
Comment est né le festival de théâtre de La-Barre-de-Mont Fromentine ?
Il y a dix ans, le maire de la ville m’a demandé si je pouvais, en tant que comédien, lui trouver quelque chose qui changeait du folklore et des trucs soporifiques de l’été. Dans la nuit, j’ai trouvé La Révolution Française [de Boublil et Schönberg, 1973] avec l’idée de mélanger des jeunes de Fromentine et des estivants. On était en avril, il fallait que ça soit prêt pour l’été ! L’idée a plu au maire car on était dans l’année du bicentenaire. Bien sûr, tout a été fait à la dernière minute… avec quatre projecteurs médiocres et quatre micros à fils qui s’emmêlaient. On était le 17–18 juillet 1989. J’avais trouvé des copains, puis par le bouche à oreille, la troupe est vite montée à 25. Ils ne connaissaient pas l’oeuvre. Cette première année, je n’avais pas d’orchestre, ni de bande. Ils ont donc chanté par dessus le disque ! Je ne voulais bien sûr pas de mime ou de playback. Ils devaient coller leur voix à celles du disque. Ca a fonctionné ! La troupe était contente et partante pour l’année d’après. En plus de cela, comme le spectacle était financé par la commune, il était gratuit pour les estivants ! On jouait deux fois par semaine durant l’été, le mercredi et le vendredi. Et ces dates sont restées. Maintenant, il y a dix micros HF, des tables de mixage, des consoles lumières, des projecteurs qui appartiennent à notre Association culturelle.
Pour monter un spectacle comme La Révolution Française, comment gérer les problèmes de droits ?
Tout est règlementé, on ne peut pas faire n’importe quoi. Je suis en règle avec la SACEM et compagnie … C’est l’association culturelle que j’ai créée quelques années après les débuts qui s’occupe de ça. Elle est aussi chargée de recevoir la subvention municipale. Pour les droits, même si les spectacles sont bien montés, nous restons dans une structure d’amateurs. J’ai donc moins de problèmes que dans une structure professionnelle. Que je connaisse ou non les auteurs, je fais une demande à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (la SACD). Comme la SACEM et la SACD sont longs à répondre, on a parfois fini de jouer avant d’avoir la réponse. Pour La Révolution Française, j’avais écrit à Alain Boublil, qui m’a répondu « pas de problème » et m’a dit de m’arranger avec la SACD.
Quelles sont les retombées du Festival de Fromentine?
Très positives. J’ai eu des retours de Dave et Daniel Auteuil qui sont venus voir Godspell [Ils avaient joué dans une version française dans les années 70]. Guy Bontempelli est venu voir Mayflower. Ces gens là restent souvent trois-quatre jours pour voir comment les choses se passent et faire la fête avec nous. Et dans le public, il y a souvent des connaisseurs. Quand nous avons montés Cats, il y avait beaucoup d’étrangers qui connaissaient le spectacle pour l’avoir déjà vu interprété par des pros. Ils nous ont dit avoir passé un excellent moment « avec les amateurs ». En décembre 1998, je suis allé à Leeds car Schönberg m’avait fait venir pour voir les dernières répétitions et la première de Martin Guerre. Il m’avait invité, après ma rencontre avec Boublil juste avant La Révolution Française du dixième anniversaire de Fromentine à l’été 98. Ils ne pouvaient pas venir à Fromentine car tout deux travaillaient à leur nouvelle version de Martin Guerre. Ils en étaient désolés. Quand j’ai vu Schönberg, je lui demandé s’il n’avait pas un poste de 25e assistant, rien que pour rester en Angleterre. Ca se fera peut-être ! A l’époque de notre Cats (91–92), la maison de production de Andrew Lloyd Webber en Angleterre avait également entendu parlé de nos productions. Elle nous a demandé une cassette. Il faut savoir que les grands compositeurs comme lui sont attentifs à l’image qu’on donne de leurs spectacles. Il faut croire que Andrew Lloyd Webber était content car depuis j’ai toujours eu l’autorisation de monter Cats, même si ma mise en scène n’a rien à voir avec l’original !
Vous avez monté Les Misérables une première fois en 1990 en vous basant sur la version originale du spectacle, monté à Paris en 1980 et non pas sur la version, devenue « officielle » de Londres, en 1985 ?
En effet, et pour moi, elle est supérieure à l’autre. Les personnages sont mieux exploités. Dans la seconde version, le personnage de Gavroche disparait pratiquement, il n’intéresse pas assez le public étranger. Donc en 1990, je monte la seule version qui existe à ce moment [En 1991, une nouvelle version française, traduite depuis l’anglais, a été présentée à Paris]. J’avais vu plusieurs fois à l’époque le spectacle et je l’avais trouvé super. Je suis un admirateur de Boublil et Schönberg depuis leurs débuts avec La Révolution Française.
En dehors de Boublil et Schönberg, qu’est ce qui vous a attiré à la comédie musicale ?
Jeune, je m’essayais à une carrière d’auteur-compositeur. Je faisais en parallèle une licence de lettres, le conservatoire de musique et le Cours Simon de comédie. J’ai travaillé avec des gens comme Jérome Savary ou René Dupuis [le directeur du Théâtre Fontaine]. Ils m’ont poussé vers le théâtre. J’ai donc arrété d’écrire et de composer pour m’y consacrer pleinement. J’ai monté des spectacles avec des élèves de collège et de lycée et je suis vite passé au Théâtre Musical. Je vis maintenant du métier de metteur en scène. Je ne donne pas de cours, je monte et je dirige des spectacles. J’apporte aux troupes une rigueur et le sens du travail sans perte de temps. En parallèle, j’ai mon activité de comédien.
On connait le problème de la comédie musicale en France: peu de succès durables, un public moyennement réceptif. De plus le répertoire en français est réduit. Comment vis-tu tout ça après plusieurs années d’activité dans ce domaine ?
Effectivement, j’ai maintenant un problème de répertoire en français. Je ne veux et ne peux pas faire de traduction depuis l’anglais des spectacles que j’aimerais faire. Ca me limite d’autant plus que je tiens à faire représenter des spectacles en français avec de bonnes histoires, et il n’y a pas grand chose de neuf. Parmi ceux qui existent, je ne monte pas Cabaret par exemple parce que j’adore avoir beaucoup de monde sur scène. J’exclus aussi Hair. Ce n’est plus de l’actualité, ce n’est pas encore de l’Histoire, et je n’ai pas la troupe pour le faire ! Quant à Jesus Christ Superstar, il n’a pas beaucoup de rôles de femmes alors que les troupes amateurs sont majoritairement féminines. J’ai aussi des gens qui me contactent pour que je monte la comédie musicale qu’ils écrivent. Il y en a une qui m’intéresse et que j’envisage de faire. Autour de Paris, j’observe que le nombre d’initiatives locales d’amateurs grandit. C’est une ancienne de Fromentine qui m’a fait venir en 1997 à Noisiel (Seine-et-Marne). Il se montait une section Théâtre Musical dans une association municipale. J’y ai dirigé Cats, De Londres à Broadway et dernièrement Godspell. Auparavant, en 1995, la personne qui s’occupait de la programmation des spectacles de Fromentine a été nommé Directeur de la jeunesse dans la municipalité de Maison-Lafitte. Il m’a appelé pour me proposer de faire la même chose chez lui qu’à Fromentine. Il voulait que je remonte Cats qu’il adore ! Pour finir, la troupe de théâtre amateur des Baladins de Joinville, dont je m’occupe également, va monter Mayflower (de Charden et Bontempelli) en l’an 2000.Pour eux il s’agit d’un intermède car ils se consacrent normalement au théâtre non musical.
Quel est le programme de Fromentine cet été?
Cette année, nous représentons à Fromentine Les Misérables avec un orchestre en direct. Je vois les musiciens toutes les semaines pour suivre leurs arrangements. Ils sont bien sûr rémunérés par l’Association culturelle. Nous faisons nos propres arrangements, y compris pour les textes que nous prendrons à notre goût dans une ou l’autre des deux versions. Les ballades seront accompagnées aux instruments simples, les instruments plus complexes seront ‘samplés’. On jouera Les Misérables les mercredi, vendredi et samedi. Les autres jours, on jouera une autre comédie musicale intitulée Monopolis, une pièce de théâtre, 5 minutes et pas plus, un spectacle de danse par mon chorégraphe Franck Auvignet sur le thème de Roméo et Juliette. Enfin, il y aura un récital par les musiciens. Ce sont de vrais pros qui ont l’habitude d’accompagner des artistes comme Maxime Le Forestier ou Maurane..