Musique : Richard Rodgers
Lyrics : Oscar Hammerstein II d’après le livre de Howard Lindsay et Russel Crouse, inspiré de The Trapp Family Singers de Maria Augusta Trapp
Direction musicale : Kevin Farrell
Mise en scène : Emilio Sagi
Décor : Daniel Bianco
Chorégraphie : Sarah Miles
Costumes : Jesús Ruiz
Lumières : Caetano Vilela
Distribution : Sylvia Schwartz (Maria Rainer), Rod Gilfry (Captain Georg von Trapp), Kim Criswell (Mother Abbess), Christine Arand (The Baronessa Elsa Schraeder) , Laurent Alvaro (Max Detweiler), James McOran-Campbell (Rolf Gruber), Carin Gilfry (Liesl Von Trapp).
Orchestre Pasdeloup
Choeur du Châtelet
Chef de choeur : Alexandre Piquion
Spectacle présenté en version anglaise
Audiodescription les 11et 15/12 à 20h, 13/12 à 16 et 19/12 à 15h
Depuis quelques années, le Théâtre du Châtelet, sous la direction de Jean-Luc Choplin, s’ouvre de plus en plus généreusement au musical de Broadway. Après une trilogie Bernstein (Candide, West Side Story, On The Town, répartis sur plusieurs saisons), c’est trois musicals de styles très différents qui sont proposés dans la célèbre salle parisienne au cours de la même saison.
Précédant A Little Night Music et Les Misérables, The Sound of Music (La Mélodie du bonheur) ouvre le bal de la saison. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce classique de Rodgers et Hammerstein, célébrant cette année le cinquantième anniversaire de sa création à Broadway, n’avait jamais été produit à Paris. Si cette œuvre est un classique incontournable dans les pays anglo-saxons, en France, on connaît surtout le film avec Julie Andrews, évoquant un souvenir vague et plus ou moins sucré de fêtes de Noël passées devant la télévision.
Emilio Sagi, metteur en scène éclectique (d’opéras principalement, mais aussi d’opérettes et de zarzuelas) s’attaque ici à son premier musical avec la volonté de faire souffler un vent nouveau sur une œuvre trop souvent qualifiée de mièvre, et d’en atténuer ainsi le côté guimauve.
Pour cela, son idée la plus forte est sans conteste un parti pris visuel pour le moins original : des couleurs flashy, de la pelouse sur tout le plateau — y compris dans le salon des Von Trapp -, un univers flirtant entre le kistch et la poésie et lorgnant du côté de Jeff Koons, Almodovar et Pierre et Gilles (qui signent d’ailleurs l’affiche).
Si ce concept a le mérite de proposer une vision neuve, il a également ses limites : les décors imposants freinent parfois la fluidité du spectacle et l’utilisation abusive d’un écran au premier plan impose une barrière entre le public et l’action à des moments clés (le finale, par exemple). Il n’empêche néanmoins qu’on suit l’intrigue avec un plaisir certain, grâce notamment à une distribution de premier ordre.
Celle-ci est principalement composée d’artistes lyriques, tout à fait à l’aise avec la musique de Richard Rodgers et ses grandes envolées. Sylvia Schwartz est délicieusement fraîche dans le rôle de Maria tandis que Rod Gilfry campe un Capitaine Von Trapp, solide comme un roc.
Seule artiste venue du musical, Kim Criswell, formée à Broadway avant de faire sa carrière dans le West End, incarne une émouvante et attachante Mère Abbesse et délivre un poignant « Climb Every Mountain », hymne de courage et d’espoir s’il en est.
Enfin, le tableau ne serait pas complet sans les enfants Von Trapp (trois distributions de sept, en alternance), charmants et irrésistibles. Les scènes entre Maria et les enfants sont sans doute les plus réussies, emplies d’une adorable naïveté et d’une chaleureuse sincérité.
Cependant, la grande vedette de ce spectacle est sans conteste la partition. On peut trouver les mélodies sucrées, on ne peut contester leur efficace pouvoir entêtant. Interprétée avec finesse par l’Orchestre Pasdeloup sous la houlette de Kevin Farrell, spécialiste du répertoire de Broadway, la musique de Richard Rodgers prend ici une ampleur insoupçonnée, révélant ses nuances, sa richesse, ses subtilités qui vont bien au-delà d’un simple « Do-ré-mi » ou d’un yodle dans le style autrichien.
En plein cœur de Paris, le Châtelet fait définitivement souffler un air venu des Alpes et de Broadway. Le grand frisson n’est finalement qu’à quelques stations de métro !