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Ryan Silverman, un Américain au Châtelet

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Ryan Silverman (c) DR
Ryan Sil­ver­man © DR

Ryan Sil­ver­man, quand et com­ment vous êtes vous for­mé au théâtre musical ?
J’ai com­mencé assez tard com­paré à d’autres comé­di­ens. J’ai gran­di au Cana­da, dans une petite ville près d’Al­ber­ta, con­nue pour le hock­ey : à par­tir du moment où tu sais marcher, on te met des patins aux pieds. J’ai donc joué au hock­ey jusqu’en ter­mi­nale. C’est après ça que j’ai com­mencé à chanter dans un groupe a cap­pel­la avec des amis, puis j’ai pris des cours de théâtre à 19 ou 20 ans. C’est là que j’ai décou­vert à quel point j’aimais ça.

Vous avez ensuite décidé d’aller à New York pour faire carrière ?
Quand on vit au Cana­da, il y a deux villes où on peut faire du théâtre musi­cal : Toron­to et Van­cou­ver. J’ai été engagé à Van­cou­ver sur le musi­cal Blood Broth­ers. J’ai décidé d’y rester pen­dant deux ans où j’ai fait du théâtre, de la télévi­sion avant d’être pris sur la tournée nord-améri­caine de Mam­ma Mia ! que j’ai faite pen­dant un an et demi. C’est après que j’ai décidé d’es­say­er New York. A l’époque, je fréquen­tais une Améri­caine — qui est désor­mais ma femme — et elle m’a sug­géré de ten­ter le coup. Tout acteur doit essay­er New York au moins une fois dans sa vie. J’ai com­mencé à tra­vailler très rapi­de­ment. Mais ce n’é­tait pas un chemin tout tracé, je n’avais pas décidé d’aller à New York dès le début. Quand on est Cana­di­en, on ne va pas à New York comme ça, il faut des papiers.

Par­lez-nous de vos débuts à Broadway.
C’é­tait dans un musi­cal qui a joué très peu de temps, Cry Baby. J’é­tais dou­blure du rôle-titre et j’avais un rôle dans l’ensem­ble. Le numéro d’ou­ver­ture se déroulait durant une cam­pagne de sen­si­bil­i­sa­tion pour le vac­cin con­tre la polio ! Et je jouais un mec qui était dans un poumon d’aci­er [NDLR : grand appareil cylin­drique per­me­t­tant à une per­son­ne de respir­er en cas d’in­suff­i­sance]. Ca ressem­blait à un cer­cueil, j’é­tais trop grand donc ils ont dû en con­stru­ire un pour moi, et en plus, j’é­tais sup­posé jouer un gamin de douze ans. Donc ce n’é­taient pas for­cé­ment les débuts que j’avais imag­inés ! (rires) Mais ensuite, j’ai été pris pour jouer Raoul dans Le Fan­tôme de l’Opéra et je con­sid­ère que ce sont là mes vrais débuts à Broadway.

A Broad­way, vous avez joué dans le revival récent de Side Show qui a eu des bonnes cri­tiques mais n’a pas marché.
Side Show par­le d’un freak show, un cirque de mon­stres, même si dans le fond, ça ne par­le pas que de ça. Ca peut repouss­er le pub­lic, et pour­tant, c’est une très belle his­toire, celle de ces soeurs siamoi­ses qui devi­en­nent stars du music-hall. Le pub­lic qui venait était très ent­hou­si­aste mais c’est un sujet dif­fi­cile à ven­dre. De nos jours, à Broad­way, les bonnes cri­tiques ne font plus le suc­cès d’un spec­ta­cle même si une mau­vaise cri­tique, en revanche, peut faire fer­mer un show.

Vous avez ensuite joué le rôle de Gior­gio dans Pas­sion, off-Broad­way, face à Judy Kuhn. Quel sou­venir gardez-vous de cette expéri­ence et quelles sont les dif­férences avec cette nou­velel pro­duc­tion au Châtelet ?
Ce fut une de mes expéri­ences préférées. Tra­vailler avec John Doyle, le met­teur en scène, c’est comme pren­dre des cours de théâtre à chaque répéti­tion. On fait des exer­ci­ces pour entr­er dans l’e­sprit du per­son­nage, on s’im­merge dans ce monde mil­i­taire, fait de soli­tude, d’en­nui. Et toutes ces dimen­sions appa­rais­saient dans le spec­ta­cle. Nous étions dans un petit théâtre avec très peu de décors, ce qui fait que le pub­lic devait s’im­pli­quer pour com­pren­dre dans quel lieu nous étions : la gare, la cham­bre, etc.
Le dan­ger avec ce spec­ta­cle, c’est quand il y a trop d’élé­ments de décor. Par exem­ple, si on est dans la cham­bre et qu’on voit le lit, la lampe, etc. Ca peut devenir ennuyeux. Ce que j’aime dans cette pro­duc­tion parisi­enne, c’est qu’on utilise tou­jours son imag­i­na­tion. Les décors sont des élé­ments noirs et blancs. On peut avoir sa pro­pre inter­pré­ta­tion du lieu. C’est comme un tableau noir. Ca per­met au pub­lic d’être envelop­pé dans cet univers, d’en­tr­er dans la peau des per­son­nages plutôt que d’être dis­trait par trop d’élé­ments de décor.
Dans Pas­sion, les paroles sont extrême­ment impor­tantes et il y en a beau­coup. Le pub­lic doit au moins com­pren­dre le sens général. C’est ce à quoi nous nous atta­chons sur cette nou­velle pro­duc­tion au Châtelet. Et la grande dif­férence, c’est que la scène est au moins huit fois plus grande que celle de New York. Il faut pro­jeter encore plus dans un tel espace. Or, beau­coup de moments sont très intimes, avec Fos­ca qui chu­chote. Il faut trou­ver un juste équili­bre entre l’in­tim­ité sans être pour autant per­du dans ce grand espace, c’est notre défi.

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Ici, vous êtes accom­pa­g­né par un grand orchestre…
Et c’est génial ! De nos jours à Broad­way, on peut avoir une douzaine de musi­ciens sur un spec­ta­cle. Nous, on en avait neuf et ça mar­chait pour l’e­space. Au Châtelet, on en a quar­ante. C’est incroy­able et très rare. C’est génial de pou­voir enten­dre ce son. Et les orches­tra­tions sont somptueuses.

Par­lez-nous de votre tra­vail avec Fan­ny Ardant, met­teuse en scène.
Par­fois, c’est un chal­lenge car il y a la bar­rière de la langue. Fan­ny Ardant a une vison très dif­férente du spec­ta­cle. J’es­saie de ne pas arriv­er avec une idée pré­conçue du per­son­nage tel que je l’ai joué aupar­a­vant, et de dire : voilà, c’est comme ça que ça doit être ; vierge pour tra­vailler avec sa vision. C’est exci­tant de faire quelque chose pour la deux­ième fois… comme si c’é­tait la pre­mière fois.

En quoi votre Gior­gio de Paris est dif­férent de votre Gior­gio de New York ?
La plus grande dif­férence est que Fan­ny ne rend pas Fos­ca laide. A New York, Fos­ca était malade et ma réac­tion était de l’or­dre du dégoût, tan­dis que Gior­gio représente la san­té, la beauté, la force. Fan­ny veut que je joue quelqu’un qui est intrigué par Fos­ca parce qu’elle est intéres­sante, elle dit des choses intel­li­gentes. Et moi, qui m’en­nuie au milieu de cette vie mil­i­taire, quelque part, je me sens plus proche d’elle. Donc, c’est intéres­sant de com­mencer par de la curiosité qui se trans­forme en malaise. Cela per­met de croire qu’il peut tomber amoureux d’elle à la fin, parce qu’ils ont des points com­muns. C’est un par­cours différent.

Quels sont vos pro­jets après Paris ?
Je chante en con­cert avec des orchestres sym­phoniques en Amérique du Nord. Cet été, je vais chanter au Roy­al Albert Hall pour le 90e anniver­saire de la Reine. Je n’ai pas encore de spec­ta­cles prévus à New York, mais on sait que ces choses peu­vent sur­venir de façon inopinée !

Pas­sion au Théâtre du Châtelet, du 16 au 24 mars 2016.

Erica Spyres et Ryan Silverman dans Passion (c) Marie-Noëlle Robert
Eri­ca Spyres et Ryan Sil­ver­man dans Pas­sion © Marie-Noëlle Robert