Les rumeurs ont foisonné durant l’élaboration de The Woman in White. Elles évoquaient un Phantom 2, qui ferait suite au retentissant Phantom of the Opera à l’âge de la majorité aujourd’hui (création en 1986). La confusion était entretenue avec le tournage pour le grand écran du même Phantom of the Opera, sorti début 2005 en France. Pour ne rien dissiper de la confusion Michael Crawford, le fameux fantôme de l’adaptation de Gaston Leroux, semblait associé au nouveau projet Phantom 2. Les fans se prenaient à rêver de choses aussi merveilleuses qu’abracadabrantes. Aujourd’hui, on peut faire le point sur le nouveau spectacle près d’un an après sa création (15 septembre 2004) grâce à la parution en CD.
Sir Andrew Lloyd Webber a paru moins inspiré lors de ses créations récentes (Whistle Down The Wind, The Beautiful Game) avec pour résultat un insuccès relatif. Les livrets peu attractifs expliquaient une partie de la désaffection. Il y a du changement avec The Woman In White. Le musicien retrouve de la vigueur avec cette histoire de fantôme, au féminin cette fois. On le sent dans son élément avec cette histoire solidement charpentée tirée d’un roman classique anglais de l’époque Victorienne signé Wilkie Collins. Un jeune homme en route vers la demeure du comte Fosco croise le chemin d’une femme « fantôme ». La recherche de l’identité de cette figure spectrale révélera de lourds secrets familiaux autour du mystérieux comte. Le public français est peu familier avec le roman, ce qui retardera son accès. Gageons que la profusion de jolies chansons aidera à aborder cette histoire. Les paroles sont de la plume d’un vieux routier de Broadway : David Zippel (City of Angels, The Goodbye Girl, des Disney …). Incontestablement, il apporte une substance nourrissante et structurée à l’inspiration du compositeur. Ce dernier a partiellement mis sa facilité d’écriture de côté pour relever le défi.
Sous la plume du Maître, les mélodies magnifiques ne manquent évidemment pas. Elles alternent ampleur et intimisme comme le thème de la « Woman In White », ou « Trying Not To Notice », « I Believe My Heart », la superbe « All For Laura », « If Not For Me For Her » … Globalement, les chansons apparaissent bien amenées car intégrées à l’histoire. Il reste toutefois quelques complaisances mélodiques et surcharges, des défauts notoires chez le compositeur. En particulier la chanson voulue humoristique « You Can Get Away With Anything » jure avec le reste. Les applaudissements de cet enregistrement en public ont été gommés par ré-engistrement. Des dialogues sont présents, et c’est heureux car ils ajoutent de la fluidité. Ils confirment que David Zippel a su résister à Sir Andrew pour s’approcher d’une partition équilibrée entre théâtre et musique. L’ouverture constitue une bonne illustration de cette démarche. D’une ambiance brumeuse et inquiétante rappelant des vieux films en noir et blanc, elle introduit bien au mystère de cette histoire.
La distribution (Michael Crawford, Maria Friedman, Jill Paice, Angela Christian) est rôdée et elle s’acquitte avec mérite de sa tâche, avec une mention pour Maria Friedman. Comme le mentionne le livret d’accompagnement, l’enregistrement live a été revu pour conserver la fraîcheur de la première tout en gommant ses défauts les plus audibles. Pour s’initier à cette oeuvre appréciable ? on a la sensation qu’Andrew Lloyd Webber renoue avec une veine plus ambitieuse — c’est une bonne entrée en matière.