Elaine Pechacek, comment est née votre envie de faire du théâtre musical ?
Mon père était chanteur et chantait en permanence à la maison. Je me souviens de lui chantant « Some Enchanted Evening » de South Pacific ou « Stranger In Paradise » de Kismet. On louait des VHS de comédies musicales et on les regardait en boucle. Mon père est mort d’un cancer il y a quelques années. Je le sens à mes côtés chaque fois que je suis au piano, ou quand je chante, ou quand j’écris une chanson. Écrire est ma façon de garder mes souvenirs et ce qui m’a été transmis de mon vivant. J’écris parce que ça me comble de joie. Cela me permet d’exprimer des choses que je ne peux pas dire avec des mots. Cela me donne un espace pour que les gens s’arrêtent un peu et pensent à la vie, et je trouve ça très précieux, et ça me rend humble. La richesse, la célébrité ou le prestige m’importent peu. Je veux juste que les gens, quand ils vont voir un de mes spectacles, ressortent différents. Je veux qu’ils enlacent leur famille encore plus tendrement, ou qu’ils réfléchissent à des aspects de la condition humains auxquels ils n’avaient jamais pensé auparavant.
Quels sont vos modèles dans le théâtre musical ?
Je ne sais pas… Mes modèles ne sont pas des gens connus. Ce sont mes profs de musique, mon prof de chant… Ce sont les centaines d’étudiants qui sont venus dans mon studio depuis des années et qui me laissent un peu d’eux. Quant aux influences d’écriture, je dirais Sondheim et Jason Robert Brown. J’ai toujours été attirée par les rythmes complexes et le contrepoint. Je n’écrirai jamais comme eux mais j’aime penser que j’apporte une saveur différente au pique-nique. Oui, c’est mon expression (rires) ! Je suis également fière d’être une femme auteure dans un milieu dominé par les hommes. Il y a de femmes auteures qui ont beaucoup de succès, mais il n’y en a pas tant que ça, et je pense que les femmes apportent une perspective très différente à la forme artistique quand on leur donne l’occasion d’écrire avec une vraie perspective féminine.
Comment définissez-vous votre style ?
Comment répondre ? J’écris comme ça sort de mes doigts et de ma tête ! Je pense plus au fond et au message qu’au style. S’il faut briser des règles d’écriture pour servir mon propos, alors, je le fais. Je n’ai pas étudié la composition, ni la forme des chansons, mais j’ai toujours eu un cœur et je sens que c’est de là que vient le fond. J’ai écrit des chansons qui étaient très contemporaines pour Seasons ou très classiques pour The Lady Juliana. J’associe des idées de spectacles au style qui correspond le mieux à leurs messages et à mon état au moment où j’écris. J’ai écouté beaucoup de musique en tant que coach vocal depuis des années, et inconsciemment, j’ai trié ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas, et cela se ressent forcément dans mon style. Je suis aussi une fille qui a grandi dans les églises et j’aime un bon riff de gospel de temps à autre.
Qu’attendez-vous de votre collaboration avec des chanteurs français ?
Je crois fermement qu’il faut une famille, une « communauté » pour créer une nouvelle œuvre. Et il faut créer une communauté pour soutenir de jeunes auteurs si l’on souhaite qu’un jour le milieu cesse de juste transformer des films en comédies musicales pour les mettre à Broadway. Je ne dis pas que ce n’est pas bien mais il faut une plateforme plus grande pour des auteurs émergents et des nouvelles œuvres. Alors ce que j’attends de mon expérience française, c’est simplement d’élargir ma communauté, ce qui aidera au développement de mes musicals, mais également à celui de la carrière des chanteurs, ainsi qu’à la renommée de Broadway au Carré.
Je n’ai pas d’intérêt à écrire des musicals s’il n’y a pas des spectateurs qui ont envie de les voir. Des concerts comme Broadway au Carré créent cette clientèle qui permet à des auteurs comme moi de se sentir vivants et inspirés ! C’est une symbiose. Et au final, j’espère rire, m’amuser, apprendre et grandir de mes rencontres et mon travail avec ce cast extraordinaire. Nous avons un groupe très éclectique, ce qui veut dire que j’aurai une perspective nouvelle sur mon travail, et ça, c’est très précieux.
Écrire, c’est comme accoucher puis élever un enfant. A un moment, il faut le laisser partir et autoriser les autres à l’influencer. Faire ce concert est une opportunité pour moi de voir comment mon travail change entre les mains d’une culture complètement différente. Est-ce que ça va marcher ? Est-ce que ça aura le même impact ? Je ne sais pas, mais ce sera passionnant d’observer ce qu’il va se passer.
Just One Moment With Elaine Pechacek — avec Lily Kerhoas, Elaine Pechacek, Sarah Tullamore, Lisandro Nesis, Tiana Akers
Mise en scène de Amanda Bestor-Siegal
Broadway au Carré — Jeudi 17 mars à 19.30 — Comédie Nation, 77 rue de Montreuil, 75011 Paris
Le concert sera suivi d’un open mic