Comment vous sentez-vous au lendemain de cette première (Lire notre critique de Sortir de sa mère / La chair des tristes culs) ?
On est assez secoués tous les quatre, car c’est un moment volatil que l’on prépare depuis très longtemps. Bien qu’il s’agisse de deux objets foutraques et légers en apparence, ils nécessitent une précision et une rigueur que l’on essaie de respecter tout en restant libres. Le jour de la première représentation, tout se libère. Et ça passe si vite ! Nous sommes claqués, dans tous les sens du terme. On travaille toujours pour « la » représentation idéale. Nous en avons trente devant nous, le rapport au temps se modifie. Aujourd’hui nous acceptons qu’hier ce ne fut pas la dernière…
Vous avez déjà joué quelques représentations ?
Si nous avons donné trois représentations à Saint-Quentin avant celles du Rond-Point, le diptyque présenté me semble très différent de celui d’hier. Le public est d’ailleurs fort différent. A Paris, nous sentons les gens très attentifs au texte sans être démonstratif, ce qui nous a surpris. Lors des premières représentations, les spectateurs de Saint-Quentin se laissaient davantage porter par le spectacle.
Le spectacle évolue-t-il ?
Il y a des modifications tous les jours à tous les niveaux. Ce matin par exemple je me suis réveillé très tôt avec le souhait de changer certaines tonalités dans les airs musicaux, de manière à ce que les chanteurs soient plus à l’aise. Les rythmes vont bouger ce soir. Je vais aussi revoir plusieurs lumières. Tout évolue, mis à part le texte. Le dialogue qui s’établit avec le public modifie en tout, dès le début, la représentation. C’est très troublant et passionnant.
Quelle est l’origine des pièces ?
J’écris uniquement, sans vouloir paraître prétentieux, lorsqu’il m’est impossible de faire autrement… J’aime beaucoup me reposer, mais quand je suis préoccupé ou occupé par un sujet, j’écris. Le portrait de la mère, la réconciliation de la frère et de la sœur, les liens familiaux avec le père : cela me travaille au corps depuis très longtemps. On retrouve ces thèmes dans beaucoup de mes pièces. J’existe (foutez moi la paix) était assez emblématique puisque je jouais avec ma sœur Marie avec laquelle je partage un lien merveilleux mais passionné, compliqué et parfois douloureux. J’essaie de faire preuve d’invention quant à la forme. La chair des tristes culs a été écrite plus récemment, la famille y est plus secondaire. Il s’agit davantage de, au final, la réconciliation avec l’amour. Cette pièce est née d’un chagrin terrible.
Les pièces sont donc personnelles ?
Tout est d’une très grande sincérité. C’est ma mère que vous entendez en ouverture de Sortir de sa mère. Elle répond honnêtement, simplement, en une seule prise, aux questions que je lui posées. Poussé par Philippe Minyana, qui ne supporte plus que le noir se fasse dans la salle pour un spectacle, j’ai tenté d’explorer de nouvelles formes pour casser les conventions séculaires de « la représentation », surtout dans le cadre d’un cabaret. J’ai choisi le dévoilement d’une intimité absolue puisque, pour le reste, on ment du début à la fin. Par exemple, on joue à être mort alors qu’on ne l’est pas… En revanche quand ma mère dit qu’elle nous a toujours interdit, à mes sœurs et à moi, d’acheter des disques de Sheila, c’est la pure vérité ! J’étais étonné qu’elle me réponde cela, à la question sur ses regrets dans sa vie, au vu de tous les drames que nous avons traversés dans la famille. C’est une réponse merveilleuse. C’est peut-être pour cela que j’aimerais que mes pièces se terminent désormais de manières joyeuses, apaisées.
Quel regard portez vous sur le théâtre musical ?
Il me semblait que la comédie musicale en 2006, lorsque nous nous étions rencontrés, n’avait pas encore véritablement trouvé son public (Lire notre interview avec Pierre Notte en 2006). Il m’a toujours semblé voir des chansons partout, en tout cas cela va de soi pour moi. Je suis dans la lignée des gens qui ont quelques années de plus que moi : Olivier Py, David Lescot, pour ne citer qu’eux. Nous avons voulu exister sur les plateaux de théâtre avec la volonté d’inventer notre langage, en abordant tous les genres, en investissant le plateau sans dépendre de la génération précédente, celle des metteurs en scène tous puissants. Olivier Py a vraiment voulu s’engager et s’impliquer en tant qu’auteur, acteur, chanteur, metteur en scène, d’une manière nouvelle. Cela m’inspire.
Auteur, metteur en scène, compositeur, acteur : vous aimez vous exposer ?
Je dois dire que cette situation est liée à une contrainte financière. Je suis autodidacte au piano, je suis auteur associé au Rond Point, donc par la même je suis très protégé, mais économiquement je ne peux faire appel à d’autres gens. Je suis donc contraint de m’exposer. Toutefois, à y bien réfléchir, cela ne me déplait pas !