
D’où venez-vous ?
Je viens de Buffalo, dans l’état de New York, près des Chutes de Niagara, une ville ordinaire et modeste, rien de particulièrement glamour. Mais au début du siècle, Buffalo était célèbre parce que beaucoup de pièces venaient ici pour se rôder avant d’aller à Broadway. Aujourd’hui encore, Buffalo a encore la réputation de représenter l’Amérique moyenne.
C’est en voyant des spectacles à Buffalo que vous avez eu envie de jouer dans des comédies musicales ?
Non, je ne savais pas ce que je voulais faire quand j’étais tout petit. Mais quand j’y pense, je m’amusais toujours à imiter des gens. Je regardais des vieux films et je me souviens avoir imité Marilyn Monroe. Non pas que je voulais être elle, mais je l’imitais parce que je trouvais qu’il était facile de l’imiter… Plus tard, quand j’avais 16 ans, mon lycée à monté une production de My Fair Lady. Je n’ai pas auditionné, je n’étais pas intéressé mais j’ai assisté à quelques répétitions pour voir, et là, j’ai attrapé le virus. Quand ils ont vu à quel point j’aimais ça, ils m’ont demandé d’être assistant de production. C’est là que tout a commencé.
Et comment commence votre histoire avec la France ?
J’avais travaillé non-stop aux Etats-Unis pendant cinq ans, à chanter des chansons qui parlaient d’amour et de la vie mais je vivais ma vie sur scène. Je n’avais aucune autre vie. Alors, j’ai décidé de partir huit mois et je suis venu à Paris. J’ai une relation d’amour-haine avec la France. Je pense que j’ai dû être Français dans une autre vie ! C’est très profondément ancré en moi. Je n’en suis pas particulièrement fier mais c’est un sentiment que je ressens. Déjà petit, je disais à ma mère que je voulais aller en France alors que je ne connaissais rien de ce pays ! Au départ, je ne devais rester que trois mois en France puis petit à petit, mon séjour s’est prolongé jusqu’à huit mois. J’ai essayé de rester ouvert. J’ai laissé les choses se faire d’elles mêmes.
Jacob, c’est un rôle que vous avez toujours voulu jouer ?
Oui. En fait, quand ils on fait The Birdcage, la version film avec Robin Williams, j’étais en lice pour le rôle de Jacob. Mike Nichols, le réalisateur, m’adorait. J’étais dans la course pendant huit semaines et chaque semaine, mon agent appelait la production qui lui répondait « oui, oui, il est toujours en lice pour le rôle ». A la huitième semaine, on lui a dit non. En fait, quand ils ont décidé de situer l’action du film à Miami, ville où il y a une forte population latine, ils ont décidé de prendre une bonne latine. Ca n’avait rien à voir avec moi. Je ne suis pas latin, point. Depuis, j’ai toujours eu envie de jouer ce rôle. Quand j’ai entendu parler des auditions et qu’on a parlé du personnage avec Alain Marcel, il m’a dit qu’il désirait au départ un acteur créole. Je lui ai dit que c’était plus conventionnel. En revanche, un Américain musclé qui s’exprime dans un mauvais français crée une dichotomie plus drôle. En raccrochant, je savais que j’aurais le rôle. C’était le destin. Ce n’est pas de l’arrogance mais je savais. A l’audition, j’ai chanté « Je ne regrette rien » avec une attitude d’enfer, du style « oui, c’est ma vie, et alors ? « . Un peu comme Claudine ! Elle a cette sorte d’impertinence à propos de tout !
Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans votre travail sur La Cage ?
Le plus dur au départ, c’est la prononciation. Ca a également été difficile d’essayer d’être drôle dans une langue qui n’est pas la mienne. Le timing est différent. Aux Etats-Unis, j’avais entendu dire que les Français aimaient toujours Jerry Lewis ! Bon, c’est un cliché mais ça m’a donné une autre perspective. Le jeu comique doit peut-être être plus évident. Alors, je m’entraînais dans la rue. Je disais des choses comme « Je suis fin prête », « Mon père, vous avez vu sa mère ? » à des gens dans la rue, juste pour voir les réactions des gens ! Mes amis m’ont aussi aidé sur l’accentuation des phrases.
Vous aimeriez continuer à travailler en France ?
J’aimerais travailler n’importe où. J’aimerais bien faire mon propre show. Ici, les gens ne savent pas que je chante. J’adore chanter des vieux classiques du jazz mais j’adore aussi le blues bien rauque. Les gens sont surpris quand je chante ça, parce que ça contraste avec l’univers sophistiqué du jazz.
Quel est votre souhait pour le prochain millénaire ?
Ne pas avoir de résolutions, rester ouvert. On a tellement à apprendre. Continuer à avancer. Laisser les gens entrer dans ma vie, aller dans la leur. Continuer dans cette direction…