
Il y a donc belle lurette que personne ne s’étonne plus de voir passer ses « Baladins », sa famille de coeur, dans les rues étroites et aux murs percés de Monclar. Après tout, c’est là qu’ont débuté Christophe Malavoy (« c’était au début, il lui est arrivé de jouer devant trois spectateurs ! ») ou Muriel Robin (« quand elle vient, les gens lui disent : ‘bonjour Mumu‘ »). « Ici, il se passe toujours quelque chose et les acteurs vont là où il se passe quelque chose. Mais les habitants, eux, y sont habitués, ils ne s’en émeuvent plus. Au village d’à côté, ce serait l’émeute ! ».
Face aux critiques
Avec largement plus de 200 mises en scène à son actif, Roger Louret est passé tout au long de sa carrière d’Arthur Schnitzler à Pierre Palmade, de Michima aux Années twist avec une facilité déconcertante. « Toute ma vie, j’ai écouté indifféremment Halliday et Beethoven, Vartan et Tchaïkovski. Ce que mes spectacles ont en commun, finalement, c’est qu’ils parlent des mouvement sociaux ».
Un tel éclectisme l’a peu à peu éloigné du cénacle critique. Le divorce a été consommé quand sa troupe est devenue aussi familière des plateaux télé (Les années tubes sur TF1 présentées par Jean-Pierre Foucault) que des scènes de théâtre. Il écarte la question d’un revers de la main. « Ce qui est important, c’est de faire des choses et que les gens en parlent ». Mais il ajoute, soudain plus vulnérable : « Je suis quelqu’un qui se bat depuis toujours contre le doute. Mais quand je (monte un spectacle), c’est le seul moment où je ne doute plus et là, rien ne peut me déstabiliser. Je ne mets pas la déontologie des critiques en doute mais qu’ils ne doutent pas non plus de la mienne. Parce que quand je fais un bide, je ne le fais pas exprès ! ». Avant de conclure, à nouveau souriant : « C’est vrai, on n’a pas tous les jours l’inspiration ! ».
Sa vie est son oeuvre
L’inspiration, Roger Louret ne va pas toujours la chercher très loin. Le mois dernier, il présentait en effet au Théâtre de Poche, Les amants de Monsieur, la dernière partie d’une trilogie (plus ou moins) autobiographique commencée il y a presque 20 ans. « Dans J’ai 20 ans, je t’emmerde !, un groupe de jeunes se battait pour réaliser un projet commun. Dans La phobie, ils avaient réussi et répétaient une émission de télé en s’interrogeant sur leurs idéaux passés. Y étaient-ils restés fidèles ? ». Dans Les amants de Monsieur (« une comédie tous publics » proclame l’affiche), on retrouve donc cette même petite troupe en train de monter une comédie musicale, Monclar Blues, avec toutes les interférences qu’on peut imaginer entre création artistique et vie privée. « L’auteur tient à préciser que toute ressemblance avec des personnes existantes ou faits réels n’est absolument pas une coïncidence » y est-il indiqué en exergue. « Ca m’a amusé de mettre ça mais en fait, il y a quand même beaucoup de fiction dans la pièce » précise l’auteur. Encore que…
Ce qui n’est pas de la fiction, en tout cas, c’est bien que Monsieur préfère les amants aux maîtresses ! « Si dans le Lot-et-Garonne, il y a encore quelqu’un qui ignore que je suis homosexuel, il faut le canoniser ! Il doit avoir vécu sous une cloche, explique Roger Louret dans un grand éclat de rire. Ici, personne ne m’a jamais emmerdé avec ça. Je défends la liberté de vivre dans une société où il y a tout le monde ».
Mais s’il lui semble naturel, à lui, de se considérer comme son propre matériau, qu’en est-il de ses comédiens ? Apprécient-ils cette mise en abîme qui leur fait retrouver une partie de leur propre expérience sur la scène tous les soirs ? « Ca les amuse et leur donne la pêche, affirme-t-il. Mais celui qui en prend le plus, c’est encore moi : je n’ai aucune hésitation à me cramer moi-même ! ».
Le Louret de l’an 2000
Ce que deviendra le spectacle après le 26 août, date de la dernière, il n’en a pas la moindre idée. « Une fois qu’une chose est faite, elle est faite, je peux passer à la suivante ». En attendant de monter peut-être un jour sa trilogie à Paris, il a de nombreux autres projets : de nouvelles Années tubes sont en préparation sur TF1 tandis qu’il s’apprête à mettre en scène Catherine Delourtet au Studio des Champs-Elysées.
A ses fans qui attendent un nouveau spectacle musical dans la veine de La java des mémoires, Les années twist, Les z’années zazou et La fièvre des années 80, il répond qu’il a effectivement dans ses tiroirs la revue du siècle entier en chansons. « Mais, bon, ça se fera, ça ne se fera pas, on verra… D’ici là, il va bien me tomber quelques autres propositions sur le museau ! Et c’est très bien comme ça ».
Il travaille en effet déjà à sa nouvelle production de J’ai 20 ans, je t’emmerde ! ainsi qu’à une pièce à grand spectacle sur Aliénor d’Aquitaine. Et en décembre 2000, il ramènera La vie parisienne d’Offenbach au Palais Omnisports de Bercy. Décidément, à Monclar ou ailleurs, l’arbre Louret n’a pas fini d’étendre ses racines et ses branches !