
Bienvenue à Vérone
Son complice Daniel Moyne, l’autre producteur du spectacle, lui parle donc du projet de son ami Gérard Presgruvic, le célèbre auteur-compositeur, entre autres des succès de Patrick Bruel, qui rêve lui aussi d’un musical. Mais trouver une bonne histoire n’est pas chose aisée. « Nous avons fait le tour et nous nous sommes dits que la plus grande histoire d’amour, c’était Roméo et Juliette », ajoute Gérard Louvin. « Et si des opéras existent déjà, personne ne l’avait encore adapté en comédie musicale ». West Side Story excepté, bien sûr.
Est-il encore besoin d’en rappeler la trame ? Au 16e siècle, la paix d’une petite cité italienne est troublée par la haine de deux de ses plus grandes familles, les Capulet et les Montaigu. Insensibles au monde qui les entoure, Roméo Montaigu et Juliette Capulet vont vivre une passion amoureuse qui s’achèvera tragiquement. La réconciliation des deux familles sera à ce prix. Les amoureux de tous âges et de tous pays qui vont chaque année à Vérone s’embrasser sous le célèbre balcon en ont fait la plus bouleversante ‘love story’ de tous les temps.
Un an de travail et 40 mélodies plus tard, le projet a fait du chemin. Gérard Presgurvic a su s’entourer d’une équipe artistique de choc. La mise en scène sera assurée par Petrika Ionesco, venu du monde de l’opéra et Roumain jusqu’à la pointe de ses moustaches (qu’il a fort longues !). Et le chorégraphe Redha veillera à ce que les danses soient aussi décoiffantes que ses mèches décolorées ! Si des succès récents ont reposé avant tout sur le charisme de leurs interprètes et sur de belles mélodies, on sent dans le projet Roméo et Juliette la volonté d’assurer un plus juste équilibre entre les différents éléments qui composent une comédie musicale.
Roméo et Juliette ont l’âge de leurs rôles
Les comédiens-chanteurs (ou plutôt chanteurs-comédiens) ont tous de très belles voix. Lors de la présentation à la presse, ils ont interprété 9 titres du spectacle, de la belle ouverture (« Bienvenue à Vérone ») aux solos poignants (« Et voilà qu’elle aime » « J’sais plus ») en passant par le ‘buddy-song’ cher aux musicals américains (« Les rois du monde »). Sans oublier bien sûr, le duo calibré pour cartonner en radio ce printemps : « Aimer ». Il est interprété par Damien Sargue, 19 ans bientôt et Cécilia Cara, même pas 16 ans (mais elle a déjà tout d’une grande, à commencer par une lumineuse présence). Quant à Roméo, il a déjà fait ses griffes en doublant Gringoire et Phoebus dans Notre Dame de Paris. Il est rafraîchissant d’avoir d’aussi jeunes artistes, encore adolescents, qui contribueront ainsi à la crédibilité de leurs personnages.
On le sait maintenant, il est particulièrement difficile pour les musicals de Broadway de réussir leur ‘débarquement’ en France. La voie latine, empruntée avec succès par Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg (Les Misérables) et Luc Plamondon (Starmania, Notre Dame de Paris), longtemps décriée, semble enfin inspirer d’autres talents, de Fabrice Aboulker (Les mille et une vies d’Ali Baba) à Gérard Presgurvic donc. Ce dernier n’a-t-il pas déclaré lors de son intervention au micro : « Aujourd’hui, il n’y a pas de raison pour que ne naisse pas dans ce pays une vraie culture de la comédie musicale ».
D’ailleurs, le public de ce jour-là ne s’y est pas trompé. Composé de professionnels (producteurs rivaux, VIPs des médias), donc de gens très blasés, il n’en a pas moins applaudi debout les artistes à l’issue de leur mini-concert. Un heureux présage ? Il semblerait donc que Roméo et Juliette ne soient pas morts en vain…