Ecrit en 1984 par Stephen Sondheim, Sunday In The Park With George fait partie de ces oeuvres cultes qui ne peuvent laisser indifférent. Les défenseurs mettront en avant sa fascinante beauté tandis que les détracteurs lui reprocheront une certain hermétisme. Il faut reconnaître que Sunday est loin d’être l’oeuvre la plus accessible de Sondheim. Pourtant, elle se révèle être un de ses plus beaux bijoux si l’on se donne la peine de faire un effort.
En prenant pour point de départ la création du tableau « Dimanche après-midi sur l’île de la Grande-Jatte » du peintre pointilliste Georges Seurat, Sondheim nous offre une réflexion d’une rare richesse sur la création, la pérennité de l’art et les douloureux dilemmes de l’artiste, partagé entre l’envie de rester fidèle à sa pensée et la tentation de céder à la facilité commerciale. Le message intime de l’oeuvre est d’ailleurs résumé dans « Move On », une des dernières chansons du spectacle, et sans aucun doute, une des plus poignantes jamais écrites par Sondheim.
Sunday In The Park With George est définitivement marqué par ses deux acteurs originaux : Bernadette Peters et Mandy Patinkin. Ces formidables interprètes, avec leur talent légendaire et leurs voix inimitables (pas forcément, d’ailleurs, du goût de tous) ont certainement beaucoup donné d’eux-mêmes dans les personnages de George et de Dot/Marie. De plus, le CD de la production originale de Broadway étant le seul enregistrement existant, Peters et Patinkin étaient les seules et monumentales références. Difficile donc de leur succéder : c’est pourtant le délicat challenge que relèvent aujourd’hui Jenna Russel et Daniel Evans, actuellement à l’affiche d’une nouvelle production du spectacle à Londres.
Cette nouvelle version mise en scène par Sam Buntrock nous gratifie d’un double CD, nous permettant ainsi de découvrir cette oeuvre avec d’autres voix que les originales. Il faut donc dans un premier temps oublier Peters et Patinkin et s’adapter à l’accent anglais. Magie de l’oeuvre et talent des interpètes aidant, cette nouvelle version nous emporte immédiatement et nous enveloppe avec délice dans les méandres de la plus intrigante des musiques de Sondheim. Si au premier abord, on peut sourciller sur le fait que l’orchestre soit réduit, les arrangements sont tout à fait subtils et le caractère intimiste de l’oeuvre s’accomode bien de ce dépouillement. De plus, cette version est beaucoup plus complète que l’enregistrement original et nous permet une approche beaucoup plus précise. Enfin, pour une immersion totale, direction le Wyndham Theatre à Londres… L’oeuvre est trop peu souvent jouée pour manquer cette occasion.