Accueil Rencontre Stephen Pietrantoni — The Producer

Stephen Pietrantoni — The Producer

0
Stephen Pietrantoni ©DR
Stephen Pietran­toni ©DR

Stephen, pou­vez-nous nous par­ler du CETM ?
Avec une amie, nous avons fondé le CETM (le Cen­tre Édu­catif pour le Théâtre à Mon­tréal) après avoir fait du théâtre ensem­ble. Depuis sept ans, je pro­duis des comédies musi­cales, à petite échelle. Ce sont quand-même des pro­jets intéres­sants comme Oh! Cow­ard ou The Club. Ces pièces ont été présen­tées en anglais partout au Québec. Main­tenant, j’es­saie de les emmen­er à un autre niveau pour pour­suiv­re mes objec­tifs et ain­si, favoris­er notre milieu artis­tique. Je sais qu’il y a des besoins évi­dents de ce côté-là qui ne sont tou­jours pas comblés. Si nous n’al­lons pas de l’a­vant avec ces pro­jets, nous serons encore oblig­és d’aller à New-York ou à Toron­to. On veut con­tin­uer d’aller voir des spec­ta­cles dans ces villes mais on souhaite aus­si pou­voir dire : « Ce qui se passe à Mon­tréal est vrai­ment très intéres­sant ». Alors, le CETM a pour but de venir en aide à cette com­mu­nauté théâ­trale. Le cen­tre est là pour édu­quer le pub­lic ain­si que nos artistes qui, eux, doivent appren­dre les façons de rejoin­dre celui-ci. Nous con­sta­tons sou­vent que le pub­lic veut voir des spec­ta­cles mais se plaint qu’il n’en n’en­tend pas par­ler. Donc mer­ci à des gens comme vous et à Regard en Coulisse car le seul fait de par­ler de nous veut dire que nous existons !

Com­ment le CETM peut faire chang­er les choses ?
Ce que nous voulons faire est assez unique. Il s’a­gi­rait de faciliter l’in­ter­ac­tion entre les médias et les arti­sans de la scène. Dans cer­taines villes comme Toron­to, il y a des asso­ci­a­tions qui vien­nent en aide à leurs arti­sans avec des ser­vices directs et des pro­jets de vis­i­bil­ité. Nous essayons d’ap­porter des événe­ments rarement vus à Mon­tréal comme Le Spot­light ! Cette activ­ité ne se déroule qu’un seul soir mais com­porte plusieurs volets, avant et après, et ce sont surtout ces aspects-là qui m’in­téressent. Avec ce con­cours, le par­tic­i­pant peut voir où il se situe face à la con­cur­rence. Par con­tre, j’es­saie de ne pas met­tre l’emphase sur le côté com­péti­tif car, de toutes façons, les artistes le sont déjà ! Au CETM, les gens peu­vent observ­er, de façon con­crète, l’ap­pren­tis­sage du méti­er sans que ce soit néces­saire­ment un cours. En out­re, j’y fais un peu d’en­seigne­ment. Je vais aus­si dans les écoles sec­ondaires, surtout pour leur faire appréci­er le théâtre et, pour ceux qui veu­lent pra­ti­quer ce méti­er, bien les pré­par­er, le plus rapi­de­ment pos­si­ble. Il y a tant de fauss­es con­cep­tions par rap­port au déroule­ment de la car­rière. En con­clu­sion, plus vite tu com­prends les vrais enjeux, plus vite tu peux décider si c’est vrai­ment ce que tu veux faire de ta vie.

Que pensez-vous du futur Quarti­er des Spectacles ?
Cela va chang­er quoi dans nos vies ? Il est cer­tain que les grands fes­ti­vals vont avoir les lieux dont ils rêvent depuis des années. Je les com­prends car ils ont tra­vail­lé très fort pour obtenir ces lieux mais, de notre côté, com­ment allons-nous pou­voir amen­er les étu­di­ants à créer des spec­ta­cles sans les oblig­er à pass­er par ces fes­ti­vals ? Je suis con­va­in­cu que nous avons besoin d’événe­ments de taille moyenne. C’est ce que j’ai essayé de faire avec Altar Boyz / Les Z’en­fants de Choeurs. Je pense que nous sommes fou­tus si nous n’avons pas de pro­jets de ce calibre.

En par­lant d’Al­tar Boyz, c’é­tait auda­cieux de présen­ter cette pièce dans une ver­sion française…
La comédie musi­cale est une tra­di­tion qui a été peaufinée beau­coup plus du côté anglo­phone. Cela devrait devenir notre récom­pense, c’est-à-dire avoir l’op­por­tu­nité de tiss­er des ponts entre les com­mu­nautés anglo­phone et fran­coph­o­ne de l’île de Mon­tréal. C’est la rai­son pour laque­lle je tenais par­ti­c­ulière­ment à présen­ter Altar Boyz, aus­si dans une ver­sion fran­coph­o­ne. Nous avons tra­vail­lé les mots, Claire et moi, pour être cer­tains que ce pro­jet aurait lieu en français. Même si nous avons eu un bon pub­lic lors des représen­ta­tions en français, je con­state comme il est dif­fi­cile de créer ces ponts-là.

Les Z’en­fants de Choeur n’ont pas été très présents dans les jour­naux fran­coph­o­nes. Pourquoi ?
Je peux faire la liste de tous les jour­naux qui ont annon­cé Les Z’en­fants de Choeur mais, en effet, il n’y a pas eu de cri­tiques du spec­ta­cle. En revanche, il y a eu des théories assez loufo­ques à ce sujet, et ça m’a­muse beau­coup : par exem­ple, l’une d’elles dis­ait que la pro­duc­tion Les Z’en­fants de Choeur n’é­tait pas un bon choix car les Québé­cois étaient encore trau­ma­tisés par l’emprise de l’Église ! Et pour­tant, cette comédie musi­cale, mal­gré son titre, ne vend pas la reli­gion et c’est là que je regrette de ne pas avoir été plus clair. Cela nous a peut-être un peu desservis du côté fran­coph­o­ne. On sait que cer­taines per­son­nes ne veu­lent pas touch­er à la reli­gion. Mais c’é­tait à moi de faire val­oir que Les Z’en­fants de Choeur était une comédie musi­cale de taille moyenne, très actuelle. Elle a obtenu du suc­cès ailleurs dans le monde, pas seule­ment à New-York. Nous voulions être avant-gardistes et présen­ter cette comédie musi­cale à Mon­tréal. Le bilan de cette aven­ture est qu’Al­tar Boyz / Les Z’en­fants de Choeur fût une pre­mière cana­di­enne et c’est une chose dont je suis assez fier. A New-York, on avait indiqué qu’Al­tar Boyz avait été une pre­mière cana­di­enne… à Toron­to ! On a dû leur dire : « Non ! Non ! Ça s’est passé à Montréal » !

Vos prévi­sions pour le théâtre musi­cal à Montréal ?
Mes prévi­sions ou mon espoir ? Parce que ce sont deux choses très dif­férentes (rires). J’ai tra­vail­lé, avant la créa­tion du CETM, à la Fédéra­tion d’art dra­ma­tique du Québec. Cela m’a per­mis de suiv­re l’évo­lu­tion théâ­trale à Mon­tréal, surtout du côté anglo­phone mais aus­si du côté fran­coph­o­ne. Vous savez, à mon arrivée ici, je ne par­lais pas français si ce n’est pour les habituelles salu­ta­tions « bon­jour » et « au revoir ». Niveau cul­turel, Mon­tréal est riche de tal­ents et de pos­si­bil­ités mais, de là à dire que nous sommes les pio­nniers… Il reste tant à faire pour que ça devi­enne le par­adis ter­restre. J’ai assisté à des pièces où j’é­tais par­mi les six per­son­nes dans la salle. Mal­heureuse­ment, et sans le vouloir, les médias con­tribuent à l’il­lu­sion des salles dites com­plètes. Je dis tou­jours à mes artistes : « Pourquoi le pub­lic viendrait te voir, toi ? Il ne faut pas que tu oublies que le pub­lic peut choisir ce qu’il veut voir. Alors, il vaut mieux que tu donnes ton 100 % puisque rien de moins va suf­fire ». C’est triste que ça ne soit pas plus dévelop­pé car Mon­tréal a une richesse unique. Si nous voulons intéress­er les gens à la comédie musi­cale, à long terme, on doit absol­u­ment présen­ter ces comédies musi­cales avec un vrai orchestre… Oui, c’est plus cher mais ça fait toute la différence.

La comédie musi­cale vous pas­sionne au plus haut point. Je me trompe ?
Ce que je dois dire, c’est que j’ap­pré­cie toutes les comédies musi­cales car, dès que la musique est jointe aux paroles, il y a quelque chose de mag­ique qui se pro­duit. Selon moi, il n’y a pas d’époque meilleure qu’une autre, il n’y a que des choses plus « à la mode ». C’est l’évo­lu­tion de la comédie musi­cale. La comédie musi­cale, ce n’est pas seule­ment Okla­homa. Il y a des gens qui con­fondent la comédie musi­cale avec les revues musi­cales. Cela n’a rien à voir. Dans le cas des comédies musi­cales, il faut qu’il y ait un peu de réflex­ion der­rière car il y a tou­jours une his­toire. Si nous prenons Altar boyz, en sur­face c’est une chose mais, dès que nous appro­fondis­sons le sujet, nous décou­vrons que cela n’a rien à voir avec la reli­gion, comme par exem­ple la chan­son « I Believe ». Ça ne par­le aucune­ment de Dieu.

Vous êtes l’in­sti­ga­teur du tout nou­veau fes­ti­val « The Next Wave : Fes­ti­val of New Musi­cals » qui aura lieu du 21 au 26 août 2008. Par­lez-nous de ce festival…
Pour le moment, il y aura qua­tre activ­ités asso­ciées à ce fes­ti­val. Un jour, j’e­spère que cela sera plus imposant (rires). Je pense qu’il y a de la place pour ce genre de fes­ti­val ici. Pour cette pre­mière édi­tion, nous avons choisi des pièces que je qual­i­fierais d’un peu provo­ca­tri­ces, avec un brin de mor­dant comme I See Lon­don, I See France : The Under­wear Musi­cal. Ce terme a une sig­ni­fi­ca­tion par­ti­c­ulière. Je devrais vous l’ex­pli­quer car cette expres­sion n’ex­iste pas en français. Donc, bien avant l’époque où la mode était à la visu­al­i­sa­tion de l’é­ti­quette des sous-vête­ments chez les jeunes, on dis­ait par exem­ple : « I See Lon­don, I See France, I See André’s under­pants ». Cette pièce racon­te l’his­toire d’une jeune femme qui vit telle­ment de mal­heurs qu’elle va devoir, à la longue, se décider à pren­dre sa vie en main pour s’en sor­tir. Encore une fois, le titre ne représente pas néces­saire­ment l’his­toire de la comédie musi­cale. Il n’y a rien qui implique un style « striptease » ou bur­lesque, du moins à peine. Il y a surtout une his­toire pos­i­tive. Cette comédie a été jouée, une seule et unique fois en 2007, au New York Musi­cal The­atre Fes­ti­val. Et, nous nous sommes dits qu’elle serait par­faite pour être présen­tée à Montréal.

Com­ment a eu lieu la sélec­tion des pièces ?
Pour le moment, comme c’est moi qui assume tout le risque de ce fes­ti­val, j’ai eu le plaisir de choisir les pièces. J’ai essayé de choisir des comédies musi­cales qui, je crois, pour­raient attir­er un plus grand nom­bre de spec­ta­teurs et lancer, dès le départ, le mes­sage que la comédie musi­cale, ce n’est pas que La Belle et la Bête. Je veux qu’il y ait plusieurs couleurs à ce fes­ti­val. Et je tiens à pré­cis­er que la gag­nante du Spot­light 2008, Gaël O’Shaugh­nessy, tien­dra un rôle dans I See Lon­don, I See France : The Under­wear Musi­cal. Nous aurons aus­si une créa­tion orig­i­nale, The Naked Voice, sous la direc­tion artis­tique de Patrick Olaf­son, sans oubli­er une lec­ture de The Great Amer­i­can Trail­er Park Musi­cal. Et nous aurons aus­si un ate­lier pour expli­quer com­ment se présen­ter en audi­tion et choisir le bon registre.