
Deborah De Ridder, vous avez commencé votre carrière dans le théâtre musical très tôt, dans Annie à l’âge de neuf ans. Comment vous est venue cette envie de faire du théâtre musical ?
Avec ma famille, nous allions régulièrement voir du théâtre jeune public. Mes parents ont certainement encouragé ma fibre artistique. Un jour, par hasard, mon grand-père a lu une annonce dans un journal pour des auditions pour le musical Annie. J’ai trois frères aînés et je n’étais donc pas une fille qui avait sa langue dans sa poche (tout comme Annie). Je m’amusais déjà à danser et chanter mais le fait d’aller passer cette audition a sans doute tout déclenché. Par la suite, j’ai participé au chœur des enfants de l’Opéra Flamand et mon amour pour le chant, le théâtre et la danse n’ont cessé de grandir.
Vous avez déjà interprété une autre héroïne d’Andrew Lloyd Webber dans Tell Me On A Sunday. Qu’appréciez-vous dans le travail de ce compositeur ?
Andrew Lloyd Webber est un génie dans la création de la musique idéale pour les acteurs : les bonnes ambiances, parfaites pour le jeu. Mais j’insiste, il n’a absolument aucune pitié pour nos cordes vocales ! En tant qu’actrice et chanteuse, on est bousculée dans tous les sens avec des sauts difficiles et des changements de rythmes incessants. Ces sauts collent à 100% avec le jeu théâtral mais Evita doit avoir de bonnes basses comme des aigus classiques et elle doit avoir un ‘belting’ d’enfer. Au niveau technique, on pourrait dire qu’Andrew Lloyd Webber ne se soucie pas des possibilités et des limites d’une chanteuse.
Vous avez également interprété des rôles mythiques du théâtre musical (Maria dans The Sound of Music, Eliza Doolittle dans My Fair Lady, …). En avez-vous un que vous préférez particulièrement ?
Enfant, j’ai bien sûr vu des dizaines de fois les films The Sound of Music et My Fair Lady. Ces rôles sont donc naturellement des rêves de jeunesse. Mais Evita a croisé mon chemin plus tard. Il y a une vingtaine d’années, j’ai vu une version d’Evita en Flandres (une version de l’ancien Ballet Royal des Flandres) et j’ai alors pensé que je jouerais bien ce rôle-là aussi, un jour. Mais au niveau de la difficulté vocale et du jeu théâtral, Evita, c’est le top. Je n’aurais certainement jamais pu jouer et chanter un tel rôle au début de ma carrière. J’ai seulement eu beaucoup de chance d’avoir été au bon endroit au bon moment pour interpréter chacun de ces rôles. Evita est une véritable montagne russe au niveau des émotions théâtrales à jouer et des techniques vocales à assumer. De la première à la dernière note, je n’ai quasiment aucun moment de repos au cours de la représentation. C’est aussi le cas pour Maria et Eliza, mais au niveau du jeu théâtral, ces deux rôles sont nettement moins complexes qu’Evita. Au niveau vocal aussi, ils sont plus aisés à jouer car on peut souvent y utiliser la même technique de chant. Toutes les exigences vocales sont présentes dans Evita. Mais pour une actrice-chanteuse, les rôles où il faut creuser très profondément, sont évidemment les plus agréables à jouer. Evita ne me quitte pas quand je rentre à la maison. Je joue une jeune fille de ses seize ans jusqu’à sa mort à 33 ans, et la deuxième partie est vraiment très intense à jouer. Lors de mes journées de relâche, je dois vraiment recharger mes batteries.
Vous jouez aujourd’hui le rôle d’Eva Peron dans Evita. Quelles sont les difficultés d’incarner un tel personnage avec une telle partition ?
Evita est à la fois adorée et détestée. C’est donc un personnage auquel il est très complexe de donner corps. Elle a toujours tout calculé et savait exactement ce qu’elle voulait mais elle a aussi fait beaucoup de bonnes choses. Et elle a fait tout cela durant sa très courte vie ! Un de ses moteurs est un sentiment de vengeance. Elle croyait qu’elle faisait le bien. Je pense qu’il est important pour moi, en tant qu’actrice, que je croie vraiment que je fais le bien pour mon peuple. Mais souvent Evita est trop idéalisée. Je pense que ce musical laisse la place pour que le public se fasse sa propre opinion. Quoi qu’il en soit, c’est un personnage historique très controversé et c’est, bien sûr, un cadeau fantastique de pouvoir l’interpréter.
Y‑a-t-il une autre héroïne d’Andrew Lloyd Webber que vous auriez envie d’interpréter ?
En tant que femme, je pense que j’ai eu la chance de pouvoir jouer et chanter les deux rôles les plus exigeants de son répertoire. Tell Me On A Sunday est un seul en scène musical et à ce titre est un très grand défi. Et Evita est, comme je l’ai dit, un rôle d’une complexité rare. Je ne suis pas quelqu’un qui fait des listes de rôles rêvés parce qu’on ne sait jamais à l’avance quel spectacle va se présenter… mais Norma Desmond dans Sunset Boulevard, je pourrais bien le jouer dans une trentaine d’années !
Pouvez-vous nous parler de vos futurs projets ?
Je vais jouer en Flandres la saison prochaine Oona O’Neill Chaplin dans le musical Chaplin. Elle est la dernière femme de Chaplin. Ils ont eu huit enfants et sont restés ensemble jusqu’à la mort de Chaplin. Une très belle aventure théâtrale. Je vais aussi jouer un très beau rôle dans un magnifique musical d’une petite maison de production mais je ne peux malheureusement pas encore en parler… Dans tous les cas, ma prochaine saison se présente comme passionnante.
Evita à Bruxelles jusqu’au 6 septembre 2016.
Lire notre interview de Philippe d’Avilla qui joue le rôle de Juan Peron.