
Dans le climat cinématographique français actuel, baigné de frilosité, proposer une comédie musicale — qui plus est pour un premier long-métrage — n’est pas un défi, c’est presque une folie. Saluons donc l’ambition et l’opiniâtreté des réalisateurs Kostia Testut et Paul Calori qui leur ont permis de concrétiser leur folle idée de comédie musicale et sociale.
Située dans la France d’aujourd’hui, sur fond de chômage et de délocalisations, Sur quel pied danser nous entraîne sur les pas de Julie (Pauline Etienne, nommée aux César pour Qu’un seul tienne et les autres suivront et La Religieuse), jeune femme discrète et pourtant déterminée, habituée à la précarité et aux petits jobs d’appoint. Quand Julie décroche enfin un CDI dans une fabrique d’escarpins de luxe, ses rêves de stabilité semblent enfin se réaliser. C’est alors qu’un plan social est annoncé : révoltes, trahisons, déceptions, rebondissements, à travers cette première expérience professionnelle, Julie fera l’apprentissage de sa propre vie.
Pour raconter cette histoire, les réalisateurs ont donc choisi la comédie musicale qui permet de pénétrer au cœur des aspirations de l’héroïne (« une chanson permet d’exprimer en trois minutes l’essence d’un personnage ») et d’apporter, sans aucun doute, à la fois de la poésie, de la fantaisie et de la tendresse dans un univers a priori terne, offrant ainsi une vision originale du monde du travail. Les numéros musicaux sont intégrés à l’action, dévoilant les rêves, les objectifs ou le parcours des personnages. Par exemple, « La complainte de la précarité » permet de retracer le parcours de Julie en utilisant de façon astucieuse le décor d’un bowling associé à un montage ludique jouant avec les codes de la comédie musicale. Le numéro « L’insoumise », interprété par Julie Victor (Chance, Cabaret), évoque quant à lui l’atmosphère glamour et surannée des musicals hollywoodiens des années 50 comme Funny Face.

Pour la bande sonore, les réalisateurs ont fait appel à différents artistes, d’Olivia Ruiz à Jeanne Cherhal en passant par Albin de la Simone pour « varier les styles » : le procédé fonctionne, avec des couleurs tantôt rétros ou jazzy, tantôt folk (via le personnage du camionneur, cow-boy à sa manière, qui rêve de grands espaces), tout en réussissant à garder une certaine homogénéité. Le film possède un charme innocent qui repose beaucoup sur l’attachement qu’on peut ressentir pour les personnages. Comme Julie, on se prend d’une certaine amitié pour ces ouvrières, et la chronique sociale fonctionne sans doute mieux que l’intrigue sentimentale un peu plus attendue.
En dépit du contexte social, Sur quel pied danser est aussi et surtout le récit d’un parcours, celui d’une affirmation de soi, celui d’une héroïne qui va vers la lumière.
Sur quel pied danser de Kostia Testu et Paul Calori, sortie nationale le 6 juillet 2016
Avant-première du film le 4 juillet au Gaumont Opéra en présence de l’équipe du film.
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