Avec Wayne Marshall au piano
En marge des représentations de Porgy and Bess, l’Opéra Comique organise des événements célébrant les Gershwin et consorts. Ce vendredi 13 juin, Kim Criswell tenait un récital d’un soir consacré à Leonard Berstein, George Gershwin, Kurt Weil et son préféré, avouait-elle, Cole Porter. Elle était accompagnée au piano par Wayne Marshall, directeur artistique de Porgy and Bess et complice de scène régulier de la diva.
Kim Criswell est une artiste américaine installée à Londres cumulant près de 30 ans de carrière. Elle est une véritable star dans le milieu, statut qu’elle cultive par des enregistrements mythiques et de trop rares apparitions sur scène, le plus souvent à l’occasion de concerts dans des lieux prestigieux à travers le monde et accompagnée d’orchestres philharmoniques. Elle se spécialise dans les auteurs classiques au registre exigeant, ceux cités précédemment et Sondheim.
A l’Opéra Comique, la Diva s’est faite mettre 4–1 par le match de foot concurrent : le France/Pays-Bas de l’Euro 2008 avait lieu le même soir et la salle était loin d’être pleine, sans doute un dommage collatéral. Mais elle a conquis un public de passionnés et d’Américains fans. Dans ce Paris où la comédie musicale cherche encore sa voie et ses voix, elle nous a rappelé ce qui fait la supériorité de l’approche anglo-saxonne : l’interprétation. Il faut savoir chanter plutôt qu’hurler, sourire plutôt que grimacer et en imposer plutôt que poser. Dans un décor tout blanc (celui de Porgy and Bess), Kim Criswell nous transporte d’une ambiance à une autre par sa seule voix aux multiples nuances. Elle passe du registre quasi-lyrique à cette sonorité plus gutturale, plus jazz, qui caractérise les rôles féminins à poigne dans les shows de Broadway. Elle varie l’intensité de son chant en fonction du contexte, dramatique ou drôle, sans jamais donner l’impression de forcer. Elle ne se limite jamais à du pur chant : elle interprète des textes superposés à la musique dans des rythmes parfois surprenants qui renforcent leur signification, mélancolique ou cocasse. Enfin, elle a de la classe et reste néanmoins accessible à son public : souriante, elle parle lentement (en américain) pour se faire comprendre et introduit les chansons — des classiques pour la plupart — sans supposer que tout le monde les connait. Parmi elles, on peut citer « Tonight », « Somewhere » (Berstein), « The man I love », « The Lorelei » (Gershwin), « Paree, What Did You Do To Me? », « You Don’t Know Paree » (Cole Porter) et « One Touch of Venus » (Kurt Weill).
Il reste à mentionner la contribution importante de Wayne Marshall, qui est loin de n’être qu’un accompagnateur. On sent une véritable osmose entre les deux artistes, qui reviennent pour trois rappels par pur plaisir. Le pianiste a même le droit à deux intermèdes d’improvisation sur les thèmes de Porgy and Bess et West Side Story. Incroyable performance !