Philippe Lafeuille, quel est votre parcours ?
Je suis danseur dans l’âme. Cela fait 20 ans que je danse donc j’ai un parcours assez hétéroclite, assez méli mélo d’ailleurs. J’ai dansé dans des compagnies classiques, néo-classiques, contemporaines et j’ai fait aussi des choses plus commerciales : de la mode, de la télévision, de la publicité. De compagnie en compagnie, je suis arrivé à Barcelone il y a six ans. Là, j’ai créé la compagnie Chicos Mambo avec deux autres garçons (qui ne sont plus dans la compagnie maintenant) et on commencé avec un petit spectacle qui n’avait pas du tout l’envergure de celui là. C’était plus intime, plus cabaret, moins sophistiqué. Ca a été un grand succès à Barcelone et on a commencé à voyager en Espagne et à l’étranger. On a fait 400 représentations, on a tourné et puis on s’est dit qu’on allait en faire un deuxième et voilà Méli Mélo.
Comment avez-vous créé votre compagnie ?
On s’est retrouvé à trois danseurs de trente ans chacun et on avait envie de s’amuser parce qu’on travaillait dans des compagnies contemporaines, un peu » sérieuses « . On avait envie de rencontrer le public. On s’est dit qu’on allait faire une chose plus légère, plus comique, plus théâtrale, plus rentre-dedans avec le public. On a eu une envie, on l’a faite, elle s’est réalisée avec un spectacle et après la petite boule de neige et devenue une grande boule de neige.
Comment est venue l’idée de ce spectacle ?
L’idée de Méli Mélo est venue par rapport au premier spectacle. Ce qui avait marché avec le premier spectacle, c’est cette idée de transformisme, d’être une personne qui joue 40 personnages. Et ce n’est pas, comme j’ai lu parfois, du travestisme, on a aucune envie d’être femme. On fait plein d’autres personnages. On change de peau, on aimerait presque être des dessins animés. C’est un jeu d’acteur, d’interprète derrière le danseur. Moi qui mesure 1 m 85, à un moment, il faut que je fasse croire que je mesure 1 m 50, que je suis russe et que je suis une petite gymnaste rythmique. (…) Le langage que je sais maîtriser, c’est le mouvement. Raconter des petites histoires à travers la danse et faire rire à travers la danse est une chose qui n’est pas très courante. Nous, on amène le geste à l’humour.
Quels sont les critères pour être un Chico Mambo ?
Il faut avoir un petit grain de folie. C’est un jeu un peu fou, on est quatre, on fait quarante personnages. Il ne faut pas avoir peur de changer de registre. On essaie de toucher à tout, avec un peu de grâce et un peu d’humour. Mais je pense qu’il faut être assez libre, assez ouvert, et surtout être un bon danseur. Il faut avoir une base technique assez forte. L’expérience est la meilleure des écoles.
Vous vous êtes servi de votre vécu de danseur pour alimenter le spectacle ?
Bien sûr ! Pour parodier Le Lac des Cygnes, il faut avoir vu Le Lac Des Cygnes. On ne peut pas le parodier sans avoir connaissance de la technique classique. Il faut être de la partie. Quant à la parodie de la danse contemporaine, on se moque de nous et de nous-mêmes, parce qu’on a fait ça, ce sont des codes qu’on connaît. Plus tu connais le milieu, plus c’est facile de s’en moquer. Tu connais ses travers, ses pour, ses contre mais même en connaissant, ce n’est pas évident d’en faire une bonne parodie. Pour moi, la parodie, c’est juste éclaircir un peu la vérité. Il ne s’agit pas de faire quelque chose de grotesque sur la danse contemporaine. Il s’agit juste de lever le voile sur quelque chose qui existe déjà. Ce qu’on fait sur scène, c’est que j’ai vu beaucoup de fois. On ne fait pas des choses grotesques et caricaturales. Evidemment, il y a des gags et une certaine façon de le mettre en scène mais une parodie, c’est un petit coin de vérité. A la base, il faut garder les éléments tels qu’ils sont et après, tu tournes la vis un peu de ton côté.
Comment définiriez-vous Méli Mélo ?
C’est un hommage à la danse, un voyage à travers différentes disciplines de danse, vu par les Chicos Mambo. Mais en même temps, il y a beaucoup d’autres choses. Il y a du théâtre, des marionnettes, de la pantomime, du mime. On ne parle pas, on danse, tout se fait rien qu’avec le mouvement. On essaie de repousser les étiquettes. Est-ce du moderne ? On s’en fout, on danse. Pour moi, la danse, c’est avec un grand D. Elle doit exprimer quelque chose et là, c’est ce qu’on cherche. On raconte des petites histoires et on emmène les gens d’une histoire à une autre sans qu’ils s’en rendent compte. C’est comme un zapping, comme si tu regardais une télé avec plein de choses différentes, beaucoup de choses sur la danse, classique ou contemporaine, mais on peut passer tout d’un coup à Walt Disney. C’est un spectacle pour voir et pour se souvenir, pour rigoler. Mais ce n’est pas que du rire, il y a aussi des choses poétiques, des choses qui font seulement sourire. On ne cherche pas le fou rire tout le temps, ni le gag pour le gag. C’est surtout un divertissement. On a toujours cherché depuis le début à se faire plaisir et par là, on pensait faire plaisir au public. Les gens viennent au théâtre pour avoir une émotion, pour partager quelque chose. La clé de mon travail, c’est ça. C’est le partage avec le public.
Vous avez déjà des envies de spectacles futurs ?
J’aimerais commencer à m’attaquer à la mise en scène. J’ai des projets et je vais faire des spectacles en dehors de la Compagnie Chicos Mambo, avec des choses peut-être plus sérieuses. J’aimerais bien m’attaquer à un opéra. Je suis assez pluridisciplinaire et polyvalent. Moi, ce que j’aime c’est travailler avec d’autres gens, des danseurs, des chanteurs, des comédiens, d’enrichir mon propre langage. Je crois que de plus en plus, on va vers la fusion des arts. Tout se mélange.