Robert Marien, on vous a découvert en Valjean dans Les Misérables. Quel souvenir gardez-vous de ce spectacle ?
Pour moi, Les Misérables reste le plus haut fait de la comédie musicale. Ca a fait école. Vous-mêmes, Regard en Coulisse, vous êtes les premiers à les citer en tant que référence. Il y a un étalonnage qui se fait par rapport aux Misérables. Quand on entendait parler du spectacle à Montréal, jamais on aurait imaginé faire partie de ces grandes ligues un jour ! Quand Les Misérables sont arrivés, ils ont amené une façon de travailler venant de la Royal Shakespeare Company [NDLR : le spectacle a été créé en association avec la prestigieuse Royal Shakespeare Company]. Aujourd’hui, quand je travaille ou quand j’enseigne, mon expérience est influencée par ce travail.
Après Montréal, vous avez joué Les Misérables à Paris, Londres et New York. Quelles impressions gardez-vous sur ces villes ?
Londres, ça a été un choc culturel. J’ai été étonné de voir à quel point notre culture québécoise est proche de celle des Britanniques. Là-bas, la musique et le théâtre fusionnent, il n’y a pas de clivages. Dans la rue, le col blanc côtoie le punk ; cela se retrouve aussi dans la culture. L’ancien et le nouveau se côtoient et font bon ménage !
New York, c’est électrique, clinquant… Il y a ce sentiment d’urgence, ce désir de réussir, cette énergie contagieuse.
Quant à Paris, on sentait que c’était le balbutiement du théâtre musical, que la méthode de travail commençait à naître mais qu’elle n’était pas encore là. Sur huit mois, il n’y a eu qu’une trentaine de représentations avec l’intégralité du cast original. Il faut avoir cette habitude de jouer huit fois par semaine. Mais aujourd’hui, je sens le changement par rapport à 1991. C’est drôle parce qu’en France, le théâtre musical fait plus partie de la variété. On utilise le terme « spectacle musical » comme si on voulait se mettre à l’abri d’une critique plus serrée ou plus pointue. Mais pour moi, c’est la même chose : on raconte une histoire et on interprète des personnages.
Vous n’avez pas eu envie de continuer à travailler à Broadway ?
J’y ai joué Les Misérables pendant un an et j’aurais pu y rester, mais il me semblait important que j’apporte au Québec cette expertise que j’avais acquise. J’ai initié deux écoles, une privée et une publique. Dans le public, il fallait constamment se justifier. Pour eux, j’étais celui qui fait du théâtre à l’américaine. On me tenait des discours tels que « à Broadway, ils chantent tous pareil ! ». Or il faut savoir écouter, développer notre connaissance de ce vocabulaire très particulier du théâtre musical. Quand on me dit qu’il existe des écoles de théâtre, des écoles de danse, des écoles de musique et que par conséquent, on n’a pas besoin d’école de théâtre musical, je ne suis pas d’accord ! Le théâtre musical est un trait d’union entre toutes ces disciplines, c’est un langage en soi, c’est un métier.
Comment êtes-vous arrivé sur Notre Dame de Paris ?
C’est très simple. Lorsque Notre Dame a été créé, Luc Plamondon voulait m’entendre mais j’étais à Londres pour Les Misérables. Quand la deuxième compagnie s’est montée à Montréal, j’y ai créé le rôle de Frollo. Venant des Misérables, je n’y ai pas autant pris mon pied, mais avec le recul, avec les nouvelles intentions qu’ils y ont mises — notamment depuis qu’ils ont monté le spectacle à Londres — je trouve enfin que le spectacle a dépassé le CD. Et puis avec le metteur en scène Wayne Fowkes, on parle le même langage !
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce spectacle ?
Le personnage… et Victor Hugo ! Frollo, c’est l’équivalent de Javert dans Les Misérables. Du coup, je peux dire que j’ai connu les deux facettes de Victor Hugo. Avec Frollo, j’incarne la culpabilité d’Hugo. C’est très intéressant de jouer un personnage qui ne connaît pas de rédemption, qui plonge dans l’abyme et va toucher l’enfer. Et pour ce qui est du texte dramatique, je trouve que Luc Plamondon a particulièrement réussi ce personnage.
Quels sont vos projets après Notre Dame ?
Je joue toujours dans une série télévisée canadienne qui s’appelle Cogne et gagne. Je vais aussi faire partie de la reprise de Don Juan à Montréal où je vais remplacer Don Carlos. Et puis, je vais jouer dans une nouvelle comédie musicale, une création totale puisque l’histoire ne sera basée sur aucun matériel préexistant.