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Siddhartha — Le musical (Critique)

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siddharthaInspiré du roman de Her­mann Hesse.
Mise en scène : Isabeau & John Rando.
Musique : Fabio Code­ga & Isabel­la Biffi.
Spec­ta­cle joué et chan­té en ital­ien, sur­titré en français.
Nar­ra­teur : Patrick Poivre d’Arvor.

Sid­dhartha racon­te l’his­toire d’un jeune prince qui aban­donne richesse et pou­voir en quête de spiritualité.

Un voy­age ini­ti­a­tique à tra­vers l’Inde du VIème siè­cle, une quête spir­ituelle sur les chemins de la sagesse, du sens de la vie et de l’amour. « Car on ne naît pas sage, on le devient ! »

Pro­fes­sion de foi indi­vid­u­al­iste, rejet de toutes les doc­trines, con­damna­tion du monde de la puis­sance et de l’ar­gent, éloge de la vie con­tem­pla­tive, Sid­dhartha est un roman ini­ti­a­tique devenu au fil du temps un texte légendaire, dont l’é­cho est plus que jamais aujour­d’hui d’actualité.

Ini­tiale­ment créée par la célèbre chanteuse et com­positrice ital­i­enne Isabeau comme un pro­gramme de réin­ser­tion des détenus dan­gereux dans les quartiers de haute sécu­rité d’une prison ital­i­enne, Sid­dhartha est une comédie musi­cale zen avec 24 comé­di­ens sur scène, chanteurs et danseurs, des cos­tumes cha­toy­ants, des décors grandios­es qui a con­quis ces deux dernières années, l’I­tal­ie et l’Amérique Latine.

Notre avis :
En ces temps trou­blés comme les nôtres, la vital­ité du spec­ta­cle vivant et les mes­sages de paix ne sont pas seule­ment bien­venus, ils sont devenus une néces­sité. Mais parce que les temps qui sont les nôtres sont trou­blés, ne lais­sons pas les bonnes inten­tions égar­er notre juge­ment. En bref, sub­jec­tive­ment mais hon­nête­ment, il n’y a pas grand-chose à sauver de cette nar­ra­tion en musique de la vie de cet homme né prince qui cherche sa voie en expéri­men­tant le détache­ment matériel et sen­ti­men­tal, avant de s’adonner aux plaisirs du luxe et de la lux­u­re, pour finale­ment trou­ver une paix intérieure et la sagesse suprême.

Cette fresque de près de deux heures, conçue avant tout pour le diver­tisse­ment d’un pub­lic large, préfère miser sur un déluge sonore con­tinu mi-planant Bud­dha Bar mi-élec­tro Bol­ly­wood et sur des refrains toni­tru­ants enton­nés ad nau­se­am pour évo­quer la quête de soi-même plutôt que de s’attarder sur la pro­fondeur de l’Éveil et la sub­til­ité du Zen ; et on ne saurait con­sid­ér­er un des leit­mo­tive de con­clu­sion – « si tu vis pour la paix, l’amour, tu sais, vain­cra » – comme sig­ni­fi­catif d’une spir­i­tu­al­ité bien ancrée ! Et mal­heureuse­ment, la lec­ture des pages du roman éponyme d’Hermann Hesse qu’en fait un PPDA à la fois ter­ror­isé et soucieux de réus­sir son demi-lotus, et à la voix sou­vent cou­verte par l’incessant tapis sonore, ne désarçonne plus qu’elle n’apaise ou ne nous guide. Les dia­logues sur­joués s’enchaînent sur fond de pro­jec­tions d’images de syn­thèse qui versent dans les clichés les plus aboutis : voie lac­tée vague­ment hyp­no­tique, formes abstraites ou géométriques vaporeuses, feuil­lages ondu­lant qui lais­sent par inter­mit­tence pass­er les rayons de soleil… Et les paroles des chan­sons, on l’aura com­pris, désarmeront même les plus ent­hou­si­astes du genre – si ce n’est que, comme c’est chan­té en ital­ien, on s’en épargne la com­préhen­sion directe, mais, en con­trepar­tie, on s’inflige des sur­titres qui ont oublié l’existence du Bescherelle. Restent une col­lec­tion de cos­tumes bigar­rés, des chanteurs vocale­ment engagés et une troupe de danseurs énergiques et aux acro­baties bien exé­cutées. Les afi­ciona­dos des Roméo et Juli­ette, Mozart, l’opéra rock… apprécieront éventuelle­ment. Les autres trou­veront que cela suf­fit bien peu à s’interroger sur « ce qui est en nous et autour de nous » et iront chercher leur paix intérieure ailleurs.