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The King and I (Critique)

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roi-et-moiMusique : Richard Rodgers
Livret & lyrics : Oscar Ham­mer­stein II
Direc­tion musi­cale : James Holmes
Mise en scène : Lee Blakeley
Choré­gra­phie : Peg­gy Hickey
Cos­tumes : Sue Blane
Lumières : Rick Fisher
Décors : Jean-Marc Puissant
Direc­tion musi­cale : James Holmes
Orchestre Pasdeloup

Le Roi de Siam : Lam­bert Wilson
Anna Leonowens : Susan Gra­ham ou Chris­tine Buffle
Tup­tim : Je Ni Kim
Lun Tha : Dami­an Thantrey
Lady Thi­ang : Lisa Milne
The Kra­halome : Aki­hi­ro Nishida
Sir Edward Ram­say : Robert Dauney
Cap­tain Orton : Joe Sheridan
Phra Alack : Benoït Ngueyn Tat
The Inter­preter : Jean-Bap­tiste Phou

Résumé : Basé sur l’histoire d’Anna Leonowens, qui a réelle­ment existé, le roman Anna and the King of Siam de Mar­garet Lan­don obtient un immense suc­cès à sa sor­tie en 1944.

L’œuvre relate l’arrivée à la cour de Siam de cette jeune pré­cep­trice gal­loise (accom­pa­g­née de son fils) qui doit enseign­er l’anglais à la nom­breuse progéni­ture que le roi a eue avec dif­férentes femmes. La forte per­son­nal­ité du sou­verain heurte la jeune femme, qui ten­tera de l’apprivoiser tout en essayant de faciliter les amours de l’une des jeunes favorites du roi avec l’élu de son cœur.

Après avoir acquis les droits du roman, l’actrice anglaise Gertrude Lawrence créa le rôle d’Anna à la scène en 1951. Le Roi était incar­né par l’inoubliable Yul Bryn­ner, qui devait immor­talis­er plus tard le rôle aux côtés de Deb­o­rah Kerr dans le film de Wal­ter Lang (1956). Avec cette cinquième col­lab­o­ra­tion, Rodgers et Ham­mer­stein sig­naient l’une de leurs meilleures comédies musi­cales, qui recèle quelques pépites comme Some­thing Won­der­ful ou Hel­lo Young Lovers.

Notre avis : Après The Sound of Music et Carousel, le Théâtre du Châtelet pro­pose un troisième clas­sique de Rodgers et Ham­mer­stein, The King and I, créé à Broad­way en 1951 et ren­du célèbre par la ver­sion ciné­matographique de 1956. Basé sur le roman Anna and The King of Siam de Mar­garet Lan­don, The King and I racon­te l’his­toire d’An­na Leonowens, insti­tutrice anglaise, qui en 1862, arrive à Bangkok, à la cour de Siam pour devenir la pré­cep­trice des enfants du roi Mongkut. Là, sa vision occi­den­tale du monde se con­fronte à celle, asi­a­tique et (donc) plus tra­di­tion­nelle, du Roi.

Dans le cat­a­logue Rodgers et Ham­mer­stein, si The King and I est un peu moins con­nu que The Sound of Music, ce musi­cal n’en demeure pas moins un petit bijou, notam­ment au niveau de la par­ti­tion, regorgeant d’airs entê­tants ou déli­cats, mar­qués de couleurs asi­a­tiques, ou « ori­en­tales » comme on dis­ait plus fréquem­ment à l’époque. Comme pour la plu­part des œuvres du duo, c’est du côté du livret qu’on ira chercher les points faibles, avec un traite­ment quelque peu impéri­al­iste du sujet (l’Oc­ci­dent éclairé vient apporter son savoir à l’Ori­ent figé dans ses croy­ances et ses rites). Cette vision est par­fois nuancée en fonc­tion des pro­duc­tions, comme par exem­ple dans la mise en scène de Christo­pher Ren­shaw (Aus­tralie 1991, Broad­way 1996, Lon­dres 2000) où le charisme du Roi était par­ti­c­ulière­ment mar­qué et où chaque rôle asi­a­tique était incar­né par un comé­di­en asiatique.

Sur ce point, ce n’est pas le cas de la pro­duc­tion du Châtelet, qui — même si une très grande par­tie de l’ensem­ble est asi­a­tique — a choisi de dis­tribuer plusieurs rôles impor­tants (le Roi, Lady Thi­ang, Lun Tha) a des comé­di­ens « blancs » (respec­tive­ment Lam­bert Wil­son, Lisa Milne, Dami­an Thantrey*). Si les comé­di­ens sont tout à fait tal­entueux, on peut regret­ter cette propo­si­tion, reti­rant de la crédi­bil­ité au spec­ta­cle et rap­pelant ces Mika­do ou Pays du sourire inter­prétés par des comé­di­ens aux yeux bridés par un cray­on noir. En dehors de cette remar­que, on se lais­sera néan­moins emporter par le spec­ta­cle et par la par­ti­tion, mag­nifique­ment inter­prétée par l’Orchestre Pas­de­loup sous la direc­tion de James Holmes.

Dans le rôle d’An­na, Susan Gra­ham sem­ble par­faite­ment à l’aise dans son per­son­nage et sa voix lyrique épouse avec grâce les mélodies de Rodgers. Le Roi, joué par Lam­bert Wil­son, parvient à s’im­pos­er puis à nous émou­voir au deux­ième acte mais fait un peu fig­ure de sym­pa­thique bouf­fon dans la pre­mière par­tie, à côté d’une Anna au fort tempérament.
La révéla­tion du spec­ta­cle, c’est assuré­ment Je Ni Kim, dans le rôle de Tup­tim. Solaire et charis­ma­tique, la jeune soprane issue du Cen­tre nation­al d’artistes lyriques (CNIPAL) enchante le pub­lic de sa voix cristalline.

Visuelle­ment, cette pro­duc­tion ne déçoit pas, le met­teur en scène Lee Blake­ley (maître d’oeu­vre des qua­tre Sond­heim mon­tés au Châtelet) est ici entouré d’une nou­velle équipe. Les décors de Jean-Marc Puis­sant, asso­ciés aux éclairages de Rick Fish­er, séduisent par leur élé­gance et leur raf­fine­ment. Quant aux choré­gra­phies de Peg­gy Hick­ey, elles s’éloignent volon­taire­ment des créa­tions orig­i­nales de Rob­bins et sont par­ti­c­ulière­ment réussies. Le bal­let « The Small House of Uncle Thomas » est défini­tive­ment un des moments forts du spectacle.

Encore une fois, le Théâtre du Châtelet nous pro­pose une belle pro­duc­tion aux moyens imposants : de quoi présager une belle sai­son 2014–2015, mar­quée cette fois par le ciné­ma avec Sin­gin’ In The Rain et An Amer­i­can In Paris. Comme dirait le King : « Bow ! Bow ! Bow ! » Ca mérite bien de s’incliner.

* Cor­rec­tion : la pro­duc­tion nous informe que Dami­an Thantrey est moitié anglais, moitié indi­en par son père.