Paris quartier d’été possède le pouvoir de vous faire voyager dans des univers très différents, voguant de découverte en découverte. Pour sa septième participation au festival, les organisateurs ont souhaité offrir une carte blanche au compositeur Pierre Henry par le biais de six soirées mêlant oeuvres du répertoire et inédits : Voyage au coeur de ma modernité. Il enchanta vendredi 18 juillet le carreau du Temple avec la présentation de Pierres réfléchies (1982) : 4 pièces courtes inspirées par des poèmes de Roger Caillois et Dracula (2002), oeuvre de 52 minutes proposant une vision particulièrement riche du mythe au travers d’un savant mélange entre extraits symphoniques chipés chez Wagner, bruitages et éléments de musique concrète. Il faisait une forte chaleur au carreau du Temple. Seul le musicien, tout de violet vêtu, semblait ne pas en être affecté, comme si sa musique l’excluait des contingences matérielles. Assis derrière ses consoles, face à un important dispositif acoustique, il a tranquillement envoûté l’assistance. Cela se notait par exemple avec l’utilisation, le plus souvent en rythme, des éventails (mis à disposition par le festival, qui pense à tout !), les auditeurs stoppant leur mouvement dès qu’un morceau arrivait à son terme… L’acousmatique, la musique électronique peuvent effrayer, mais dans le cas présent, le public s’est laissé transporté par ce déroulé musical. « Film sans image », comme le compositeur le précise, son Dracula possède une force d’évocation très forte, par le biais des bruitages évoqués plus haut (des pas, des animaux nocturnes, un incendie,…), le rire sardonique du comte — qui ouvre et ferme en partie l’oeuvre — auquel répond les cris de jeunes femmes, futures victimes ? Une partition de l’effroi, romantique et sensuelle qui trouve toute sa mesure jouée en direct. Une fois encore un pari réussi. En prime, pour saluer le compositeur à l’issue de sa performance le festival, qui pense encore une fois à tout avec malice, avait distribué en catimini des masques que chaque spectateur revêti à point nommé : ce furent donc des dizaines de Pierre Henry qui saluèrent Pierre Henry…
Il ne reste plus qu’un voyage : un concert durant lequel Pierre Henry reçoit le génial trompettiste Erik Truffaz. Ces six Voyages au coeur de ma modernité prouvent, s’il en était besoin, la vitalité de ce compositeur et sa capacité à séduire un large public avec des oeuvres diverses.