
Stéphane Corbin, comment avez-vous commencé la musique ?
On m’a mis devant un piano à trois ans, et je dois dire que je détestais ça ! Je suis néanmoins tombé sur une prof très patiente qui s’est obstinée. En fait, je crois que je détestais jouer les trucs des autres et du coup, je les jouais mal. Je me reposais juste sur ma faculté de reproduire à l’oreille ce que j’entendais. Il me suffisait de regarder ma prof jouer.
A 15 ans, je me suis mis en tête qu’il fallait que je chante. Au lycée, j’ai fait du rock dans un garage, mais je secouais surtout mes cheveux ! Puis chemin faisant, j’ai monté mon premier groupe. Je n’osais pas chanter donc j’ai d’abord demandé à des copines chanteuses de se joindre à moi, puis nous ont retrouvés un guitariste, puis un accordéoniste. Nous avons alors joué une semaine dans un lieu à Lille. Il y a eu un petit buzz avec la presse locale. Dans la foulée, on a enregistré un 4 titres. Puis le groupe s’est splité à cause de conflits humains. J’ai fait un break durant lequel j’ai repris mes études de lettres. Puis, j’ai appris que j’avais été sélectionné au Printemps de Bourges où j’avais envoyé une démo. C’est là que j’ai commencé ma carrière solo.
Comment s’est passé ce « déclic » concernant le chant ?
Certaines personnes me disaient que j’avais un beau timbre, pas ordinaire, mais beaucoup d’autres me disaient que je ne chantais pas très bien et que je ferais mieux d’arrêter. Ca m’a énervé ! Mes études ont été faciles, pour le piano, ça a été facile… Et là, le chant représentait un challenge car ce n’était vraiment pas acquis. J’ai bossé ma voix comme un fou. En fait, le désir de chanter a toujours été là dès les premiers instants de la puberté. J’aime ce mélange à la fois physique et spirituel du chant, que je ne retrouve pas dans le piano : le travail musculaire, les sensations physiques…
Vous êtes un des co-auteurs de Une rupture dans le continuum, un spectacle musical. Pouvez-vous nous en parler ?
Je faisais partie d’un collectif de chanteurs, dans le Nord. Nous avons eu une commande pour un conte musical qui serait accompagné par un orchestre d’étudiants. Le projet intéressait plusieurs auteurs et compositeurs (Fred Merpol, Thibault Defever, Christophe Cheneval et moi-même) et nous nous sommes réunis souvent pour travailler ensemble. L’histoire s’est montée petit à petit. Sur le papier, nos univers ne semblaient pas conciliables, mais au final, c’est une pièce unique qui représente bien nos diverses personnalités. Nous avons joué à Lille une seule fois. C’est dommage que le projet n’ait pas eu d’autre vie, mais il est hybride et difficile à vendre. Ca a été une belle expérience mais je suis un peu triste que ce soit un peu un coup d’épée dans l’eau au regard de l’investissement qu’il a représenté.
Vous avez également composé des musiques pour des courts-métrages, c’est quelque chose qui vous intéresse ?
C’est quelque chose que j’adore à un point inimaginable. J’ai mis du temps à trouver mon univers, mais désormais mon projet artistique existe et il est clair. Tout ce qui peut exister autour de ce projet et qui est lié à la création me passionne. J’adore multiplier les pistes. J’adore écrire pour des voix féminines. Je me rêve en Gainsbourg qui écrit pour quinze égéries. Je rêverais d’écrire une comédie musicale… J’ai l’impression de n’être qu’à 20 ou 30 % de ma création. J’ai besoin de travailler et pas que pour moi.
Comment définiriez-vous votre univers ?
J’aime bien dire que je fais de la « chanson réelle » plutôt que de la « chanson réaliste » qui est un genre marqué, codifié. Quand je dis « réelle », c’est-à-dire que mes chansons parlent de quotidien, de petits riens… On m’assimile parfois à Vincent Delerm ou Bénabar, mais ce n’est pas ma culture, je ne m’y reconnais pas. Ma culture, c’est plutôt les « songwriters » anglo-saxons : Nick Cave, Leonard Cohen, Tori Amos ou Kate Bush. Quand je les écoute, ils me transmettent une émotion par la voix, pas simplement avec le texte.
Vous écrivez et composez… Votre frère et votre père écrivent aussi pour vous… Les chansons, c’est une affaire de famille ?
Mon frère a été le premier à m’écrire des textes. Puis mon père s’y est mis. Pour situer le contexte, je dois dire que j’étais un adolescent difficile. A l’époque, je ne communiquais pas du tout avec mes parents. Mon père a écrit des textes quand j’ai commencé à composer. C’est ainsi que le contact s’est renoué, c’est la façon qu’il avait trouvée pour communiquer avec moi. A part ça,on n’a pas de règle particulière dans notre façon de travailler. En tout cas, on écrit beaucoup !
Au Théo Théâtre, vous proposez deux spectacles : l’un en solo (piano/voix) et un en trio avec vos deux musiciens. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le spectacle en trio a déjà beaucoup tourné, nous avons fait plus de 60 dates. Il est festif, marrant et décalé avec de vrais moments d’émotion. Cette configuration me permet d’explorer des trucs plus pêchus. Et puis, il y a cette complicité, on s’amuse vraiment beaucoup. Mes deux musiciens sont de vrais amis. Tous deux m’ont suivi quand j’ai quitté Lille pour Paris. J’éprouve pour eux un amour fraternel et je leur voue une admiration sans bornes.
Le spectacle piano/voix a été créé pour « soulager » mes musiciens. Ils ont un autre boulot à côté, dans la journée, et je ne voulais pas qu’ils explosent en plein vol ! Le mercredi et le dimanche, je suis donc en solo. J’essaye de montrer les mêmes facettes de moi, mais je me suis mis un challenge qui est de ne présenter que peu de passerelles entre les deux spectacles. Il n’y a que quatre ou cinq chansons en commun. C’est le même personnage, mais pas le même répertoire.
Comment imaginez-vous la suite ? Quels sont vos projets ?
J’imagine que ça va être long ! Les maisons de disques ne signent plus personne. Nous devons donc faire un travail de terrain. J’aimerais faire vivre ces deux spectacles au maximum, partout où ça peut se faire, jouer notamment plus en province. J’aimerais aussi beaucoup écrire pour d’autres… Bref, tout m’intéresse !