
Prisca Demarez, un mois après le début des représentations de Cats, comme vous sentez-vous par rapport au spectacle ?
Je retrouve la même tension que Cabaret car il y a autant de précision. C’est un spectacle qu’on ne peut pas jouer à la légère. Il y a une préparation, une concentration, une tension que l’on sent chez tout le monde, et en même temps, il y a un plaisir décuplé chaque jour.
Parlez-nous du processus des auditions…
C’est incroyable parce que je ne devais pas y aller car j’avais un premier rôle en septembre au Théâtre du Ranelagh. J’avais juste dit au metteur en scène : « il y a une audition pour Stage, je voudrais juste leur montrer que je chante toujours !» De toute façon, c’était pour Cats et je n’y croyais pas car j’avais entendu dire qu’ils cherchaient quelqu’un de connu pour le rôle. J’avais choisi la chanson de Fantine, « J’avais rêvé », qui est l’équivalent d’un « Memory », une chanson de « fin de vie ». J’ai mis toute mon âme et mes tripes dans la chanson en me disant que je ne passerais qu’une fois… et en fait, je les ai fait pleurer donc ils m’ont rappelée et j’ai passé six tours d’audition. Et je suis là, et j’ai dû dire non à la pièce de théâtre.
Quelle a été votre réaction quand vous avez appris la nouvelle ?
Je n’y croyais pas. Je me suis répété la phrase plusieurs fois dans ma tête jusqu’à ce que j’entende Rabah Aliouane, le directeur de casting, me dire : « Prisca, tu es là ? » J’étais en pleines répétitions et mes partenaires, en voyant ma réaction, ont applaudi. J’ai fondu en larmes et pendant cinq minutes, je n’ai pas pu dire un mot. N’étant pas connue du grand public, je ne pensais vraiment pas être prise. Trevor Nunn, [NDLR : le metteur en scène original] m’a dit que j’avais eu le rôle parce que je les avais émus aux larmes. Je crois que c’est la comédienne qui attrapé le rôle avant tout. C’est un conte de fées !
Avant les auditions, que représentait Cats pour vous ?
Sans jamais l’avoir vu, je pensais que c’était dépassé. A part « Memory », je ne connaissais pas grand chose. J’étais plus branchée sur le théâtre musical moderne. Je me suis demandée pourquoi Stage avait fait ce choix. C’était sans compter que cette comédie musicale avait déjà sauvé Broadway à l’époque. Au cours des auditions, j’ai découvert la pièce. J’ai plongé dedans pour pouvoir la défendre et je suis tombée amoureuse du spectacle et de Grizabella en particulier. C’est un vrai rôle de tragédienne.
Quand on hérite d’une chanson comme « Memory », ça impressionne ?
Ça m’impressionne chaque soir et on sent l’attente du public. Il y a d’abord la difficulté vocale, parce que ça passe de la cave au grenier. C’est donc costaud techniquement mais aussi par l’histoire qu’elle raconte. Donc je l’aborde moi-même comme Grizabella : comme la dernière goutte de vie !
J’ai travaillé avec la coach vocale qui s’occupe de tous les spectacles d’Andrew Lloyd Webber qui m’a dit : « Ne pense pas que ce soit une chanson facile, c’est un monument, c’est une galère ! » C’est magnifique et effrayant à porter à la fois !
En dehors de la complexité vocale, quels sont les autres challenges du rôle ?
Retrouver chaque jour ce millimètre au bord du fossé. Être à un millimètre de tomber et être rattrapée par les autres. Avoir la force de descendre dans cette douleur, retrouver cette émotion intacte et la délivrer tous les jours. C’est ma plus grande inquiétude sur ce spectacle : vais-je réussir chaque jour à me laisser blesser jusqu’à l’âme pour pouvoir être sauvée à la dernière seconde ?
Au cours des répétitions, vous avez pu travailler avec Trevor Nunn et Gillian Lynne, metteur en scène et chorégraphe originaux. Comment se sont passées ces rencontres ?
Ils sont d’une simplicité et d’une gentillesse incroyables et ont une humilité à la hauteur de leur talent. Pour moi, c’est à ça qu’on reconnaît les grands. Quand j’ai travaillé individuellement avec Trevor Nunn, il y avait des moments où j’avais envie de me pincer ! J’avais en face de moi le metteur en scène des Misérables ! J’avais vu ce spectacle à Londres quand j’avais treize ans et j’ai pleuré de la première à la dernière seconde en me disant : c’est ça que je veux faire. Et c’était formidable de pouvoir lui en parler.
Quant à Gillian Lynne, j’ai passé une heure à retravailler avec elle chaque geste de Grizabella. A un moment, Gillian Lynne me reprend sur la phrase « J’étais belle » en mettant sa main sur sa joue. Elle confie ensuite : « c’est dur car j’ai été une danseuse de haut niveau et aujourd’hui, je fais sonner les portiques dans les aéroports ! » Elle avait les larmes aux yeux et je ne savais plus si c’était Gillian Lynne ou Grizabella qui parlait. Je crois que c’est elle qui m’a le plus inspirée.
Quelles sont vos envies après Cats ?
Ca foisonne ! Grizabella me donne envie de travailler des personnages pointus. J’ai des envies de chant, j’écris… De l’autre côté, j’ai des envies de personnages de théâtre et travailler dans la dentelle d’un personnage. Je rêverais de travailler avec des « vieux » comédiens, pour apprendre encore. Je crois que je n’aurai jamais fini d’apprendre, en fait !
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