Difficile challenge pourtant que de reprendre un rôle qui a été créé avec brio par des acteurs tels que James Naughton (Broadway) ou Henry Goodman (Londres) mais Distel s’en sort avec les honneurs, bénéficiant en plus d’une cote de popularité certaine auprès du public. Moins agressif que Naughton et plus classe que Goodman, Sacha Distel campe un Billy charmeur et élégant. Il ajoute discrètement sa french touch et le rôle s’en accommode finalement fort bien. Nous l’avons rencontré dans sa loge, peu de temps avant le spectacle. Sur le mur, une grande affiche de Sacha entouré des Chicago Girls. Après «La belle vie», « All I Care About Is Love » pourrait bien être le nouvel hymne de Sacha…
Comment a commencé l’aventure de Chicago ?
Au mois de mai dernier, mon agent anglais m’a appelé pour me demander si j’étais intéressé pour jouer dans la comédie musicale Chicago pendant six mois.
J’ai dit «Chicago, kézaco ?». Je connaissais l’existence du musical mais je ne l’avais pas vu. Je suis venu à Londres pour voir le spectacle et j’ai dit à la production «Comment allez-vous expliquer qu’un avocat américain à Chicago, dans les années 20, ait un accent français, aussi léger soit-il ?». Ils m’ont répondu que c’était Sacha Distel et que les gens savaient à quoi s’attendre. Deuxième chose : musicalement, il y a des tonalités qui ne sont pas pour moi mais apparemment, ça ne leur posait pas de problème. J’ai donc commencé à jouer le 18 septembre, complètement à côté de mes pompes ! Intégrer un tel spectacle, c’est très difficile, c’est un métronome, c’est un exercice particulier d’autant plus que tous les autres étaient déjà là depuis plusieurs mois, j’étais le seul nouveau. Je me suis senti bien dans le rôle qu’une quinzaine de jours après… Et maintenant, je le connais à l’envers, à l’endroit… Et ça marche très bien.
Qu’est-ce qui a été le plus dur dans tout ça ?
Le plus dur au départ, c’était le peu de temps que j’avais pour m’adapter à un truc que tout le monde connaissait, dans une langue qui n’est pas ma langue natale. Et puis, je n’avais jamais joué dans une comédie musicale. Mais les gens m’ont mis à l’aise tout de suite. Vous savez avec les Américains — car Chicago est une production américaine — si vous faites l’affaire, vous êtes le meilleur, mais si ça ne va pas, vous êtes virés le lendemain. Et je suis là depuis trois mois, alors, ça doit aller !
Avez-vous une marge de liberté dans une production qui est quand même assez formatée ?
A la limite, moi, je suis celui qui a le plus de liberté mais, c’est vrai que c’est très formaté. En même temps, j’ai une éducation personnelle qui va dans ce sens là. Avec mes Collégiens [l’orchestre de Sacha Distel] , tout est très précis : le moment où tel musicien prend son solo, etc. Donc, je suis éduqué comme ça. Il y a effectivement des phrases qu’il faut dire de telle façon pour qu’elles arrivent sur un accord, et pas deux temps plus tôt ou plus tard. On est obligé d’être rigoureux mais c’est plutôt un plus.
Vous aimiez déjà la comédie musicale avant ?
Bien sûr. J’avais vu par exemple Crazy For You que j’avais adoré. J’aime tous les classiques comme Singin’ In The Rain. Curieusement, dans tous ces classiques, le seule que je n’aie pas aimé, c’est South Pacific, alors qu’il y a un rôle dedans qui serait totalement pour moi ! Mais dans mon tour de chant anglais, j’interprète des extraits de ce spectacle. Jouer dans une comédie musicale, c’est le rêve d’une carrière, j’en ai vu en Amérique, j’en ai vu à Londres. Je trouve ça génial et je regrettais de n’en avoir jamais fait… Et puis, c’est tombé de nulle part, ce rôle sur mesure, ce type qui charme tout le monde avec son sourire… Et le fait de jouer dans Chicago, qui est la comédie musicale qui marche le mieux, c’est une carte de visite fabuleuse.
Ca ne vous donne pas envie de faire une comédie musicale en France ?
J’ai eu un projet pendant longtemps, qui était basé sur la vie de Maurice Chevalier. Pendant presque dix ans, j’ai essayé de le monter : un jour, j’avais le théâtre et pas l’argent et vice-versa. Et puis là, les producteurs de Chicago m’ont dit «Vous n’aviez pas un projet ? Ca nous intéresserait de le voir ». Alors, je croise les doigts ! Parce qu’en plus, là, j’ai écrit la musique.
Vous le monteriez à Londres ?
Je ne suis mieux nulle part que chez moi, en France. Mais je pense qu’au début, un projet comme ça serait plus une aventure étrangère. Malheureusement, en France, tout passe tellement vite que peu de gens savent encore qui est Maurice Chevalier.
D’autres rôles que vous aimeriez jouer ?
J’aurais adoré jouer le rôle de Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud. Vous me direz que La cage aux folles s’est beaucoup approché de ça ! En tout cas, c’est un rôle que j’aurais adoré jouer ! Sait-on jamais… Il y a quelques années, qui aurait imaginé que Jerry Hall jouerait dans une adaptation scénique du Lauréat !