Stephanie J. Block, quand et comment avez-vous décidé de démarrer une carrière artistique ?
J’ai commencé à chanter assez jeune, à sept ans. Mes parents ont reconnu que je devais avoir un certain talent, ainsi qu’une envie etun besoin désespéré de chanter ! A onze ans, j’ai commencé des cours privés avec un professeur de chant, avec qui j’étudie toujours aujourd’hui. Mes parents ne m’ont pas vraiment poussée, je ne suis pas une enfant du show-biz ; mais je savais que c’était ce que j’avais envie de faire de ma vie. Ils m’ont soutenue, m’ont emmenée aux auditions, se sont assurés que j’avais la formation adéquate afin que ma vie me mène ensuite à Broadway.
Vous souvenez-vous de votre premier engagement professionnel ?
J’avais douze ans et je chantais pour des publicités pour des céréales, des poupées, etc. On ne me voyait pas dans ces spots, mais on entendait ma voix chantée pour vanter tous ces produits !
Et que vous disiez-vous à ce moment-là ? Que vous en feriez votre carrière ?
Je sentais que c’était quelque chose que je voulais faire toute ma vie. Vous savez, j’étais une petite fille qui voulait trouver sa place. J’avais une grande soeur qui était une superbe danseuse et une magnifique jeune femme. J’essayais de trouver un créneau pour qu’on me remarque, et que je reçoive un peu d’attention… et ma voix m’a donné cette opportunité. Au début, c’était donc pour me faire remarquer… Ca vous semble sensé ? (rires) Puis, quand je suis entrée dans cet univers professionnel à un jeune âge, j’ai adoré tout ce que ça comprenait : le travail, la discipline, et pas juste les applaudissements et le chèque à la fin du mois. J’adorais toutes ces différentes étapes et je savais que ce n’était pas juste un caprice et que ça allait devenir la passion d’une vie.
Quand on vient de Californie, ce n’est pas trop dur de sauter le pas pour venir à New York ?
Oh si ! Je n’ai déménagé pour New York que depuis cinq ans. J’avais déjà essayé quand j’avais 22 ans et ce n’était pas le bon moment : j’avais peur de la ville, j’étais intimidée par les autres actrices. Je pensais être préparée et prête. Si c’était vrai en ce qui concerne le travail, ce n’était pas le cas pour la confiance que j’avais en moi-même. Plus tard, j’ai reconsidéré les choses. A ce moment là, ma carrière allait bien à Los Angeles, j’y avais un petit ami depuis longtemps, mais je me suis dit que si je n’essayais pas, si je n’abandonnais pas tout en Californie pour vraiment tenter ma chance à New York, alors, chaque fois que je regarderais en arrière, je me demanderais toujours si j’aurais pu me faire un nom à Broadway. J’ai donc parlé à ma famille, à mon petit ami, et ils m’ont dit : « Ca va être difficile, mais tu dois partir ». J’ai donc fait mes bagages et je suis arrivée à New York.
Votre première expérience à Broadway fut dans The Boy From Oz, quels souvenirs en gardez-vous ?
Tout d’abord, j’ai travaillé avec une immense star de cinéma : Hugh Jackman. Il était extraordinaire, accueillant, généreux en tant qu’homme et en tant qu’acteur. Il y avait en plus un cast formidable, bref, ils font partie des gens que j’aime le plus au monde. Quand, en coulisses, les comédiens sont heureux, épanouis et s’apprécient, faire son job sur scène devient tellement plus facile ! Mais quand vous jouez à Broadway pour la première fois, il y a tant d’émotions qui vous traversent, que vous avez du mal à vous souvenir de tout précisément. Vous vivez le moment présent, vous avez peur, vous êtes excités… Tous ces sentiments se bousculent en vous. Cependant, je me souviens que ma famille m’a dit que lorsqu’ils m’ont vue entrer sur scène la première fois, avant même que je ne dise un mot ou ne chante une parole, ils ont réalisé ce jour-là que mon rêve s’était réalisé. Et ils étaient là dans le public, à l’Imperial Theatre, à Broadway, pour vivre cette expérience pour moi et à travers moi.
Donc, ces souvenirs de « première fois à Broadway », je les ai à travers ma famille, mes parents qui m’ont accompagnée tout au long de ce voyage.
Venons-en à Pirate Queen. Avant de faire ce spectacle, étiez-vous familière avec les oeuvres de Boublil et Schönberg ?
Oh my gosh ! Bien sûr ! Les Misérables est un de mes musicals préférés de tous les temps. Quand j’allais à mes cours de chant, j’essayais toujours d’atteindre les notes plus hautes des chansons de Fantine ou d’Eponine ! Je chantais « I Dreamed A Dream » à mes auditions. Quand Miss Saigon est sorti, j’ai commencé à chanter « Sun and Moon » à des mariages (rires). Je connaissais très bien toutes ces chansons que je trouvais si belles. D’ailleurs Miss Saigon fut l’un des premiers shows que j’ai vus, avec mon père, à Broadway. C’était exceptionnel.
Donc, je connaissais vraiment bien leurs oeuvres et je ne pouvais pas être plus ravie, honorée et nerveuse de les rencontrer pour la première fois.
Justement, vous avez dû chanter des chansons de leurs spectacles pour auditionner ?
Oui. Je n’ai pas pu me rendre au premier tour des auditions car je jouais dans une tournée nationale de Wicked, avec huit représentations par semaine. Quand j’ai pu auditionner à New York, c’était le « final callback » et tout le monde était là : créateurs, producteurs, metteur en scène… Ils m’avaient envoyé un dossier assez costaud avec cinq ou six chansons à apprendre, dont une chanson intitulée « Because I Am A Wife », qui a été coupée depuis, et qui était un solo très difficile, avec un registre très étendu.
Dans le spectacle, vous jouez, vous chantez, vous dansez mais vous avez aussi des combats très physiques. Devez-vous suivre un entraînement particulier pour ça ?
Avant même de démarrer les répétitions, j’ai commencé avec un coach privé à raison de trois séances par semaine. J’ai aussi pris des cours privés de combat à l’épée avec notre chorégraphe, deux à trois fois par semaine, et ce, trois ou quatre mois avant le début des répétitions. Je suis maintenant habituée à la « chorégraphie » des combats d’épée dans le spectacle, mais mon corps en ressent toujours la « physicalité », donc je continue mes séances avec un coach privé deux fois par semaine, en plus de ma propre gym habituelle. Il faut se maintenir en forme ! J’ai eu deux jours off peu avant la première, et quand on revient après quelques jours de repos… ooh ! Le réveil est très rude ! En fait, si vous maintenez le rythme de huit représentations par semaine, au final, votre corps se sent mieux ! Je fais aussi du PT (Physical Therapy) pour maintenir tout en bon ordre et je me fais masser une fois par semaine !
Pouvez-vous nous parlez de votre personnage, Grace O’Malley ?
Elle est le parfait équilibre entre féminité et masculinité. C’est une femme qui veut être une guerrière. Elle est passionnée, aussi bien en amour, en famille, qu’en ce qui concerne sa patrie ou son peuple. Elle est aussi très tendre. C’est une fille, une amante, et une mère à la fin du spectacle. Et la beauté de ce personnage vient de ses différentes couleurs et facettes que découvrent le public. Souvent, les personnages féminins développés à Broadway sont des jeunes premières innocentes ou des personnages comiques et impertinents. Ce personnage est tout ça en l’espace de deux heures et demie. Et la cerise sur le gâteau, c’est qu’elle a vraiment existé et c’est un honneur et une grande responsabilité que d’interpréter cette légendaire figure irlandaise.
Pensez-vous néanmoins qu’il y a un nouvelle mode à Broadway de personnages féminins très forts comme dans Wicked et Pirate Queen ?
Oui, tout à fait, et je pense que c’est très intéressant de voir comment les jeunes filles et les femmes y sont réceptives, comme s’il y avait une demande pour ce genre de personnages au théâtre. Elles s’identifient totalement. Elles résonnent en elles. Dans le courrier de fans que je reçois, ou dans les commentaires des gens qui m’attendent à la sortie des artistes, on me dit que ces personnages, qu’ils soient fictifs comme Elphaba dans Wicked, ou historiques comme dans Pirate Queen, sont toujours d’actualité. Les femmes se battent toujours pour avoir leur place, et doivent trouver l’équilibre entre le travail, et le fait d’être mère, d’être épouse, de construire leur foyer, leur force et leur passion.
Pour votre part, aviez-vous des modèles ?
J’aimerais que ma carrière ressemble à celle de Carol Burnett. Je la trouve fantastique. Elle mène sa vie personnelle et professionnelle avec beaucoup d’intégrité et de charme. Je pense que la longévité et l’endurance de sa carrière sont admirables. Je trouve que c’est une des femmes les plus classe, drôles et talentueuses des sept dernières générations. Et puis, bien sûr, il y a Barbra Streisand que j’admire énormément. Sa voix est extraordinaire. Elle a su passer de Broadway à l’enregistrement d’albums, de la réalisation de films à la performance de concerts… C’est vraiment quelque chose que j’aimerais faire dans le futur pour ma carrière !
Et avez-vous des rôles que vous rêvez de jouer ?
C’est intéressant qu’on vienne juste de parler de Barbra Streisand car j’adorerais que Funny Girl revienne à Broadway. Sa création remonte à quarante ans environ. Je pense que Barbara Streisand a tellement marqué les esprits quand elle a créé ce rôle que les producteurs sont encore un peu frileux de remonter le spectacle à Broadway. Mais je pense que c’est une histoire merveilleuse sur une femme ayant existé, Fanny Brice, et il est temps de la raconter d’un point de vue autre que celui de Barbra Streisand. Il est temps de faire revivre ce spectacle à Broadway !
Et la partition est sublime…
N’est-ce pas ? Que peut-on espérer de mieux ? A moins de chanter du Boublil et Schönberg (rires).
Pour conclure, comment vous sentez-vous un mois après la première de Pirate Queen ?
Merveilleusement bien ! Le public réagit avec tellement d’enthousiasme et de chaleur. Quand vous avez 1900 personnes dans une salle qui se lèvent et vous acclament à la fin du spectacle, c’est un sentiment merveilleux et indescriptible. Avec la troupe, on est si fiers de l’histoire qu’on raconte, et si excités de jouer à Broadway. Ca fait déjà un mois, le temps passe à toute vitesse, et j’espère que dans trois ans, nous pourrons toujours dire la même chose !