Rencontre avec Alexandre Jérôme, l’un des interprètes de La Poupée Sanglante

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Alexan­dre Jérôme © DR

Alexan­dre Jérôme, com­ment s’est faite la ren­con­tre avec Didi­er Bail­ly et Eric Chante­lauze, les créa­teurs de La Poupée Sanglante ?
Samuel Sené, avec qui j’avais déjà tra­vail­lé, a don­né mon nom à Didi­er et Eric. Je n’étais pas disponible alors car j’étais engagé sur un spec­ta­cle pour les Parcs Dis­ney­land dont les répéti­tions et les représen­ta­tions étaient sur la même péri­ode que La Poupée Sanglante, mais comme ils insis­taient, j’ai accep­té de les ren­con­tr­er. Ils me pro­posent de déchiffr­er une chan­son du spec­ta­cle et de faire un bout de texte. La chan­son était celle du mar­quis, un per­son­nage haut en couleur et la scène, celle du mar­quis et de la mar­quise où il faut jouer les deux per­son­nages en même temps, une chose que j’avais déjà faite dans Mis­sion Flo­ri­mont et qui me plaît beau­coup. Je m’amuse, on passe une demi-heure très agréable, le courant passe très très bien et à la fin de l’audition, ils me dis­ent qu’ils souhait­ent tra­vailler avec moi. Comme le pro­jet me plai­sait et que j’aimais beau­coup leur façon de tra­vailler, je me suis arrangé pour répéter les deux spec­ta­cles en même temps, ce qui m’a fait des journées très chargées pen­dant un mois et demi…

Pour la répar­ti­tion des rôles, est-ce que tout était écrit ou avez-vous choisi lors des répéti­tions qui fai­sait quoi ?
C’était déjà écrit. Je savais que j’allais faire Jacques (le fiancé de la jeune pre­mière), le mar­quis et la mar­quise. La seule chose qui a changé, ce sont les nar­ra­tions. Pour des raisons pra­tiques, de rythme dans la pièce ou de com­préhen­sion pour le spec­ta­teur, nous sommes ren­du compte que cer­tains pas­sages tels qu’ils étaient écrits étaient impos­si­bles à faire, comme par exem­ple quand je devais enchaîn­er nar­ra­teur, mar­quis, mar­quise, narrateur…

Sur les dif­férents per­son­nages, dans la mesure où il y a peu de change­ment de cos­tumes, com­ment avez-vous tra­vail­lé pour que la dis­tinc­tion se fasse de manière claire pour le spectateur ?
Je crois qu’en lisant le texte en tant que comé­di­en, on voit tout de suite qu’il y  a une énorme dif­férence entre les per­son­nages, et c’est impos­si­ble de les jouer de la même manière. En répéti­tion, pour les per­son­nages du mar­quis et de la mar­quise, j’ai pro­posé beau­coup, dans des couleurs extrême­ment dif­férentes et le met­teur en scène a gom­mé ce qui était trop, a coupé ce dont il n’avait pas besoin. En ce qui con­cerne le per­son­nage de Jacques, c’est un sci­en­tifique, Eric m’avait don­né un thème très pré­cis de quelqu’un de très droit avec un phrasé très linéaire. Et pour le nar­ra­teur, le but c’était de créer un lien direct avec le spec­ta­teur, de cass­er le qua­trième mur pour amen­er les gens dans l’histoire.

Après avoir joué au Palais des Sports, au Comé­dia ou à l’Espace Cardin, qu’est-ce que ça vous fait de revenir à une petite salle, comme celle du Théâtre de la Huchette ?
J’avais envie de revenir au théâtre depuis un moment et de revenir sur des scènes plus petites. J’ai com­mencé à la Comédie des Trois Bornes dans Les 5 Petits Blancs à jouer qua­si­ment sur les genoux des gens et en deux, trois ans, c’est mon­té très vite… J’ai fait Mis­sion Flo­ri­mont à la Comédie de Paris, puis The Full Mon­ty au Comé­dia, la tournée des Zénith et le Palais des Sports avec Dirty Danc­ing, une tournée en Ital­ie, l’Espace Cardin… Ca a été très vite… Et me retrou­ver à La Huchette a été un vrai plaisir. Il a fal­lu s’adapter à la pro­fondeur de la scène et à la faible ouver­ture, ça nous a con­traint à nous dire qu’au lieu de faire un pas, on allait rester les deux pieds plan­tés au sol, car dans cet espace, faire un pas sig­ni­fie énor­mé­ment de choses. Et puis on entend toutes les réac­tions du pub­lic, on revient à quelque chose d’extrêmement con­nec­té. La Huchette est l’écrin par­fait pour ce spectacle.

Vous avez débuté comme comé­di­en, quelle est votre formation ?
Je fai­sais un peu de théâtre dans ma ville de province, mais je ne me des­ti­nais pas du tout à ça. J’ai fait un bac sci­en­tifique et après l’avoir obtenu, j’ai dis à ma mère que je voulais être comé­di­en en m’attendant à un refus de sa part. Con­tre toute attente, elle m’a soutenu. Elle m’a avoué que tous mes profs de français depuis la six­ième lui avaient dit que je devais faire du théâtre, sans qu’elle ne me l’ait jamais dit ! Je me suis inscrit au cours Flo­rent, parce que c’est la seule chose que je con­nais­sais à Paris. J’y ai passé deux ans, j’ai eu de très bons profs, mais je n’y trou­vais pas trop ma place.

Com­ment êtes-vous venu au chant ?
C’est un ami qui m’a dit que j’avais une belle voix. Per­son­nelle­ment, je ne savais pas que je chan­tais bien. Il m’a par­lé de l’ECM (Ecole de Comédie Musi­cale de Paris) dans laque­lle il s’était inscrit et m’a vive­ment encour­agé à pass­er l’audition. J’avais un peu peur que l’école ne soit axée que sur le chant, mais je me ren­seigne et je vois que la direc­tion est assurée par un comé­di­en, Guil­laume Bouchède, ce qui me ras­sure, et que l’enseignement est axé sur le théâtre. Je passe une audi­tion, et le soir même j’apprends que je suis pris. Les trois ans que j’y ai passés ont été incroy­ables. J’ai beau­coup aimé parce que les pro­fesseurs sont de vrais acteurs du méti­er que l’on voit sur scène en dehors de leur activ­ité d’enseignants. J’avais déjà fait quelques spec­ta­cles dans des petites salles quand, à la fin de ma troisième année, mon prof, Sébastien Azzopar­di me pro­pose de repren­dre un rôle dans Mis­sion Flo­ri­mont, ce qui me met un for­mi­da­ble pied à l’étrier.

On vous voit plus sou­vent dans un reg­istre comique, est-ce un choix ou le hasard des opportunités ?
Ce n’est pas un choix, c’est ce qui vient naturelle­ment chez moi. C’est par ça que je suis venu au théâtre, tout sim­ple­ment parce que je fai­sais rire les autres, j’aime beau­coup ça. J’ai beau­coup d’affection pour un théâtre « plus sérieux », mais c’est vrai que la récom­pense immé­di­ate quand on entend les rires du pub­lic est très agréable. Et dans La Poupée Sanglante, j’aime beau­coup pass­er rapi­de­ment des moments comiques, presque clow­nesques à des moments sérieux, c’est for­mi­da­ble d’entendre les gens rire puis se taire tout de suite derrière.

La Poupée Sanglante au Théâtre de la Huchette jusqu’au 27 août 2016.