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Prisca Demarez, émouvante Grizabella

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Prisca Demarez (c) Cris Noé
Prisca Demarez © Cris Noé

Prisca Demarez, un mois après le début des représen­ta­tions de Cats, comme vous sen­tez-vous par rap­port au spectacle ?
Je retrou­ve la même ten­sion que Cabaret car il y a autant de pré­ci­sion. C’est un spec­ta­cle qu’on ne peut pas jouer à la légère. Il y a une pré­pa­ra­tion, une con­cen­tra­tion, une ten­sion que l’on sent chez tout le monde, et en même temps, il y a un plaisir décu­plé chaque jour.

Par­lez-nous du proces­sus des auditions…
C’est incroy­able parce que je ne devais pas y aller car j’avais un pre­mier rôle en sep­tem­bre au Théâtre du Ranelagh. J’avais juste dit au met­teur en scène : « il y a une audi­tion pour Stage, je voudrais juste leur mon­tr­er que je chante tou­jours !» De toute façon, c’é­tait pour Cats et je n’y croy­ais pas car j’avais enten­du dire qu’ils cher­chaient quelqu’un de con­nu pour le rôle. J’avais choisi la chan­son de Fan­tine, « J’avais rêvé », qui est l’équiv­a­lent d’un « Mem­o­ry », une chan­son de « fin de vie ». J’ai mis toute mon âme et mes tripes dans la chan­son en me dis­ant que je ne passerais qu’une fois… et en fait, je les ai fait pleur­er donc ils m’ont rap­pelée et j’ai passé six tours d’audition. Et je suis là, et j’ai dû dire non à la pièce de théâtre.

Quelle a été votre réac­tion quand vous avez appris la nouvelle ?
Je n’y croy­ais pas. Je me suis répété la phrase plusieurs fois dans ma tête jusqu’à ce que j’en­tende Rabah Aliouane, le directeur de cast­ing, me dire : « Prisca, tu es là ? » J’é­tais en pleines répéti­tions et mes parte­naires, en voy­ant ma réac­tion, ont applau­di. J’ai fon­du en larmes et pen­dant cinq min­utes, je n’ai pas pu dire un mot. N’é­tant pas con­nue du grand pub­lic, je ne pen­sais vrai­ment pas être prise. Trevor Nunn, [NDLR : le met­teur en scène orig­i­nal] m’a dit que j’avais eu le rôle parce que je les avais émus aux larmes. Je crois que c’est la comé­di­enne qui attrapé le rôle avant tout. C’est un con­te de fées !

Avant les audi­tions, que représen­tait Cats pour vous ?
Sans jamais l’avoir vu, je pen­sais que c’é­tait dépassé. A part « Mem­o­ry », je ne con­nais­sais pas grand chose. J’é­tais plus branchée sur le théâtre musi­cal mod­erne. Je me suis demandée pourquoi Stage avait fait ce choix. C’é­tait sans compter que cette comédie musi­cale avait déjà sauvé Broad­way à l’époque. Au cours des audi­tions, j’ai décou­vert la pièce. J’ai plongé dedans pour pou­voir la défendre et je suis tombée amoureuse du spec­ta­cle et de Griz­abel­la en par­ti­c­uli­er. C’est un vrai rôle de tragédienne.

Quand on hérite d’une chan­son comme « Mem­o­ry », ça impressionne ?
Ça m’impressionne chaque soir et on sent l’at­tente du pub­lic. Il y a d’abord la dif­fi­culté vocale, parce que ça passe de la cave au gre­nier. C’est donc costaud tech­nique­ment mais aus­si par l’his­toire qu’elle racon­te. Donc je l’abor­de moi-même comme Griz­abel­la : comme la dernière goutte de vie !
J’ai tra­vail­lé avec la coach vocale qui s’oc­cupe de tous les spec­ta­cles d’An­drew Lloyd Web­ber qui m’a dit : « Ne pense pas que ce soit une chan­son facile, c’est un mon­u­ment, c’est une galère ! » C’est mag­nifique et effrayant à porter à la fois !

En dehors de la com­plex­ité vocale, quels sont les autres chal­lenges du rôle ?
Retrou­ver chaque jour ce mil­limètre au bord du fos­sé. Être à un mil­limètre de tomber et être rat­trapée par les autres. Avoir la force de descen­dre dans cette douleur, retrou­ver cette émo­tion intacte et la délivr­er tous les jours. C’est ma plus grande inquié­tude sur ce spec­ta­cle : vais-je réus­sir chaque jour à me laiss­er bless­er jusqu’à l’âme pour pou­voir être sauvée à la dernière seconde ?

Au cours des répéti­tions, vous avez pu tra­vailler avec Trevor Nunn et Gillian Lynne, met­teur en scène et choré­graphe orig­in­aux. Com­ment se sont passées ces rencontres ?
Ils sont d’une sim­plic­ité et d’une gen­til­lesse incroy­ables et ont une humil­ité à la hau­teur de leur tal­ent. Pour moi, c’est à ça qu’on recon­naît les grands. Quand j’ai tra­vail­lé indi­vidu­elle­ment avec Trevor Nunn, il y avait des moments où j’avais envie de me pin­cer ! J’avais en face de moi le met­teur en scène des Mis­érables ! J’avais vu ce spec­ta­cle à Lon­dres quand j’avais treize ans et j’ai pleuré de la pre­mière à la dernière sec­onde en me dis­ant : c’est ça que je veux faire. Et c’é­tait for­mi­da­ble de pou­voir lui en parler.
Quant à Gillian Lynne, j’ai passé une heure à retra­vailler avec elle chaque geste de Griz­abel­la. A un moment, Gillian Lynne me reprend sur la phrase « J’é­tais belle » en met­tant sa main sur sa joue. Elle con­fie ensuite : « c’est dur car j’ai été une danseuse de haut niveau et aujour­d’hui, je fais son­ner les por­tiques dans les aéro­ports ! » Elle avait les larmes aux yeux et je ne savais plus si c’é­tait Gillian Lynne ou Griz­abel­la qui par­lait. Je crois que c’est elle qui m’a le plus inspirée.

Quelles sont vos envies après Cats ?
Ca foi­sonne ! Griz­abel­la me donne envie de tra­vailler des per­son­nages poin­tus. J’ai des envies de chant, j’écris… De l’autre côté, j’ai des envies de per­son­nages de théâtre et tra­vailler dans la den­telle d’un per­son­nage. Je rêverais de tra­vailler avec des « vieux » comé­di­ens, pour appren­dre encore. Je crois que je n’au­rai jamais fini d’ap­pren­dre, en fait !

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