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Sinan — Les nouvelles vies de l’ex-génie d »Ali Baba

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Sinan ©DR
Sinan ©DR

Sinan, la dernière fois que vous avez répon­du aux ques­tions de Regard en coulisse, c’é­tait en 2000, pour la créa­tion des Mille et une vies d’Ali Baba. Quel sou­venir gardez-vous aujour­d’hui de ce spectacle ? 
Un nom­bre incal­cu­la­ble de sou­venirs. On dira 90 % de sou­venirs mer­veilleux, 5 % de sou­venirs agréables et 5% de dif­fi­ciles. Il me reste des ami­tiés très fortes, que ce soit avec les autres mem­bres de la troupe ou avec l’équipe de créa­tion. Aujour­d’hui, je con­tin­ue non seule­ment à les voir mais, aus­si, à tra­vailler avec cer­tains d’en­tre eux. Ce spec­ta­cle m’a apporté une nou­velle famille, soudée et sol­idaire. Ce n’est pas Ann’­So qui me contredirait.

C’é­tait la pre­mière fois que j’é­tais sur un pro­jet de cette enver­gure. Il y a eu une pré­pa­ra­tion à la fois physique, men­tale, vocale, cor­porelle, pen­dant six mois, avant même de com­mencer les répéti­tions. De l’en­reg­istrement jusqu’à la fin de la tournée, l’aven­ture aura duré deux ans. Pen­dant deux ans, on a bu Ali Baba, on a mangé Ali Baba, on a dor­mi Ali Baba. Franche­ment, j’ai con­nu peu d’aven­tures qui aient duré aus­si longtemps, et surtout qui m’aient autant marqué.

Com­ment expliquez-vous que le spec­ta­cle ait été moins bien reçu à l’époque que Roméo et Juli­ette ou Les Dix com­man­de­ments ?
On était assez lucides sur nos points négat­ifs comme sur nos points posi­tifs. On recon­nais­sait par exem­ple, et les auteurs en pre­mier, cer­taines faib­less­es dra­maturgiques. Il y a eu des erreurs dans la pro­mo­tion. On a ven­du un yaourt alors que c’é­tait un aspi­ra­teur. A l’époque, on était trop dedans pour pou­voir s’en ren­dre vrai­ment compte.

Le spec­ta­cle a été ven­du dans la mou­vance de Notre Dame de Paris. La pro­duc­tion a donc mis en avant les aspects « lyriques » parce que Notre Dame, mais aus­si Les Dix Com­man­de­ments et Roméo et Juli­ette se vendaient comme ça. On était obligé d’u­tilis­er les mêmes armes, alors que nous, on avait un spec­ta­cle comique, décalé, qui ne ressem­blait à rien d’autre, pas même aux comédies musi­cales de Broad­way dont il se voulait proche. Même à Broad­way, Ali Baba aurait été un ovni, ce qui d’ailleurs me rem­plit de fierté. Le spec­ta­cle n’é­tait pas sim­ple à com­pren­dre. Cer­tains rebondisse­ments de l’his­toire auraient sans doute néces­sité une voix off. Ali Baba se serait très bien prêté à la voix off. D’ailleurs, il y en a une sur le DVD. La voix y explique le com­mence­ment de l’histoire.

Quelle était la réac­tion du pub­lic lors des représentations ?
On a eu des mar­ques d’amour incon­di­tion­nel de la part de beau­coup de spec­ta­teurs. Mais ce qui me ras­sure, c’est la réac­tion des gens du méti­er. La plu­part du temps, on ne va pas voir un spec­ta­cle juste pour s’a­muser. On y va pour voir les gens qu’on con­naît, pour être au courant et pour pou­voir en par­ler et racon­ter des hor­reurs. On est plus dif­fi­cile que le spec­ta­teur lamb­da pour qui les spec­ta­cles sont faits car ce sont eux qui payent leur place. Eh bien là, le retour qu’on a eu de la pro­fes­sion était bon. Même ceux qui étaient mit­igés trou­vaient dom­mage qu’on se soit arrêtés parce qu’ils préféraient ça aux autres choses qu’on voit en ce moment. Nous n’avons jamais eu honte de ce spec­ta­cle qui exploitait à fond notre volon­té de chanter, danser, jouer la comédie et de racon­ter une his­toire avec des per­son­nages extrême­ment mar­qués. Et puis, on a con­tin­ué, les uns les autres, à faire les choses ensem­ble. Je con­tin­ue à tra­vailler avec Frédéric Doll, un des auteurs.

Que s’est-il passé pour vous ensuite ? 
Avec l’équipe d’Ali Baba, après l’ar­rêt du spec­ta­cle, on a essayé de faire un sin­gle tous ensem­ble. Ce pro­jet rassem­blait tout le monde jusqu’au choré­graphe et au com­pos­i­teur. On a même fait un clip. Mais on lais­sé tout ça de côté parce que finale­ment ça ne tenait que sur la frus­tra­tion de cette aven­ture avortée. On est aus­si restés pen­dant un cer­tain temps avec l’e­spoir qu’il y aurait quand même un retour. Après, j’ai repris un rôle dans l’Eveil du Print­emps et j’ai fait Par­adis­co, le court métrage de Stéphane Ly-Cuong.

Pou­vez-vous nous en parler ? 
C’é­tait super. C’é­tait une idée géniale de réu­nir un aus­si grand nom­bre de gens qui tra­vail­lent dans l’u­nivers du théâtre musi­cal à Paris et qui avaient pris l’habi­tude de se crois­er lors de show­cas­es ou dans les salles d’at­tente d’au­di­tions. Tous ceux qui étaient là pen­dant les quelques jours où on a tourné vous le diront : on a passé un moment hors du com­mun. On était surex­cité et il n’y a pas eu, ne serait-ce que deux sec­on­des, le poids du tra­vail ou quoique ce soit de con­traig­nant. Et pour­tant, Dieu sait que venir à sept heures du matin pour repar­tir à onze heures du soir, ce n’est pas tou­jours agréable. Je touche du bois pour que cette expéri­ence rap­porte le meilleur à Stéphane dans les années à venir. Son approche est vrai­ment intéres­sante. Il mérite vrai­ment de pass­er au for­mat au-dessus et de faire des, je dis bien DES, longs métrages.

Quels sont vos projets ? 
Je vais repren­dre Le Con­te de Noël. C’est un spec­ta­cle musi­cal pour enfants qu’on a joué au Liban puis, l’an­née dernière, à l’Olympia. Cette année, c’est au Casi­no de Paris. Après, on part en tournée. Je joue aus­si dans Zap­ping, spec­ta­cle de Bruno Agati, le choré­graphe d’Ali Baba. Je l’ai repris en cours de route. On a déjà fait une série de show­cas­es, il y a un an, au Tri­anon. En jan­vi­er prochain, on est en tournée pour trois semaines. Il y aura quelques dates à la Mai­son de la Danse de Lyon. C’est là qu’a eu lieu la créa­tion française de Fos­se, la revue de Broad­way. Zap­ping, c’est une sorte de par­o­die de l’his­toire de la danse et des spec­ta­cles musi­caux, ce qui inclue Clo­clo, Zizi Jean­maire, et les gros musi­caux français de ces dernières années.

Vous avez fait vos débuts dans la comédie musi­cale Hair en 1998 au Théâtre Mogador. 
Tout à fait, Hair a été ma pre­mière expéri­ence dans une comédie musi­cale sur la scène parisi­enne. C’é­tait aus­si la pre­mière fois que je ren­con­trais autant de gens tra­vail­lant dans ce milieu. Je con­tin­ue à les fréquenter d’ailleurs. L’ex­péri­ence n’a pas été de tout repos. On a eu une direc­tion fla­geolante que ce soit pour la mise en scène ou pour la musique. Par­fois, on était franche­ment livrés à nous même. L’équipe tech­nique man­quait de coor­di­na­tion. Les répéti­tions ont donc été très dif­fi­ciles mais ça nous a soudés. Aus­si ridicule que l’ex­pres­sion puisse paraître, on a vécu une vraie aven­ture humaine.

Après Hair, cer­tains d’en­tre nous se sont retrou­vés, pour le plaisir d’être ensem­ble, sur le pro­jet de Beau­coup de bruit pour rien, mis en scène par Vin­cianne Regat­tieri. Le spec­ta­cle s’est joué en Avi­gnon et a tourné pen­dant trois ans. Le même noy­au, moins cer­tains, plus d’autres, a enchaîné avec La Tem­pête puis avec Le Songe d’une nuit d’été. Créa­tures d’Alexan­dre Bon­stein, est aus­si, quelque part, le fruit des ren­con­tres de Hair, puisque c’est là qu’Alex a vrai­ment con­nu Liza Michäel, qu’il n’avait fait que crois­er jusque là, et qui fig­ure aujour­d’hui dans la dis­tri­b­u­tion du spectacle.

Vous avez co-signé l’adap­ta­tion de Beau­coup de bruit pour rien. Com­ment avez-vous procédé ? 
Dans un pre­mier temps, j’ai fait tout seul une adap­ta­tion-tra­duc­tion de Beau­coup de bruit pour rien. Puis, on a replanché dessus avec Vin­cianne Regat­tieri et son col­lab­o­ra­teur artis­tique. Pen­dant trois semaines, on a fait des mod­i­fi­ca­tions du genre couper une scène ou un mono­logue, écrire une chan­son pour éviter la suc­ces­sion de trois scènes trop longues. C’é­tait un gros tra­vail. La sim­ple adap­ta­tion m’a pris six mois et ce n’é­tait que le squelette de ce qu’al­lait devenir le spec­ta­cle. Celui-ci s’est vrai­ment dess­iné avec Vin­cianne, puis en répétitions.

Aimeriez-vous renou­vel­er l’expérience ? 
J’ai fait, à peu près à la même époque, un tra­vail sem­blable pour la com­pag­nie que j’ai co-fondée en 1997. C’é­tait un tra­vail de décor­ticage sur quelques scènes de Mac­beth. Elles ont servi de lien, de ponc­tu­a­tion, par­mi d’autres textes, au spec­ta­cle d’Ubu que nous étions en train de mon­ter. Je le ferais peut-être encore pour cette com­pag­nie mais aujour­d’hui, mes envies d’écri­t­ure sont différentes.

Par exem­ple ?
J’ai des idées qui me trot­tent dans la tête depuis longtemps. Des idées de courts métrages, des con­cepts télé parce que je suis un vrai téléphage et cablophile. Je trou­ve qu’on mérite en France de vraies sit­coms, de vraies séries télé. Je ne dis pas qu’on en fait que des fauss­es mais on mérite mieux. Je passe toute la semaine à regarder des choses comme Six Feet Under, Queer as folk, Sex and the City, 24 heures chrono et ça me frus­tre de con­stater que ce ne sont que des pro­duc­tions améri­caines, ou anglaise dans le cas de Absolute­ly Fab­u­lous, que j’aime aus­si beau­coup. C’est donc quelque chose qui m’in­téresserait, mais pour l’in­stant ça reste dans le flou le plus total. En ce moment, j’écris surtout des chan­sons. Ces deux dernières années, j’ai com­mencé à tra­vailler sur un pro­jet per­son­nel. Avec Ali Baba, j’ai ren­con­tré des gens qui bos­saient dans le milieu du disque. L’an­née dernière, j’ai fait beau­coup d’es­sais et de maque­ttes, j’ai ter­miné plusieurs titres. C’est impor­tant pour moi de trou­ver une par­tic­u­lar­ité textuelle mais aus­si ma par­tic­u­lar­ité musi­cale, mon empreinte. D’une manière générale, quand on écoute une chan­son, on doit pou­voir se dire: ça, c’est tel chanteur et pas un autre. La petite pré­ten­tion que j’ai, c’est d’ar­riv­er à ce niveau là. Je n’au­rais aucun intérêt a faire de la pop var­ié­tique siru­peuse comme on entend beau­coup et les autres n’ont aucun intérêt à m’é­couter dans ce genre de choses. Musi­cale­ment, je cherche quelque chose d’un peu plus théâ­tral, d’un peu plus extrav­a­gant, avec un style un peu pop rock glam. Pour l’in­stant, mon pro­jet d’écri­t­ure, c’est ça.

Que pou­vez-vous nous dire sur la soirée « Musi­cal’s Friends » à laque­lle vous allez par­ticiper le 8 décem­bre prochain ? 
A l’oc­ca­sion de la reprise de Anges et Démons et de la créa­tion parisi­enne de Créa­tures, spec­ta­cle auquel je par­ticipe en tant qu’as­sis­tant à la mise en scène, la soirée sera con­sacrée aux comédies musi­cales «d’hor­reur». On y enten­dra des extraits de La Petite bou­tique des hor­reurs, du Rocky Hor­ror show, de Jekyll and Hyde, de Phan­tom of the Opera et bien sûr de Créa­tures ! La troupe sera là au com­plet, pour inter­préter les airs du spec­ta­cle. Il y aura aus­si Jérôme Pradon, Valéry Rodriguez et moi.…