A l’opposé de la scène un immense drapeau français masque la régie son. Certes le drapeau est attaché avec… des gousses d’ail, mais l’hommage est sympathique. Il faut dire que ce spectacle, même s’il est présenté en anglais, respire la France, les adaptateurs ayant eu la bonne idée de ne rien changer tant dans la dramaturgie que dans l’évocation de la fin des années cinquante. A tel point que, lorsque Michel Legrand modernise sa musique (dans la scène du bordel) on se demande ce qui se passe…
Un nouveau personnage, dénommé Maîtresse (parce qu’elle peut enseigner et être également amante) fait office de narrateur et maitre de cérémonie so frenchy. Et comme elle est polie, elle fait la bise aux spectateurs des premiers rangs, en enjambant des fauteuils dans sa robe fendue, un peu comme pour Hair, l’année dernière, dans ce même théâtre (soit, dans Hair, il s’agissait parfois d’un peu plus qu’une simple bise). Trois marins en tenue (béret et pompon compris) se joignent à elle, la salle étant un peu grande. Quand on sait à quel point les anglais ne comprennent pas notre façon de se saluer, cela permet de se mettre tout de suite « in a french mood » — dans l’ambiance française, quoi.
Hormis cela, le spectacle reste fidèle au film : Geneviève aime Guy, Guy aime Geneviève, Guy doit partir servir pour la guerre d’Algérie, est-ce que Geneviève attendra son retour ou finira par épouser Cassard, le négociant en pierres précieuses un peu ringard qui la courtise ?
La jolie surprise est l’inventivité de la mise en scène : sur un plateau depouillé, des maquettes d’immeubles de Cherbourg, à échelle différentes, montent et descendent sur scène pour créer les décors. Sur le fond de scène sombre, les enseignes lumineuses colorées donnent un petit côté Baz Luhrmann période Moulin Rouge / La Bohême. On passe du garage où travaille Guy, à la boutique de Mme Emery, ou aux rues de Cherbourg de façon très fluide. Les quelques tableaux dansés respirent les fifties et donnent une petite touche pop à cette histoire forcément triste.
Concernant la partition, pas de surprise, hormis la scène du bordel réarrangée par Michel Legrand himself, le reste est très fidèle au film ; c’est un régal d’entendre ou de réentendre ces mélodies. Autre petite addition, au second acte, Meow Meow chante en français « Sans Toi », tirée du film Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda.
Joanna Riding (Billy Elliot, My Fair Lady) et Meow Meow (artiste burlesque) volent à elles deux le show. La première en Madame Emery, mère de Geneviève et propriétaire de la boutique, et la seconde en maîtresse de cérémonie. On aime ou on déteste la gouaille de Meow Meow, qui s’amuse à prendre un accent français à couper au couteau, évidemment un peu forcé (c’est tout le but) mais en même temps so cute. Quelques petites déceptions sont toutefois au rendez-vous : le couple de héros (Carly Bawden et Andrew Durand) est malheureusement un petit peu plat et pas très charismatique. Et on ne comprend toujours pas la décision de faire jouer le rôle de la tante Elise (qui a élevé Guy) par un homme, Dominic Marsh (il joue également Cassard).
Tout autant que la musique, les paroles ou la danse, l’alchimie entre les personnages est primordiale dans cette histoire, et c’est peut être bien ce qu’il manque à ces Parapluies pour complètement fonctionner. Cela étant dit, il s’agit d’un très joli moment de théâtre et il est agréable de voir souffler un petit air français dans le West End.
Malheureusement, la production a déjà annoncé la fermeture prématurée du spectacle pour le 21 Mai prochain. Si vous êtes à Londres d’ici-là, passez par le Gielgud, vous ne le regretterez pas.