Accueil Rencontre Prisca Demarez, l’atout coeur de Mike

Prisca Demarez, l’atout coeur de Mike

0

Prisca Demarez (c)DR
Prisca Demarez ©DR

Prisca, com­ment vivez-vous votre expéri­ence sur Mike ?
C’est un pur bon­heur. C’est vrai­ment une pièce de théâtre musi­cale, et ça c’est impor­tant. Moi qui suis fan de comédie musi­cale, là je suis enfin comblée. Le théâtre est servi par le chant et le chant par le théâtre. Entre nous, dans la troupe, il y a beau­coup d’amour et ce n’est pas fréquent, cette com­plic­ité. On se sou­tient, on s’entraide pour pouss­er le spec­ta­cle de plus en plus loin à chaque fois. C’est aus­si un bon­heur d’être dans ce Théâtre Come­dia avec une équipe tech­nique adorable et atten­tive. Quel plaisir de faire ce spec­ta­cle ensem­ble et de voir que le pub­lic nous ren­voie autant que ce qu’on peut lui don­ner, si ce n’est plus. Chaque jour, les réac­tions sont dif­férentes. L’accueil est fan­tas­tique, les gens aiment ce spectacle.

Com­ment êtes-vous arrivée sur ce spectacle ?
Je tra­vail­lais avec Gré­go­ry (Benchenafi) sur trois spec­ta­cles. Je suiv­ais ses audi­tions pour Mike, je l’encourageais. Puis, un jour, j’ai appris qu’il y avait un rôle de femme qui pour­rait me cor­re­spon­dre. J’ai aus­sitôt envoyé un mail à Thomas Le Douarec (met­teur en scène de Mike), qui m’avait vue dans deux spec­ta­cles pour enfants, pour lui dire que j’avais envie de lui mon­tr­er que j’étais capa­ble de jouer aus­si une femme fatale ! Les audi­tions ont été très longues pour moi parce qu’il y avait des diver­gences entre les souhaits de Thomas et ceux de la pro­duc­tion. Thomas a vite été con­va­in­cu par ce que je lui appor­tais mais la pro­duc­tion, qui est une pro­duc­tion de ciné­ma, avait plus envie de voir l’ac­trice cor­re­spon­dre directe­ment à ce qu’ils avaient en tête. Or, moi, je me présente sou­vent comme une page blanche en dis­ant « que voulez-vous met­tre dessus ? On va tra­vailler ensem­ble les couleurs du per­son­nage ». J’ai passé six semaines d’auditions, je me suis vrai­ment battue pour ce rôle.

Quelle a été votre réac­tion quand on vous a par­lé d’une comédie musi­cale sur Mike Brant ?
La même que celle de beau­coup de gens aujourd’hui qui n’ont pas vu le spec­ta­cle. Je me suis dit : « Aïe, aïe, aïe ». Mike Brant, je n’en avais qu’un vague sou­venir, je revoy­ais l’image de son corps dess­iné au sol sur le trot­toir après son sui­cide, j’avais en tête quelques chan­sons comme « Qui saura » et « Laisse-moi t’aimer ». Pour moi, c’était vrai­ment ringard. Par con­tre, il y avait Thomas Le Douarec avec qui je voulais tra­vailler depuis longtemps. Je me dis­ais que s’il était sur ce pro­jet, c’est qu’il devait for­cé­ment être intéres­sant. J’ai donc passé des heures pen­dant mes audi­tions à regarder tout ce que je pou­vais trou­ver sur Mike Brant et à décou­vrir qu’en fait, entre de bonnes mains, il aurait pu être un Fred­die Mer­cury. Quand on le voit chanter « Sum­mer­time » comme lui-même l’a recréé, il a une ampli­tude vocale incroy­able et un swing ter­ri­ble. Il pou­vait tout chanter. Mal­heureuse­ment, il a été mal dirigé, on en a fait un chanteur à minettes, un pro­duit Bonux. Main­tenant, non seule­ment j’ai un autre regard sur lui, mais, en plus, quand je par­le du spec­ta­cle, je dis qu’à tra­vers Mike Brant, c’est une pièce sur le mythe d’Icare, ce jeune homme qui rêve d’aller touch­er le soleil, qui se brûle les ailes et qui retombe. Mike Brant avait un tal­ent immense, il a rêvé de mon­ter au som­met mais le som­met était piégé.

Qu’a apporté Thomas Le Douarec, le met­teur en scène, au spectacle ?
Il a amené cet aspect très ciné­matographique, extrême­ment flu­ide, quelque chose de très poé­tique dans le décor qui n’est jamais dans le réal­isme. Thomas Le Douarec est avant tout un met­teur en scène de théâtre ; avec lui, il y a une vraie direc­tion d’acteurs où on est dans la justesse des per­son­nages, ce qui me manque sou­vent en comédie musi­cale. Humaine­ment, Thomas est adorable, c’est un amour au quo­ti­di­en mais il sait être dur quand il le faut. Il sait nous faire pren­dre un autre chemin pour trou­ver ce qui va nous per­me­t­tre de faire sor­tir ce qu’il attend de nous. C’est aus­si quelqu’un qui a le souci du rythme. Par exem­ple, lorsqu’on répé­tait la scène où je chante « Parce que je t’aime plus que moi », à un moment, il m’interrompt et me dit « mais tu ne l’as pas déjà dit ça ? » , je lui réponds « Si, mais c’est répété plusieurs fois dans la chan­son ». Du coup, il a décidé que je ne la chanterais pas en entier comme c’était prévu. D’ailleurs, pra­tique­ment toutes les chan­sons ont été rac­cour­cies et ont vu leur tem­po orig­i­nal accéléré.

Dominique, votre per­son­nage, a‑t-elle réelle­ment existé ?
Non pas exacte­ment. C’est le mélange de deux femmes qui ont existé. La pre­mière a été payée par le pro­duc­teur Kauf­mann (qui ne s’ap­pelait pas comme ça en réal­ité) pour aller chercher Mike et l’amen­er dans une soirée d’orgie, exacte­ment comme on le voit dans le spec­ta­cle. La deux­ième — c’est une très jolie his­toire — est une femme que Mike a ren­con­trée dans un avion à l‘étranger, elle ne savait rien de lui. Ils ont vécu le par­fait amour pen­dant quelque temps. Mais, lorsqu’elle est ren­trée à Paris avec lui, elle s’est faite vio­lem­ment agress­er par ses fans. On le voit dans la pièce quand les fans mon­tent sur scène pour se jeter sur Mike, il y en a une qui agresse Dominique. Quand ils ren­traient chez eux, il y avait trente filles qui dor­maient sur le palier. Elle n’en pou­vait plus, elle a mis fin à leur rela­tion tout en restant une amie proche jusqu’à la fin.

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce rôle ?
Ce qui est beau dans le per­son­nage de Dominique, c’est ce que m’ont dit des fans il n’y a pas longtemps : « vous avez fail­li nous le sauver ». Cela m’a touchée parce que c’est vrai que chaque soir j’essaye d’empêcher Mike de pren­dre cette drogue que lui four­nit son pro­duc­teur mais il est dans un tel malaise qu’il tombe dedans et qu’on ne peut rien y faire. J’adore ce rôle aus­si parce que c’est un per­son­nage qui évolue. Au début, elle est très dure, som­bre, manip­u­la­trice, lim­ite vul­gaire parce qu’elle doit tenir tête à Kauf­mann. Mais quand elle ren­con­tre Mike, elle tombe amoureuse et ça la sur­prend, ce n’était pas du tout prévu. Au fur et à mesure, elle donne accès à la femme en elle, à la femme amoureuse, douce, pro­tec­trice, et c’est une évo­lu­tion de per­son­nage mag­nifique à jouer. Je me régale tous les jours.

Quelles sont vos scènes préférées dans le spectacle ?
Il y a une scène que j’adore, c’est celle du cauchemar de Mike pen­dant son con­cert en Alle­magne. J’aime beau­coup la scène où je vais chercher Mike dans sa loge, j’adore me laiss­er sur­pren­dre chaque soir au moment où il m’embrasse. Si jamais je m’y attends, c’est que j’ai loupé ma scène ! J’aime aus­si la scène de rup­ture parce qu’elle est forte en émo­tion. J’aime les émo­tions de ce spec­ta­cle. On passe du rire aux larmes tout le temps. Sinon, j’ai un petit moment aus­si où je m’amuse beau­coup, c’est quand je suis en clochard. J’adore le tableau des clochards, petit moment de poésie hors du con­texte, hors du temps. Comme Dominique n’arrive que dans la deux­ième par­tie, je joue six per­son­nages dans la pre­mière ! Je m’amuse bien à chang­er de peau tout le temps.

Etes-vous agacée par l’image et les a pri­ori que les gens peu­vent avoir sur le spectacle ?
Pas agacée parce que j’ai eu les mêmes. Je voudrais leur dire « Lais­sez-vous sur­pren­dre ». Moi j’ai été sur­prise, je me régale chaque jour, comme toutes les per­son­nes qui sont venues nous voir, quel que soit leur milieu. Je ne juge pas, je com­prends et j’espère juste qu’on aura suff­isam­ment de temps pour faire marcher le bouche-à-oreille qui don­nera aux gens l’envie de voir ce spectacle.

Quelles sont vos envies pour la suite de votre carrière ?
J’ai des envies de per­son­nages. J’ai vrai­ment envie de jouer des rôles très rich­es comme Dominique. J’ai joué trop jeune des rôles comme Lady Mac­beth de Shake­speare ou Flaminia de Mari­vaux, j’aurais envie de les abor­der à nou­veau aujourd’hui. Là, si on me don­nait le choix, ce serait soit une vraie comédie musi­cale avec un vrai rôle théâ­tral à défendre comme dans Mike, soit du théâtre seul, même si je suis très mal­heureuse quand je n‘ai pas à la fois le théâtre et le chant. Main­tenant, mon rêve, c’est aus­si le ciné­ma, c’est une chose que j’aimerais beau­coup touch­er. Là, c’est encore autre chose parce que c’est très fer­mé. Mais je sème ça quelque part au fond de moi…