Une comédie musicale de Jerome Kern (musique) et Oscar Hammerstein II (livret et lyrics), basé sur le roman éponyme de Edna Ferber.
Création
A Broadway, le 27 décembre 1927 au Ziegfeld Theatre (572 représentations)
A Londres, le 3 mai 1928 au Drury Lane Theatre (350 représentations)
Principales chansons
Cotton Blossom, Ol’ Man River, Make Believe, Can’t Help Lovin’ Dat man, Till Good Luck Comes My Way, I Might Fall Back On You, Life Upon The Wicked Stage, You Are Love, Why Do I Love You, Bill, After The Ball.
En 1927, la partition fit sensation, car, tout en respectant la forme opérette alors encore très en vogue, elle proposait des mélodies et des rythmes savamment inspirés du jazz et du négro spiritual. Plusieurs chansons sont aujourd’hui des standards de jazz. La partition alterne des chansons d’inspiration négro-spiritual, jazz primitif, music-hall 1900 et opérette (pour les duos d’amour). Jerome Kern était un mélodiste raffiné, aux compositions simples mais subtiles dont la particularité est qu’elles peuvent indifféremment être interprétées dans un style velouté, voire mièvre, et dans un style jazz très syncopé.
Synopsis
Le bâteau-théâtre « Show Boat » accoste dans un port de Louisiane, sur le Mississipi, afin de présenter son spectacle dont l’attraction majeure est la chanteuse Julie La Verne, objet de toutes les convoitises. Son amant, furieux d’être éconduit, la dénonce alors comme mulâtresse aux autorités locales. Elle ne peut donc se produire sur scène, sous peine de choquer la bourgeoisie blanche sudiste, et est expulsée de la compagnie avec son mari et partenaire, au grand désespoir de la fille des propriétaires du bateau, Magnolia, dont elle est la meilleure amie. Ce contretemps propulse Magnolia sur scène pour la remplacer au pied levé, avec pour partenaire un célèbre joueur professionnel, Gaylord Ravenal, qui s’est fait embaucher en remplacement du mari expulsé. Le coup de foudre entre Magnolia et Gaylord est le point de départ d’une saga sentimentale, mélancolique et mouvementée qui va voir l’ascension et la gloire de Magnolia en tant que grande vedette de la scène, les déboires de Gaylord en tant que joueur irresponsable et ruiné, et la tragique déchéance de Julie La Verne, qui s’effacera toujours, à son insu, au profit de Magnolia, sans jamais la revoir…
L’histoire derrière l’histoire
Entre 1890 et 1925, la plupart des spectacles musicaux de Broadway étaient soit des revues luxueuses et burlesques, soit des opérettes de style européen, soit des histoires mièvres de campus universitaires où les étudiants s’agitent sur des charlestons endiablés. Le compositeur Jerome Kern, célèbre mélodiste, souhaitait rénover le théâtre musical américain, et cherchait un sujet « sérieux ». Lisant le roman à succès d’Edna Ferber, il eut l’idée, avec Oscar Hammerstein II, d’en faire une opérette moderne où la musique et les lyrics seraient véritablement imbriqués à l’intrigue, procédé facilité par le contexte social où négro-spirituals et jazz naissant étaient des éléments fondamentaux de l’univers culturel des esclaves. Le projet, aussitôt connu, fut donné perdant à cause de son audace, et la proposition de Florenz Ziegfeld de produire ce spectacle inhabituel fut la grande surprise de l’année. Le triomphe remporté par l’oeuvre fut à la mesure du courage qu’il avait fallu pour oser monter à Broadway un spectacle plutôt sombre et mélancolique, mais à forte charge émotionnelle. Le récit parallèle de deux destins contraires, l’un ascendant (Magnolia), l’autre descendant (Julie), l’évocation du racisme latent chez plusieurs protagonistes comme un sentiment inhumain, des mélodies mélancoliques prenant racine dans la douleur des esclaves noirs, la nostalgie des moments perdus, le temps qui passe et provoque l’irrémédiable, la sournoiserie des uns, la bonté des autres, l’amitié éternelle entre les deux femmes, autant d’ingrédients qui encore aujourd’hui nous touchent profondément et expliquent le succès grandissant de l’oeuvre à chacune de ses reprises.
Versions de référence
Trois versions de cette oeuvre ont été filmées, dont la première, datant de 1929, est, à ce jour, indisponible. La version de 1936 (Universal) est très fidèle à la pièce, avec dans les rôles principaux deux des créatrices du rôle à la scène (Irene Dunne et Helen Morgan). La version MGM de 1951, luxueuse et flamboyante de technicolor, est assez raccourcie, et vaut surtout par l’interprétation de Julie La Verne par une Ava Gardner troublante de désespoir.
Enregistrements CD :
Reprise de Broadway (1946) sur disque Columbia OL 4058
Reprise de Broadway (1966) sur disque RCA Victor LOC/LSO 1126
La version filmée (1951) sur disque MGM.
Reprise de Broadway (1994) sur disque Capitol
Reprise de Toronto (1994) sur disque RCA
Show Boat est à redécouvrir du 10 au 25 juin 2006 au Royal Albert Hall de Londres.
Show Boat est à l’affiche du Théâtre du Châtelet à Paris, du 2 au 19 octobre 2010.