
Vous souvenez-vous de vos premiers contacts avec le théâtre musical ?
J’ai grandi à New York et dès mon plus jeune âge, ma famille m’emmenait voir des comédies musicales et je me souviens, dès la première fois, avoir été complètement happé, fasciné par cette magie. Je pense que j’ai toujours eu conscience que je ferai partie de cet univers sans forcément pouvoir dire exactement de quelle manière.
Vous avez ensuite étudié le théâtre ?
J’ai grandi à une vingtaine de kilomètres de Manhattan. Au collège, je prenais le train pour prendre des cours de théâtre à Manhattan et je suis tombé amoureux de cette ville. Je crois que le moment où je me suis dit : « je veux étudier cet art », c’était à seize ans, quand j’ai passé un été au Conservatoire Stella Adler pour y apprendre la méthode Stanislavski et les fondements de la comédie. J’étais fasciné. J’ai ensuite étudié le théâtre à l’Université de Northwestern, à Chicago. Et c’est durant ma dernière année que j’ai été pris dans Rent qui a été mon premier gros spectacle.
Quand vous avez été choisi pour jouer le rôle de Mark Cohen dans Rent, était-ce déjà un spectacle culte pour vous ?
Oui, quand j’étais au lycée, je l’ai vu quatre fois. Je me souviens d’une nuit où j’étais à l’extérieur du théâtre avec mes amis à écouter la musique, les murs étaient fins et la musique si forte. Rent a fait partie de mon apprentissage, aussi bien en tant qu’aspirant comédien, qu’en tant que comédien professionnel.
Comment était-ce de jouer la dernière du spectacle à Broadway ?
Je ne suis pas sûr d’avoir encore complètement réalisé. C’était incroyable de jouer dans ce spectacle qui a eu tant d’impact dans la vie de tant de personnes. Il y a beaucoup de choses que je n’oublierai jamais à propos de cette soirée. Michael Greif, le metteur en scène — c’est un peu mon mentor, c’est lui qui m’a choisi à Northwestern et il continue à être mon ange gardien – m’a demandé si je pouvais dire quelques mots au public avant le début de la représentation puisque c’est mon personnage qui est le narrateur et qui ouvre le spectacle. Il voulait que l’on dédie cette représentation à Jonathan Larson, l’auteur [NDLR : décédé en 1996, juste avant la première preview de Rent off-Broadway]. A peine avais-je dit ces mots que la salle s’est mise à applaudir sans discontinuer pendant une dizaine de minutes. Et nous étions là, avec la troupe, sur scène, à attendre que les applaudissements s’arrêtent pour pouvoir commencer le spectacle. Je me souviens aussi de la fin de la représentation quand la troupe originale nous a rejoints pour chanter « Seasons of Love ». Le pâté de maisons était entièrement barricadé et les rues étaient remplies de fans qui voulaient juste être là. Comme je l’ai dit, ce spectacle a touché tellement de monde, moi inclus.
Vous avez ensuite joué le rôle de Henry dans Next To Normal, parlez-nous de cette aventure.
J’avais auditionné pour Rent un vendredi, et le dimanche après-midi, je suis allé voir Next To Normal, quand ça a démarré off-Broadway. A l’entracte, Michael Greif, metteur en scène des deux spectacles, vient me voir et me demande si j’ai reçu un coup de fil. Je lui réponds que non. Il fait venir Anthony Rapp, qui était son assistant sur Next To Normal, et là, il ne peut pas se retenir et me présente en disant que j’allais être le dernier Mark Cohen à Broadway. C’était déjà un choc pour moi de rencontrer Anthony Rapp [NDLR : le Mark Cohen original] que j’avais vu plusieurs fois sur scène, et que j’ai écouté tant de fois sur l’album, mais apprendre cette nouvelle de cette manière… autant vous dire que je n’ai pas pu me concentrer beaucoup durant le deuxième acte !
Pour en revenir à Next To Normal, j’étais un fan de ce spectacle, les comédiens sont brillants, le thème extrêmement original, le spectacle d’une rare richesse émotionnelle, d’une grande profondeur psychologique. C’était une grande chance d’intégrer ce spectacle. J’ai pu observer des artistes que j’admire énormément comme Alice Ripley et Marin Mazzie [NDLR : qui ont toutes les deux joué le rôle principal], et je trouve qu’on apprend énormément en observant des acteurs qu’on aime.
Vous avez aussi joué le rôle de Princeton dans Avenue Q…
Je me considère plus que chanceux d’avoir pu jouer dans Rent, Next To Normal et Avenue Q qui sont si symboliques pour les gens de ma génération. Je me souviens avoir assisté avec des amis à une des toutes premières previews lorsque j’étais au lycée. On était pliés de rire ! Je n’imaginais pas que j’allais un jour jouer dedans, je n’avais pas de compétence particulière pour la manipulation de marionnettes, mais ça s’apprend avec énormément de pratique. Idem pour Rent, je pensais que c’était réservé à des profils un peu « rock stars ».
Cette année, vous avez joué le rôle de Jamie dans The Last Five Years, écrit, composé et mis en scène par Jason Robert Brown. C’est une oeuvre qui vous était déjà familière ?
Quand j’étais en première année d’université, j’ai auditionné pour le rôle de Jamie dans la production de l’école mais je n’ai pas été retenu. Je me souviens avoir vu et aimé le spectacle. C’est une œuvre incontournable en terme de théâtre musical moderne. Puis, plus tard, toujours à l’université, il y a eu une production de Parade de Jason Robert Brown. J’étais dans le département costumes et mon job, c’était de laver les sous-vêtements de toute la troupe après le spectacle ! Je devais donc rester après le spectacle à attendre que tout soit lavé et séché. Un jour, Jason Robert Brown est venu et je le voyais parler avec la troupe, et je me prenais à rêver qu’un jour, j’aie la chance de travailler avec lui ! J’ai donc eu la chance de réaliser ce rêve.
Quelles ont été les difficultés de ce rôle ?
Il faut arriver à garder un certain équilibre pour que les spectateurs comprennent Jamie et qu’ils ne se disent pas « quel con ! J’ai de la peine pour Kathy » [NDLR : le spectacle raconte la rencontre puis la rupture entre Jamie et Kathy]. Le spectacle est aussi un marathon, vocalement, physiquement, émotionnellement. C’est très exigeant, surtout quand on joue huit fois par semaine. J’ai eu à apprendre l’endurance. Et j’ai vu que c’était possible !
Vous avez donné des master classes à Paris avec American Musical Theater Live, quel souvenir en gardez-vous ?
C’était génial. J’ai appris tellement avec ces étudiants et j’espère qu’ils ont appris des choses avec moi. Je les ai vus évoluer, et je pense qu’ils ont senti eux-mêmes cette évolution. Leur ouverture d’esprit, leur volonté d’essayer des choses, leur attitude positive étaient très stimulantes. Et j’espère vraiment revenir à Paris !
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