Samuel Sené, parlez-nous de votre actualité qui semble chargée…
J’ai la chance cet été de participer à deux spectacles, de surcroît radicalement différents ! J’ai signé une mise en scène de La leçon de Ionesco au Théâtre Mouffetard l’hiver dernier, et le spectacle est repris depuis le début de l’été au Lucernaire jusqu’au 11 septembre (et éventuelles prolongations).
En parallèle, je suis tous les soirs au Théâtre Rive Gauche en tant que directeur musical de Sabine Paturel dans J’ai deux mots à vous dire. Je signe les arrangements et dirige un trio synthé-basse-batterie.
Mise en scène ou direction musicale : que préférez-vous ?
Je n’ai pas de préférence. J’aime justement passer d’un projet à l’autre, changer de casquette. En fait, ma préférence va au théâtre musical : côté musique ou côté théâtre, c’est la fusion de ces deux genres qui me parle le plus. Quand je suis juste chef d’orchestre, j’aime le contact avec les musiciens, l’émotion véhiculée par la musique, le respect d’une œuvre et néanmoins son appropriation.
Sur une pièce de théâtre musical, j’aime le contact avec les chanteurs, mettre une musique au service d’une histoire, d’une mise en scène. En ce qui concerne la mise en scène, j’aime le contact avec les comédiens, l’acte de création et de recherche tout en servant un auteur et son œuvre. Ce que je préfère, c’est raconter une histoire sur une scène, quel que soit le moyen utilisé.
Également compositeur, vous possédez une solide formation de pianiste classique. Pourquoi ne pas avoir choisi une carrière de concertiste ?
Ma formation artistique a commencé par le piano, dès l’âge de quatre ans. Jusqu’à mon Premier Prix de Conservatoire à 16 ans, mon seul univers était la musique classique — mais aussi le théâtre que l’on pratiquait au conservatoire d’Orléans. J’avais la chance d’avoir des professeurs de piano et de théâtre qui travaillaient ensemble, et nous exhortaient à toujours mélanger les genres. Pour mon concert de prix, j’ai donc naturellement dit des textes entre les morceaux, invité des amis pour de la musique de chambre, mis en scène la soirée… Je n’ai jamais voulu travailler mon piano dix heures par jour, atteindre la perfection technique qui me permettrait d’être soliste, car je souhaitais faire du spectacle, pas du concert, et ne surtout pas être seul sur scène.
En arrivant à Paris pour mes études de mathématiques, j’ai créé l’orchestre de l’École Normale Supérieure de Cachan, et ensuite tout s’est enchaîné : ma formation de chef d’orchestre, puis mes mises en scène lyriques, d’abord dans des structures étudiantes, puis professionnelles, assistanats, etc. jusqu’à la découverte du musical anglo-saxon. Comme si tout mon parcours m’amenait là.
Diriger un orchestre, en quoi est-ce différent de la direction d’acteur ou de l’enseignement ?
Enseigner est une vocation à part qui dépend infiniment de la matière enseignée (chant, théâtre, polyphonie, interprétation, coaching…), du niveau de l’élève ou du groupe d’élèves. Il n’y a pas de recette. Chaque aventure est différente, comme celle que je vis au Studio International des Arts où j’enseigne actuellement.
Le point commun entre ces trois métiers est la notion de décision, de « chef », avec toute l’organisation que cela suppose, mais aussi l’autorité, l’écoute, la rigueur. Il faut prendre des décisions, les expliquer et enfin les faire appliquer, tout en restant souple. On fait de l’art, pas du travail en entreprise !
Que je sois chef d’orchestre ou metteur en scène, j’aborde toujours une œuvre de la même manière : qu’a voulu dire l’auteur/le compositeur ? Comment a‑t-il voulu le dire ? Comment vais-je interpréter l’œuvre ? Comment vais-je la raconter ?
Après, il y a le travail avec la production : des plannings, des budgets, de la technique, etc. Puis, en répétition, les métiers sont différents. Un musicien n’a pas du tout le même rapport à une partition qu’un comédien à son texte ou un chanteur à son solo. Il faut néanmoins accompagner l’artiste interprète, le faire travailler, le conseiller, lui montrer la direction, le cadrer, pour que le résultat soit au plus proche de ma vision. Un savant mélange de technique, de savoir-faire, mais aussi de psychologie et de bon goût.
Quels sont vos projets à venir ?
Cet automne, je remplacerai Thierry Boulanger pour plusieurs dates à la direction musicale de Rendez-Vous au Théâtre de Paris. Et cet hiver, je signe les arrangements et compositions originales pour Le Noël Magique, comédie musicale pour petits et grands à l’Alhambra. On m’a proposé un projet de mise en scène autour de la percussion et de la danse, La Cuve, en cours de réalisation.
J’ai plusieurs projets de pièces, musicales ou non, mais tant que ce n’est pas signé et affiché partout…
Compositeur, pianiste, directeur musical, metteur en scène, professeur… Y a‑t-il un autre métier que vous souhaitez découvrir un jour ?
J’ai beaucoup à vivre avec mes activités présentes. Mon emploi du temps est d’ailleurs particulièrement compliqué, mais je l’ai choisi, et je reste toujours à l’écoute des projets que l’on me propose !
Je suis un fervent défenseur de la polyvalence.
Faire plusieurs choses ne veut pas dire qu’on les fait forcément mal. C’est pour cela que je m’estime chanceux de travailler sur des comédies musicales, univers qui est, par définition, rempli de gens polyvalents. Je n’ai pas d’envie farouche d’aller voir ailleurs. Et je sais que la vie m’amènera à découvrir encore de nouvelles choses. A dix ans, je croyais que batterie signifiait musique de sauvages. Il y a encore quelques années, je ne jurais que par le live acoustique en reniant le sample et le synthé. Et aujourd’hui, j’ai découvert de nouveaux styles, de nouvelles méthodes de travail, sans renier ma formation originale.
Alors je suis bien où je suis, et j’ai encore plein de choses à apprendre, à vivre, à donner, tant qu’il y a un rideau qui s’ouvre et un spectateur qui applaudit.
Découvrez le parcours de Samuel Sené sur son site Internet.