
Livret de Mel Brooks et Thomas Meehan.
Lyrics et musique de Mel Brooks.
Création
Création le 19 avril 2001 au St. James Theatre à New York : le show cumule 12 Tony Awards, 2.000 représentations et un chiffre d’affaires de 250 millions de dollars.
Depuis octobre 2004, le show se joue également à Londres, au Royal Drury Lane Theatre.
Chansons
Overture — Opening Night — The King of Broadway — We Can Do It — Unhappy — I Wanna Be a Producer — In Old Bavaria — Der Guten Tag Hop-Clop — Keep It Gay — When You Got It, Flaunt It — Along Came Bialy — That Face — Have You Ever Heard the German Band? — It’s Bad Luck to Say Good Luck on Op’ning Night — Springtime for Hitler — Where Did We Go Right? — Betrayed — ‘Til Him — Prisoners Of Love (Leo & Max) Goodbye!
Synopsis
A Broadway, dans les années 60, Max Bialystock est un producteur sans scrupules et sans inspiration. Il finance ses flops successifs en séduisant des petites vieilles pour leur extorquer leurs économies. En vérifiant les comptes du dernier flop en date, une adaptation musicale de Hamlet, Leo Bloom, son nouveau comptable, réalise qu’un producteur malhonnête pourrait gagner beaucoup d’argent avec une pièce qui fermerait avant même d’avoir épuisé toutes ses sources de financement. Il n’en faut pas plus pour allécher Max, qui à son tour convainc Leo, franchement timide et velléitaire, de l’aider à monter la plus mauvaise pièce au monde pour se partager les millions de ses investisseurs octogénaires. Au passage, ils recrutent la standardiste Ulla, une suédoise plantureuse qui chante, danse et fait le ménage, et qui permet à Léo de connaître cet étrange sentiment qu’est l’amour !
Après des nuits de lecture, la navet du siècle est découvert : Springtime for Hitler, une ode au dictateur écrite par Franz Liebkind, un nazi en fuite. C’est le bide assuré dès la page 4 du script tellement l’audience new-yorkaise sera outrée et en… fureur ! Pour garantir l’échec de l’entreprise, Max choisit le metteur en scène Roger DeBris, plus connu pour ses folles exubérances que sa virilité.
Ce mélange détonnant, censé exploser en vol, fait des étincelles ! Interprété au second degré (comme il se doit), le spectacle d’une troupe de SS en formation de svastika, dansant sur une musique rythmée par les heil myself d’un Hitler maniéré, amuse le public et ravit les critiques. Ce succès inattendu est katastrophal pour Max et Leo !
Max se fait rapidement pincer par la police, avec sous le bras les livres de comptes marqués à ne surtout pas montrer à l’inspection des impôts. Leo s’interroge : doit-il se livrer à la justice et partager le triste sort de son ami à qui il doit tout … ou bien partir à Rio avec Ulla et les deux millions de dollars restés dans le coffre ?
Le thème
Dans Le Dictateur (1940), Chaplin a affronté le nazisme les yeux dans les yeux. N’était-ce pas un peu facile pour Mel Brooks, ou même dangereux dans le cadre du devoir de mémoire, de traiter Hitler comme un Charlot, vingt ans après la guerre, puis de remettre ça trente ans plus tard ?
Bien entendu, Mel Brooks a avant tout recherché l’effet comique provoqué par le choc entre la monstrueuse réalité de l’idéal nazi et la frivolité du monde du spectacle. Et c’est une juste revanche ! Jadis, tout un peuple s’est laissé hypnotiser par des parades de rue, des claquements de bottes et des promesses de lendemains qui chantent. Inconsciemment peut-être, Mel Brooks appelle à la vigilance permanente et au refus de la politique spectacle. Encore ces temps-ci, certains semblent oublier que la vie n’est pas un film hollywoodien.
Mais le thème principal de The Producers n’est pas politique. L’amitié profonde et la fidélité entre Max et Leo sont les moteurs de la pièce. Léo n’est qu’un moins que rien lorsqu’il entre en scène, un comptable frustré qui se masturbe la tête sur des chiffres. Max lui permet de s’émanciper, de réaliser ses rêves et bien sûr de découvrir l’amour ! Sur tout Broadway, il n’y a pas de scène plus belle et plus riche de sens que « Unhappy » immédiatement suivi de « I Wanna Be A Producer », où Leo sort littéralement du placard et fait sa transformation de cafard kafkaïen en pimpant meneur de revue. En prison, Max reçoit une carte postale de Rio envoyée par son associé et chante « Betrayed », l’accusant de lui avoir volé ses idées, son argent, sa vie. C’est le point culminant où les deux personnages, dans une relation d’amour-haine extrême, ne font qu’un ! Enfin, « Until Him » exprime la reconnaissance de Leo envers son ami Max, avec qui il veut partager joies et peines… de prison pour commencer !
L’histoire derrière l’histoire
The Producers est le premier long métrage de Mel Brooks. Il reçut l’Oscar du meilleur scénario original en 1969, ainsi qu’une nomination au meilleur second rôle pour Gene Wilder (Leo) qui tournera dans plusieurs films de Mel Brooks et sera aussi le premier Willy Wonka dans une Chocolate Factory de 1971.
En février 1996, Playbill fait état d’une rumeur concernant le rachat des droits du film pour son adaptation au théâtre, démentie aussitôt par tous les intéressés.
Mel Brooks raconte qu’un jour de 1998, il reçoit un coup de fil de son ami David Geffen, co-fondateur avec Spielberg et Katzenberg des studios Dreamworks et également co producteur du hit planétaire Cats, qui lui propose de faire une version musicale de The Producers. Mel Brooks, sans doute échaudé par le maigre succès de son film en salles, refuse : « Le film est parfait tel qu’il est, restons-en là », répond-il à Geffen.
Néanmoins, la petite graine était plantée et le projet n’a pas mis longtemps à germer. Avec son talentueux ami Tom Meehan, co-scénariste de plusieurs de ses films et à ce jour triple titulaire de Tony Awards (1977 : Annie, 2001 : The Producers, 2003 : Hairspray), Mel Brooks se lance dans l’écriture du livret. En fait, assez peu de choses vont changer par rapport au film… hormis l’introduction de 17 nouvelles chansons ! Deux autres, « Springtime for Hitler » et « Prisoners of Love », composées par Mel Brooks, sont déjà présentes dans le film. Enfin, c’est Jerry Herman (Hello Dolly, La Cage aux Folles), pourtant recommandé par Geffen, qui convainc Mel Brooks d’écrire lui-même la partition.
Le casting est le dernier coup de génie dans la conception du projet. Le duo Nathan Lane et Matthew Broderick fonctionne à merveille. L’un et l’autre sont déjà titulaires de Tony Awards et seront à nouveau nominés en 2001 pour leur interprétation de Max et Leo. Ils se sont croisés sur l’enregistrement du Lion King (1994) où Lane est la voix de Timon la mangouste et Broderick celle de Simba adulte ; ils se retrouvent actuellement (décembre 2005) dans un revival très couru de The Odd Couple sur Broadway. À leur côté, Gary Beach joue l’exubérant Roger DeBris et Brad Oscar le fascinant et fascisant Frank Liebkind. Le premier se dérobera, au sens figuré uniquement, pour un court revival de La Cage aux Folles en 2004 (nominé aux Tony Awards) puis reprendra son rôle en 2005 ; le second tient aujourd’hui le premier rôle, celui de Max.
Détail amusant : Mel Brooks a enregistré lui-même une réplique dans la scène de « Springtime for Hitler » pour laquelle un acteur de l’ensemble joue en play-back : « Don’t be stupid, be a smarty / Come and join the nazi party! » Aux avant-premières à Chicago, ce dernier recevait chaque soir un accueil triomphal du public qui pensait qu’il s’agissait réellement de Mel Brooks ! Tant et si bien qu’il finit par demander une augmentation… qui lui fut refusée bien sûr !
Au final, The Producers rafle 15 nominations et 12 Tony Awards en 2001, un record. Avec un scénario en or, une suédoise blonde platine, un trésor de partition, un casting brillant, des voix fortes en coffre et surtout… moultes blagues à deux balles, il était à peu près évident que The Producers ferait la fortune de Mel Brooks !
Versions de référence
The Producers (1968) film de Mel Brooks avec Zero Mostel (Max) et Gene Wilder (Leo)
The Producers (2005) film de Susan Stroman avec Nathan Lane (Max), Matthew Broderick (Leo), Uma Thurman (Ulla), Will Ferrell (Franz), Gary Beach (Roger)
The Producers (1968) B.O. du film
The Producers (2001) Original Broadway Cast
The Producers (2005) B.O. du film