça pour moi,La Java des Mémoires est chan­tée et jouée du début à la fin, on suit des per­son­nages dans des sit­u­a­tions comme au théâtre. Ce qui n’est mal­heureuse­ment pas assez le cas dans les spec­ta­cles musi­caux actuels, je trou­ve aus­si vrai­ment regret­table qu’il n’y ait pas de musiciens.

ImproS­es­sion est prévu 3 semaines au Théâtre Déjazet, y aura-t-il une suite à cette aventure ?
C’est plus com­pliqué à installer qu’un sim­ple one-man show où on peut se per­me­t­tre de jouer sur la durée. Là ça coûte plus cher, nous sommes six sur scène, il y a une tech­nique son et lumière assez imposante. Nous comp­tons beau­coup sur le bouche à oreille. Si ça marche bien, nous espérons pou­voir rester plus longtemps à l’af­fiche et nous installer plus longtemps dans un théâtre. Là, le fait de jouer au Déjazet c’est un bon­heur total, c’est une salle qui a une his­toire. Si on peut con­tin­uer ici tant mieux.

Vers quoi aimeriez-vous vous ori­en­ter par la suite ?
J’ai envie d’in­ter­préter mes pro­pres chan­sons, de rejouer au théâtre, de met­tre en scène et j’e­spère pou­voir faire un jour du ciné­ma. Je ne veux pas me cloi­son­ner dans une seule dis­ci­pline. D’ailleurs si je prends autant de plaisir sur ImproS­es­sion c’est que je suis tout à la fois auteur, chanteur, comé­di­en, met­teur en scène, j’ai tous les rôles en même temps!