
Entre les répétitions du Roi Lion et celles de Panique à Bord, la rentrée est un peu chargée pour vous…
C’est beaucoup de jonglage. Ca a été très difficile pendant une semaine. Le Roi Lion a eu besoin de moi pendant les trois premières semaines de répétition et la troisième coïncidait avec la première semaine des répétitions de Panique à Bord, ça faisait des journées de 16 ou 18 heures. Mais c’est un bonheur intégral. Ce qui est parfois difficile — mais Dieu merci, j’ai presque fini mon travail sur les deux — c’est de passer sans cesse d’un univers à l’autre. Ca n’a strictement rien à voir. C’est ça la vraie difficulté, plus que les emplois du temps.
Vous travaillez d’un côté sur une grosse machine qui laisse peu de place à l’improvisation et de l’autre une petite création. Que préférez-vous ?
Les deux sont des défis différents et les deux sont intéressants à relever. Le défi du Roi Lion, c’est de faire en sorte que les gens qui le voient aient l’impression que ça a été écrit en français. Sur Panique à Bord, le stress c’est que l’on peut écrire exactement ce que l’on veut. On est encore au moment où quinze jours avant la première on peut changer les choses de façon drastique. Parce que c’est comme ça que ça se fait. Après tout, Sondheim a écrit « Send In The Clowns » trois jours avant la première de A Little Night Music à Boston…
Mais il est faux de dire que Le Roi Lion laisse peu de place à l’improvisation. La « grosse machine », à ma grande surprise, y laisse une vraie part. Je suis très fier d’avoir réussi à faire incorporer du Offenbach dans Le Roi Lion, qui fonctionne depuis 1997 avec le même livret et la même musique partout dans le monde. Cela sera une vraie première puisqu’on verra une parodie de la Vie Parisienne.
A quel moment ?
Timon et Pumbaa sont censés faire un charleston à la fin. Quand j’en ai parlé à Julie Taymor la première fois, elle m’a dit que ce serait peut-être bien d’en faire un moment français. Elle m’avait demandé s’il y avait des charlestons très connus en France. Je lui ai répondu que la plupart des charlestons qu’on avait eus en France dataient des années 20 et qu’ils étaient, pour la plupart, en anglais. Donc on a cherché ailleurs et j’ai eu l’idée du can-can.
Vous disiez récemment avoir des problèmes pour traduire « Can You Feel The love Tonight » et « The Circle of Life », est-ce réglé ?
(sourire) Ca y est, c’est fait. « Circle of Life » devient le « Cercle de la vie ». Julie Taymor a rejeté toutes les autres propositions. Non pas parce qu’elles étaient mauvaises mais parce que la symbolique du cercle est pour elle la chose la plus importante du spectacle. J’ai trouvé « Can You Feel The Love Tonight » le jour où Disney m’a dit « c’est bien ce que vous avez mais ça reste trop proche de l’original et ça serait bien de faire un peu plus poétique. » J’ai donc fait complètement autre chose et ça a plu. Ca s’appelle « Quand soudain l’amour est là ».
Il y a eu beaucoup de réécriture pour Panique à Bord ?
Edouard, le personnage qu’interprète Jacques Verzier, était schizophrène dans le texte d’origine. Il s’exprimait parfois avec plusieurs voix. On s’est rendu compte en répétitions que c’était quasi indéchiffrable. En fait, il était trop peu présent sur scène pour qu’on puisse installer ce procédé théâtral. Et je crois qu’on aurait perdu pas mal de lisibilité auprès d’un certain nombre de spectateurs. Nous avons préféré en faire un vrai grand malade, qui a des accès de colère meurtrière et c’est déjà suffisant !
Etes-vous confiant ?
Ca serait une arrogance extrême d’être confiant vu le paysage théâtral actuel. Disons que ce que j’imaginais est très proche de ce que je vois sur scène actuellement. Ainsi, je peux me dire que si ça ne marche pas, ça sera de ma faute. En même temps, ce qui marche beaucoup en ce moment, ce sont les pièces drôles, et j’ose espérer que Panique à Bord l’est un peu. Donc on verra… Je ne peux rien dire d’autre. En tout cas, c’est un vrai plaisir humain et artistique. Et c’est déjà bien. Par ailleurs, j’espère que ça va marcher puisque je produis !
Simenon et Joséphine, votre première collaboration avec Patrick Laviosa, était une commande, là c’est votre première véritable création. C’était un gros challenge ?
C’est ma compagnie, la Compagnie Dado, qui avait déjà produit D’amour et d’Offenbach, qui produit Panique à Bord, avec moult subventions. Oui c’est un challenge. Je crois que c’est la dernière fois que j’aurai la casquette de producteur parce que c’est extrêmement envahissant quand on aussi une casquette artistique. J’admire beaucoup Jean-Luc Revol qui fait ça depuis des années. Il partage la mise en scène et la production sur quasiment tous les spectacles qu’il fait. Et ça, vraiment, je lui tire mon chapeau. Donc, oui, c’est un défi différent d’une commande. Je suis en train de mettre sur pied une suite à Panique à Bord qui s’appelle Panique au Harem, qui sera un spectacle exclusivement féminin (notamment avec les trois personnages féminins de Panique à Bord), et ça je ne le produirai pas.
Considérez-vous l’adaptation comme votre véritable métier ou est-ce un tremplin avant la création ?
J’ai démarré par l’adaptation et j’ai maintenant deux créations à mon actif. J’adore ça. C’est un vrai travail d’auteur. Il faut chercher les choses. Je crois que je vais m’attacher plutôt à la création. L’adaptation, c’est formidable, mais raconter les histoires soi-même c’est encore mieux.
Il y a quand même d’autres adaptations en projet ?
Pour la saison qui vient, j’ai un projet musical et un non musical.
Peut-on en savoir plus ?
Non ! (rires)
Quelle est la comédie musicale que vous rêvez d’adapter ?
Evidemment, ça va être un cliché mais j’adorerais adapter un Sondheim, quoique pas tous. En ce moment, j’écoute en boucle Parade, une comédie musicale — ou plutôt une tragédie musicale — qui date de 1999. La musique de ce spectacle, qui est de Jason Robert Brown, est une merveille. C’est l’histoire d’un juif new-yorkais qui s’est installé dans le sud au début du XXè siècle, qui a été accusé de l’assassinat d’une petite fille dans son usine. Il a été gracié, faute de preuves. Les gens sont venus le chercher dans sa prison et l’ont lynché. C’est une histoire vraie. Quand j’écoute une comédie musicale, j’ai tendance à toujours zapper un ou deux morceaux. Et celle-ci, je l’écoute littéralement en boucle : dès que j’arrive à la fin, je remets le disque au début. Et j’aimerais bien faire Hairspray, parce que je trouve ça absolument délicieux.