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René l’énervé (Critique)

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Texte & mise en scène : Jean-Michel Ribes.
Avec : Sophie Ange­bault, Car­o­line Arrouas, Camille Blou­et, Sinan Bertrand, Gilles Bugeaud, Clau­dine Char­reyre, Till Fech­n­er, Emmanuelle Goizé, Sophie Haude­bourg, Sébastien Lemoine, Jeanne-Marie Lévy, Thomas Mor­ris, Antoine Philip­pot, Rachel Pig­not, Ale­jan­dra Radano, Guil­laume Sev­er­ac-Schmitz, Fab­rice Schillaci, Gilles Vajou, Jacques Verzi­er & Ben­jamin Wangermée.

Les citoyens d’un pays imag­i­naire cherchent un nou­veau leader, leur vieux prési­dent malade s’en allant. Soudain, ils aperçoivent un petit homme agité courant matin et soir. Il se nomme René. Énergique et courant droit, n’appréciant que le bon sens. René est repéré par le par­ti majori­taire. L’heure est élec­torale et René est mati­nal. Soutenu par sa mère, René devient l’homme prov­i­den­tiel d’un pays en mal d’autorité à poigne et de con­fort sécuritaire.

Notre avis : Nico­las Sarkozy aura inspiré, du temps de son man­dat, plusieurs dis­ci­plines artis­tiques… Le ciné­ma avec La con­quête et aujour­d’hui ce René. Car même s’il n’est jamais nom­mé, c’est bien le chef de l’é­tat qui est bro­cardé dans cette pochade sautil­lante. Jean-Michel Ribes s’est vis­i­ble­ment nour­ri de son pro­pre énerve­ment face aux divers­es dérives du pou­voir pour écrire cette his­toire far­felue, haute en couleur, d’un épici­er qui, sur l’im­pul­sion d’un pub­lic­i­taire qui sait met­tre en avant ses instincts les plus dém­a­gogiques, se retrou­ve propul­sé sur la plus haute marche. Tel Janus, ce René a deux faces… Celle du prési­dent un rien dépassé par les événe­ments, mais qui se com­plait dans cette sit­u­a­tion (impec­ca­ble Thomas Mor­ris), adulé par sa maman et l’autre, intro­spec­tive, d’un sim­ple épici­er qui renie son dou­ble (non moins impec­ca­ble Jacques Verzi­er), rejeté par sa maman. La manière de bro­carder les autres forces poli­tiques en puis­sance donne lieu à des tableaux assez jubi­la­toires, comme ce réveil pénible de l’op­po­si­tion toute en rose, mené par deux fron­deuses dont l’im­marcesci­ble Ginette (explo­sive Emmanuelle Goizé). Le spec­ta­cle se scinde en deux par­ties : la pre­mière, très ryth­mée et rigo­larde, se con­cen­tre sur l’as­cen­sion de René. La sec­onde, qui traine un peu plus en longueur, décrit la manière dont le pou­voir est exer­cé, entre min­istres qui ne man­quent pas de zèle, traître du par­ti d’en face, fréquen­ta­tion peu recom­mand­able des « Cons de la nation » (un autre par­ti, plus extrémiste). Le tout avec un choeur antique très européen (Monique, qui en fait par­tie, n’est-elle pas orig­i­naire de Bel­gique ?) un rien chahuté dans le dernier tiers du spec­ta­cle. Des voix venants d’hori­zon très divers se mêlent avec bon­heur, c’est la bonne sur­prise du spec­ta­cle. Les cos­tumes sont épatants, la scéno­gra­phie remuante itou. Rein­hardt Wag­n­er a com­posé une musique habile, joli­ment servie par six musi­ciens. Par ailleurs force est de recon­naître dans ce spec­ta­cle, plus qu’un hom­mage, les retrou­vailles avec une tra­di­tion très française de théâtre musi­cal qui dénonce, se moque des puis­sants pour mieux faire réfléchir et per­met au pub­lic de s’a­muser à recon­naître telle ou telle sit­u­a­tion, revue et cor­rigée. Certes, notre actuel prési­dent aime telle­ment la représen­ta­tion et le « bling bling » qu’il est un mod­èle par­fait pour ce type de pro­duc­tion. Certes la satire, pour amu­sante qu’elle soit, n’est pas aus­si acide qu’elle aurait pu, même si elle dis­tille un dis­cret malaise (au final, le spec­ta­cle est glaçant puisque même le « gen­til » René devient fou dès qu’il a tué son dou­ble… lais­sant le champ libre à tous les extrémismes). En tout cas cette pro­duc­tion orig­i­nale qui sait se don­ner les moyens de ses ambi­tions, et menée tam­bour bat­tant qui plus est, se laisse décou­vrir avec un plaisir non dissimulé.