
Rémi Cotta, vous avez débuté votre carrière après une série d’expériences dans d’autres domaines.
J’ai essayé plein de choses pendant ma jeunesse. J’ai fait une fac de langues, parce que je voulais être interprète puis je me suis rendu compte que je n’étais pas du tout fait pour ça. J’ai fait les Beaux-Arts, gagné ma vie comme sculpteur. Ensuite, j’ai fait de la publicité. Ca a duré six ans. J’ai travaillé dans plein d’agences, que ce soit à Lyon, à Paris, ou même à l’étranger. Et puis, je me suis rendu compte que le métier ne me plaisait plus. Il se trouve que ma mère est professeur de musique et de piano et que mon grand père était violoniste. J’ai donc toujours un peu baigné dans une atmosphère musicale. Je me suis inscrit dans un choeur amateur où on faisait du classique, ce qui m’a beaucoup plu. J’ai réussi le concours du Conservatoire à 29 ans. J’ai quitté mon travail et me suis inscrit au conservatoire en touchant le chômage. J’ai tout recommencé à zéro. Mais tout ce que j’ai fait me sert encore aujourd’hui. Par exemple, pour Au petit bonheur.…, j’ai participé à la confection des costumes avec Lydie Miller. J’ai aussi fait un spectacle qui s’appelait Le bal des animaux, que j’ai joué deux cent fois avec les jeunesses musicales de France, et pour lequel j’ai réalisé le décor et les costumes de chien, de chat, etc.…
Vous avez débuté, en tant que chanteur, à Lyon ?
Oui, j’ai commencé mon cursus au Conservatoire Supérieur de Lyon. J’étais élève en musique ancienne. Je travaillais des airs qui variaient entre le 9ème et le 18ème siècle, du chant grégorien à Bach ou Mozart. Il faut savoir que, selon les siècles, on ne chantait pas de la même façon. Du coup, j’ai pu développer la malléabilité de ma voix. C’est comme ça qu’on m’a demandé de chanter du contemporain. Après, de fil en aiguille, j’en suis arrivé au jazz. J’ai tourné avec un groupe dans toute la région Rhône-Alpes. Nous sommes ensuite montés à Paris, avons gagné un concours au Point-Virgule où l’on a joué. Après, mes partenaires sont redescendus, je suis resté à Paris.
Et votre formation d’acteur ?
Ma formation officielle de théâtre vient du Conservatoire où des cours d’art dramatique étaient dispensés. Avant ça, j’avais fait partie d’une troupe amateur. J’ai toujours été amené à jouer. Même dans l’opéra ou dans le contemporain, pour des passages parlés, il faut pouvoir jouer la comédie.
Vous avez rapidement fait votre chemin dans le lyrique. Comment débute-t-on une carrière de chanteur classique ?
Ca fonctionne un peu par audition mais surtout par relations. Quelqu’un pense à vous et vous appelle. De fil en aiguille, on se fait une famille dans le métier.
C’est à ce moment là que vous avez chanté dans West Side Story…
C’était au Palais des Congrès de Lyon. On avait un orchestre à cordes et les « Percussions de Lyon », qui avaient réalisé une version percussions-clavier du spectacle. Ils ont fait une cassette de cette version qu’ils ont envoyée à Bernstein qui a trouvé ça génial. Du coup, il a accepté de parrainer leur association. Aujourd’hui, on a le droit de faire la version opéra de West Side Story qui est une tierce plus haute que celle du film. Nous étions quatre solistes et chantions avec le film en projection derrière. J’ai chanté Tony, Riff, les Sharks.
Comment aborde-t-on une oeuvre de Bernstein ?
Bernstein, il faut l’entreprendre comme un compositeur lyrique. Cela dit, on n’est pas obligé d’être aussi « lyrique » que la version CD avec José Carreras.
Qu’aimez-vous comme comédies musicales ?
Plutôt les comédies musicales américaines. Sondheim et puis Bernstein, bien sûr. Je suis fan de West Side story. C’est en voyant ce film que j’ai eu envie de chanter et danser sur une scène. J’ai réalisé ce rêve en tournant dans le spectacle Broadway Musicals, joué 25 fois au Japon et ancré complètement dans Broadway. Neuf chanteurs-danseurs et dix-sept danseurs, nous interprétions des extraits de La Cage aux Folles, 42nd street. Je jouais Javert dans Les Misérables, Higgins dans My Fair Lady. On se promenait avec trois camions-remorques. J’étais le seul Français dans la troupe. Les autres étaient anglais, américains ou allemands. Mais l’expérience de comédie musicale que représente Au petit bonheur la chance ! est encore plus intéressante parce qu’un jeu d’acteur est nécessaire du début à la fin. Cela dit, pour moi, les différences avec un opéra de Verdi ou de Haendel où je dois également me référer à la musique et au jeu d’acteur, sont minimes. Dans le premier cas, je me réfère d’avantage au texte, dans le second, je mets la mollette lyrique et je chante un peu plus fort. Après, ce n’est qu’une question d’état d’esprit. La technique de chant est la même.
Venons-en à Anges et Démons…
Initialement, il s’agissait d’une commande de Radio France. On a d’abord fait le spectacle pour eux en 2002. La reprise a eu lieu au Théâtre de Suresnes en 2003. Je tenais, chaque fois, le rôle d’un Cupidon. Pour ce spectacle, Laurent Couson avait vraiment besoin de chanteurs à la voix large et souple.
Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était génial. Je sais qu’en ce moment, ils sont en train d’essayer de mettre en place une reprise et je rêve qu’on me dise : « C’est bon, on a les dates ». La musique est superbe, les textes de Dorine Hollier sont magnifiques et très ingénieux. Le texte parlé est très intéressant. C’était une grosse machine : plus de 35 sur scène plus une quinzaine de musiciens.
Comment situez-vous ce spectacle par rapport à la comédie musicale en général ?
Avec ce spectacle, Laurent Couson est en train de réaliser ce à quoi les grosses productions de Glem ne sont pas parvenues. C’est très nouveau, très original et en même temps très « à la française », sans tomber dans les opérettes de George Guétary. C’est de la musique actuelle, sous-entendu, ça ne peut passer à la radio mais, contrairement aux Dix Commandements ou à Roméo et Juliette, c’est une vraie et ambitieuse proposition de comédie musicale française.
Quel a été l’accueil du public ?
Indépendamment des problèmes techniques — on a eu de gros soucis de sonorisation qui n’ont jamais été réglés parce que le temps manquait — les spectateurs étaient ravis. Pour certains, c’était une véritable découverte.
Quels sont vos projets ?
Je retourne à Lyon pour une pièce de théâtre qui s’appelle Panique en coulisses (Noises Off). C’est du pur théâtre. Je ne chanterai pas du tout. J’avais rencontré Bernard Rozet, le metteur en scène, au Théâtre des Célestins où, à une époque, je faisais des décors. Il savait que je chantais et que je jouais et là, il m’a engagé comme acteur.
Ce n’est pas frustrant, pour un chanteur, de ne pas chanter ?
Au contraire, je suis très content de faire ça. J’avais envie de mettre un pied intégral dans le théâtre. Panique en coulisses me donne enfin la possibilité de faire du théâtre pur.
Pouvez-vous nous parler du livre que vous venez de publier ?
J’ai commencé à écrire Mon frigo me trompe voilà deux ans, mais ça faisait plus de dix ans qu’il était en gestation. C’est un roman sur une jeune fille de 17 ans qui est obèse, qui a des problèmes à gérer sa famille, sa vie sexuelle. J’ai voulu que ce soit drôle et un peu gothique.