Robert Marien — Les deux faces de Victor Hugo

0
326
Robert Marien ©DR
Robert Marien ©DR

Robert Marien, on vous a décou­vert en Val­jean dans Les Mis­érables. Quel sou­venir gardez-vous de ce spectacle ?
Pour moi, Les Mis­érables reste le plus haut fait de la comédie musi­cale. Ca a fait école. Vous-mêmes, Regard en Coulisse, vous êtes les pre­miers à les citer en tant que référence. Il y a un étalon­nage qui se fait par rap­port aux Mis­érables. Quand on entendait par­ler du spec­ta­cle à Mon­tréal, jamais on aurait imag­iné faire par­tie de ces grandes ligues un jour ! Quand Les Mis­érables sont arrivés, ils ont amené une façon de tra­vailler venant de la Roy­al Shake­speare Com­pa­ny [NDLR : le spec­ta­cle a été créé en asso­ci­a­tion avec la pres­tigieuse Roy­al Shake­speare Com­pa­ny]. Aujour­d’hui, quand je tra­vaille ou quand j’en­seigne, mon expéri­ence est influ­encée par ce travail.

Après Mon­tréal, vous avez joué Les Mis­érables à Paris, Lon­dres et New York. Quelles impres­sions gardez-vous sur ces villes ?
Lon­dres, ça a été un choc cul­turel. J’ai été éton­né de voir à quel point notre cul­ture québé­coise est proche de celle des Bri­tan­niques. Là-bas, la musique et le théâtre fusion­nent, il n’y a pas de cli­vages. Dans la rue, le col blanc côtoie le punk ; cela se retrou­ve aus­si dans la cul­ture. L’an­cien et le nou­veau se côtoient et font bon ménage !
New York, c’est élec­trique, clin­quant… Il y a ce sen­ti­ment d’ur­gence, ce désir de réus­sir, cette énergie contagieuse.
Quant à Paris, on sen­tait que c’é­tait le bal­bu­tiement du théâtre musi­cal, que la méth­ode de tra­vail com­mençait à naître mais qu’elle n’é­tait pas encore là. Sur huit mois, il n’y a eu qu’une trentaine de représen­ta­tions avec l’in­té­gral­ité du cast orig­i­nal. Il faut avoir cette habi­tude de jouer huit fois par semaine. Mais aujour­d’hui, je sens le change­ment par rap­port à 1991. C’est drôle parce qu’en France, le théâtre musi­cal fait plus par­tie de la var­iété. On utilise le terme « spec­ta­cle musi­cal » comme si on voulait se met­tre à l’abri d’une cri­tique plus ser­rée ou plus pointue. Mais pour moi, c’est la même chose : on racon­te une his­toire et on inter­prète des personnages.

Vous n’avez pas eu envie de con­tin­uer à tra­vailler à Broadway ?
J’y ai joué Les Mis­érables pen­dant un an et j’au­rais pu y rester, mais il me sem­blait impor­tant que j’ap­porte au Québec cette exper­tise que j’avais acquise. J’ai ini­tié deux écoles, une privée et une publique. Dans le pub­lic, il fal­lait con­stam­ment se jus­ti­fi­er. Pour eux, j’é­tais celui qui fait du théâtre à l’améri­caine. On me tenait des dis­cours tels que « à Broad­way, ils chantent tous pareil ! ». Or il faut savoir écouter, dévelop­per notre con­nais­sance de ce vocab­u­laire très par­ti­c­uli­er du théâtre musi­cal. Quand on me dit qu’il existe des écoles de théâtre, des écoles de danse, des écoles de musique et que par con­séquent, on n’a pas besoin d’é­cole de théâtre musi­cal, je ne suis pas d’ac­cord ! Le théâtre musi­cal est un trait d’u­nion entre toutes ces dis­ci­plines, c’est un lan­gage en soi, c’est un métier.

Com­ment êtes-vous arrivé sur Notre Dame de Paris ?
C’est très sim­ple. Lorsque Notre Dame a été créé, Luc Pla­m­on­don voulait m’en­ten­dre mais j’é­tais à Lon­dres pour Les Mis­érables. Quand la deux­ième com­pag­nie s’est mon­tée à Mon­tréal, j’y ai créé le rôle de Frol­lo. Venant des Mis­érables, je n’y ai pas autant pris mon pied, mais avec le recul, avec les nou­velles inten­tions qu’ils y ont mis­es — notam­ment depuis qu’ils ont mon­té le spec­ta­cle à Lon­dres — je trou­ve enfin que le spec­ta­cle a dépassé le CD. Et puis avec le met­teur en scène Wayne Fowkes, on par­le le même langage !

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce spectacle ?
Le per­son­nage… et Vic­tor Hugo ! Frol­lo, c’est l’équiv­a­lent de Javert dans Les Mis­érables. Du coup, je peux dire que j’ai con­nu les deux facettes de Vic­tor Hugo. Avec Frol­lo, j’in­car­ne la cul­pa­bil­ité d’Hugo. C’est très intéres­sant de jouer un per­son­nage qui ne con­naît pas de rédemp­tion, qui plonge dans l’abyme et va touch­er l’en­fer. Et pour ce qui est du texte dra­ma­tique, je trou­ve que Luc Pla­m­on­don a par­ti­c­ulière­ment réus­si ce personnage.

Quels sont vos pro­jets après Notre Dame ?
Je joue tou­jours dans une série télévisée cana­di­enne qui s’ap­pelle Cogne et gagne. Je vais aus­si faire par­tie de la reprise de Don Juan à Mon­tréal où je vais rem­plac­er Don Car­los. Et puis, je vais jouer dans une nou­velle comédie musi­cale, une créa­tion totale puisque l’his­toire ne sera basée sur aucun matériel préexistant.