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Sophie Delmas, nous vous avions rencontrée pour la première fois il y a sept ans pour Autant en emporte le vent, le spectacle musical de Gérard Presgurvic. Aujourd’hui, vous avez le premier rôle dans Mamma Mia!, c’est une belle évolution…
Mamma Mia! c’est le point culminant de mon parcours d’artiste. Cela représente tout ce que j’aime : jouer la comédie, chanter, être sur scène avec une troupe aussi géniale dans un spectacle rempli de bonne humeur et qui fait lever les gens à la fin. Et franchement, le rôle de Donna est magnifique ! Dès que je pousse la porte du théâtre, quoiqu’il arrive dans ma vie personnelle, je pose les paquets et je sais que je vais vivre deux heures et demie de bonheur.
Pourtant, cela n’a pas toujours été facile. Alors que vous aviez commencé les répétitions, à trois semaines de la première, vous avez été remplacée par Claire Guyot. Tout le monde a été surpris. Que s’est-il passé ?
Nous n’avions que cinq semaines pour monter le spectacle. Le metteur en scène, Paul Carrington, faisait la navette entre Paris et Milan pour monter en simultané Mamma Mia! dans les deux villes, il n’était donc pas tout le temps présent. Il fallait aller vite et tout de suite être au point. Très honnêtement, au niveau de l’acting, j’ai pris conscience que j’allais avoir besoin de plus de temps. Dans tous les spectacles musicaux que j’ai pu faire, il y avait toujours un peu de comédie mais Mamma Mia! est le premier spectacle qui m’a demandé un niveau d’acting vraiment professionnel. Donna, c’est une palette de couleurs et d’émotions toutes aussi diverses que compliquées parfois : il y a ce qu’elle montre, ce qu’elle ressent, ce qu’elle a envie de dire et qu’elle ne dit pas. Et tout cela se travaille. J’ai fait le choix d’engager des coachs personnels et de prendre un peu plus de temps pour m’approprier le rôle. J’aurais souffert d’avoir été un peu moyenne, pas complètement à la hauteur du rôle. Du coup, la production a fait venir Claire Guyot qui, elle, est comédienne, et a fait le choix de fonctionner comme à Londres avec deux Donna qui alternent sur le rôle. Mon arrivée a été simplement décalée d’un mois et demi. Mais ce mois et demi m’a vraiment été très utile pour faire un travail en profondeur. Je suis montée sur scène très rapidement dès mi-décembre.
Comment avez-vous vécu cette période ?
C’est vrai que tout d’un coup on perd une légitimité, cela faisait presque un an que je savais que j’allais interpréter Donna. Bien sûr que j’en ai subi les conséquences : je n’ai pas connu les premières, la générale de presse. Ce n’est pas moi qui suis sur l’album alors qu’on m’avait choisie parce que, a priori vocalement, j’avais la voix du rôle. Mais je dois dire que la production a vraiment eu envie que je m’accroche, que je revienne dès que je serais prête. Pour eux, je ne perdais pas la légitimité du rôle. D’ailleurs, lorsque j’ai fait mon premier filage, je m’en souviens c’était le vendredi 12 décembre, juste devant la production, j’y ai tellement tout mis que, le lendemain, la metteur en scène m’annonçait que je jouais le dimanche.
Et qu’avez-vous ressenti sur cette première représentation ?
J’étais dans un état d’excitation hors norme. Ces quelques semaines de décalage m’avaient remplie d’une envie démesurée. C’était génial. Toute la troupe m’a bichonnée, chouchoutée, vraiment entourée, tout comme la production, l’équipe technique. Franchement, tout ce qui s’est passé fait que je vis une aventure humaine qui est bien plus forte encore.
En quoi votre Donna est-elle différente de celle de Claire Guyot ?
C’est difficile pour moi de nous comparer. J’ai trouvé Claire très bien en Donna. Je l’ai vue plusieurs fois, ça m’a beaucoup nourrie dans mon travail de préparation. Mais nous sommes aussi différentes que complémentaires, différentes physiquement et dans notre tempérament. Nous avons chacune créé une Donna à notre image. Du coup, et c’est très positif, beaucoup de gens qui ont vu Claire reviennent pour me voir et inversement ! A la rigueur, je dirais que, si j’ai un point faible, c’est que la différence d’âge avec ma fille est peut-être moins crédible parce que je suis petite et que j’ai une énergie un peu teenager ! Pourtant, j’ai l’âge du rôle mais, sur scène avec la distance, on me voit plus trentenaire que quarantenaire.
Quels sont vos moments préférés dans le spectacle ?
Très honnêtement, j’aime tout. J’ai un coup de coeur pour la scène avec mes deux meilleures amies dans la chambre parce que c’est drôle, on chante « Dancing Queen ». Marion Posta (Tanya) et Karen Gluck (Rosie) forment un duo gigantesque. Tout comme j’aime le moment de « Super Trouper » qui plaît énormément au public avec l’effet des costumes. J’aime beaucoup aussi, au deuxième acte, mes trois tableaux qui s’enchaînent avec ma fille, Sam et la chanson « La Loi du plus fort ». Là, on est dans une véritable émotion, il faut que j’aille chercher tellement de choses, je suis vraiment gâtée.
Ne regrettez-vous pas que le spectacle ne soit pas complètement en live ?
Pour la musique, seule la batterie est préenregistrée pour consolider le son de l’orchestre, parce que c’est aussi un choix de son ABBA, il y a aussi quelques effets sonores. Quant aux chœurs, la troupe les a enregistrés en studio pour, là aussi, renforcer le live car tous les artistes de l’ensemble chantent vraiment sur scène mais ils n‘ont pas de micros individuels, il y a juste des micros d’ambiance. Il faut savoir que c’est la même chose sur d’autres productions de Mamma Mia! dans le monde.
Continuez-vous l’aventure la saison prochaine à Mogador ?
Oui bien sûr ! La saison prochaine, je reprends le rôle de Donna toute seule, je l’ai appris il y a quelques jours. La plupart des rôles principaux restent. Je trouve que c’est un luxe absolu dans notre métier d’avoir une visibilité sur deux à trois saisons. L’idée d’être de nouveau sur la scène de Mogador une deuxième saison me réjouit à un point incommensurable, surtout car nous enchaînerons sur une tournée en France où je sais que nous sommes très attendus. Une grande partie des places est déjà vendue.
Cette expérience vous donne-t-elle envie de poursuivre votre carrière dans la comédie musicale ?
Oui, définitivement. Mais j’arrive aussi à un stade de ma carrière et à un âge où j’adore l’idée de transmettre à de jeunes artistes. Je suis coach vocale, d’interprétation scénique, je fais travailler des artistes, je les prépare à des auditions. J’aime avoir ce recul sur les autres, les aider à se densifier. Je ne cherche pas forcément à être sur le devant de la scène. En revanche, avec Mamma Mia! qui m’a permis de rebondir dans ce métier, je me rends compte que je ne suis pas encore prête à ce que ça s’arrête. J’espère que les futurs projets en France me permettront d’y trouver ma place.
Que peut-on vous souhaiter ?
Un aussi beau rôle que celui de Donna ! J’ai un rêve absolu, un rôle que j’aimerais vraiment interpréter, c’est le rôle qu’a créé Julie Andrews dans Victor/Victoria. Mais il faut bien reconnaître que lorsqu’on a plus de quarante ans aujourd’hui dans ce métier, il n’y pas beaucoup de rôles pour nous. Dans Mamma Mia!, nous avons beaucoup de chance, il y a quand même pas moins de six rôles de quadragénaires, ce qui n’arrive jamais. L’autre jour, avec mon ami Jérôme Pradon (Sam dans Mamma Mia!) qui a une sacrée carrière derrière lui, nous avons eu le bonheur de faire un duo pour la soirée Diva. Un jeune artiste s’est exclamé « ah les dinosaures de la comédie musicale ! » . On l’a plus entendu comme une forme de respect ou d’admiration !