Laisse passer une première fois…
Un ami lui parle une première fois du casting de Roméo et Juliette mais il ne s’y rend pas. «J’étais sur le casting anglais de Notre Dame de Paris, on me promettait quasiment le rôle de Phoebus ! On m’avait demandé de tout bloquer» nous explique-t-il. Mais finalement les anglais préfèrent prendre un anglais pour le rôle. Aussi, quand l’équipe de Roméo et Juliette passe à Bruxelles pour de nouvelles auditions, cette fois Philippe s’y présente et obtient le rôle de Mercutio.
Les premières chansons du spectacle qu’il découvre et qu’il enregistre sont ?Aimer’ et ?Les Rois du Monde’. « Ce n’étaient franchement pas les meilleures du spectacle, j’avoue que j’avais un peu peur ! » reconnaît-il en riant. Mais l’histoire lui plaît et il se souvient « ça a été un vrai coup de coeur humain avec Gérard Presgurvic, je lui ai fait confiance ». Il apprécie l’adaptation de l’auteur compositeur.
« J’aime beaucoup le fait qu’il ait modernisé et popularisé l’histoire. Il ne faut pas oublier que Shakespeare écrivait pour le peuple, ce n’était pas un théâtre réservé à l’élite. Je crois qu’il était donc logique d’en faire un grand spectacle populaire qui parle aux gens simplement ». Pour autant, Philippe émet quelques réserves. « En tant que fou amoureux de Shakespeare et de l’oeuvre d’origine, je ne suis pas toujours d’accord avec certaines libertés que Gérard a prises. Par exemple, je ne suis pas dingue de ce que Tybalt est devenu ».
Après l’enregistrement de l’album commence le marathon de la promotion qui va durer près d’un an. « Je l’ai vécu tant bien que mal » commente Philippe peu enthousiaste, « je n’avais pas l’impression d’être engagé pour faire un spectacle mais plutôt pour promouvoir un album. J’étais un peu paumé. J’avais régulièrement envie de dire ?oh les gars, le spectacle c’est pour quand ? Quand est-ce qu’on va se retrouver sur un plateau pour travailler ?’ ».
Dès qu’on aborde les répétitions et le travail de mise en scène avec Redha, le visage de Philippe s’illumine. « J’ai découvert un homme extraordinaire, un metteur en scène fabuleux, et pourtant j’avais peur qu’un chorégraphe fasse la mise en scène. Il sait parler aux comédiens et raconter une histoire. Je n’avais pas fait de théâtre depuis quatre ans, là j’ai retrouvé mes bonheurs de gosse ». Toutefois Philippe garde quelques frustrations. « Redha a récupéré la mise en scène après trois semaines, on a eu de gros problèmes avec les décors. On a perdu un mois et demi de travail. Je pense que Redha n’a pas pu aller aussi loin qu’il aurait voulu par manque de temps. Il y a des scènes qui sont de belles esquisses mais qui ne sont pas complètement abouties. D’autre part, dans la troupe nous ne sommes que trois comédiens de formation, les autres jouent souvent pour la première fois. Beaucoup ont un réel potentiel de comédien mais il n’a pas pu être suffisamment exploité, là aussi en grande partie par manque de temps ».
Sensible aux commentaires des spectateurs
Philippe reconnaît également que la salle du Palais des Congrès n’est pas forcément le lieu idéal pour une comédie musicale, et en particulier Roméo et Juliette. « Dans la manière dont l’a conçu Redha, ce spectacle aurait beaucoup gagné dans une plus petite salle. Difficile de créer une intimité avec le public dans une salle de 3700 places ! Le spectacle souffre d’être une grosse machine » admet-il en toute franchise. Il sait d’ailleurs que c’est l’une des critiques faites au spectacle. A propos de critiques, il n’accorde de crédit qu’à celles des spectateurs. « Qu’ils aiment ou pas, leurs critiques sont toujours justes et vraies. Je suis très content que le spectacle provoque un débat. Pour les ?puristes’, ce n’est pas de la comédie musicale, alors que d’autres vont être touchés. Attention cependant à la critique facile ! ».
Malgré ses quelques réserves, Philippe tient à souligner les qualités de Roméo et Juliette. « C’est un spectacle chargé très fort en émotion. Pour ne pas être touché au moins par un personnage, par un moment, il faut vraiment le décider ! On s’est fait pleurer comme des madeleines pendant les répétitions. Sans compter que visuellement et esthétiquement, c’est un très beau spectacle ». Pour Philippe, c’est avant tout la troupe qui fait la force de cette comédie musicale. « C’est une troupe extraordinaire et très soudée qui se donne à fond sur scène pour offrir le meilleur au public. Ca fait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi bien dans une équipe. Je suis en admiration totale devant les danseurs. Quand je vois le travail qu’ils font, leur rigueur artistique et leur intégrité, il y a une vraie leçon à prendre. Sur le plateau, je suis un fan absolu de Réjane Perry, Cécilia Cara et Grégori Baquet. Pour Cécilia, c’est son premier spectacle, elle a déjà tout compris, elle est magique. Avec Grégori, humainement c’est une grande rencontre, un coup de foudre d’amitié ».
Philippe apprécie moins les à‑côtés « showbiz » du spectacle, il reconnaît pourtant que c’est peut-être une façon d’amener un nouveau public vers la comédie musicale. Mais il reste très prudent sur l’avenir du musical en France. « Heureusement on est à un tournant, mais il est dangereux. Si demain il n’y a pas de producteurs qui décident de monter des spectacles musicaux vraiment théâtralisés moins grand public, moins énormes, on risque de n’avoir en France que des grosses machines comme Les Dix Commandements, Roméo et Juliette… Il faut très vite profiter de cet engouement pour amener ce nouveau public vers d’autres types de productions ». En tout cas, il l’espère vraiment car, rajoute-t-il « j’adore la comédie musicale, j’ai envie qu’elle vive ! ». Véritable fan de musicals, il aime particulièrement les compositions d’Andrew Lloyd Webber comme Starlight Express et Sunset Boulevard, même s’il souligne amusé que chez lui aussi il y a parfois un petit côté « variétoche ».
Après Roméo et Juliette, s’il songe à un album solo et à écrire pour le cinéma, Philippe avoue que sa plus grande envie est de continuer dans la comédie, musicale si possible. « Bizarrement Roméo et Juliette a redonné des envies au comédien plus qu’au chanteur » reconnaît-il. Il se verrait d’ailleurs bien continuer l’aventure de Roméo et Juliette de l’autre côté de la Manche : « le petit rêve que j’ai dans un coin de la tête c’est de créer Mercutio dans la version anglaise de Roméo et Juliette. C’est un personnage que j’aime, qui m’apporte énormément tous les soirs. Et puis jouer dans une comédie musicale à Londres, même si c’est la seule que je fais là-bas, c’est un rêve que je réaliserai ! ».