
Frou-Frou les Bains correspond vraiment à ce que j’avais envie de faire. J’avais très envie de quelque chose de musical qui soit une parodie d’opérette. J’avais également envie de défendre une certaine idée du burlesque et revenir à la tradition des Branquignols, qui intégraient dans leurs pièces des morceaux musicaux. Cela trottait dans ma tête bien avant que je ne joue dans Là-Haut. Je me suis énormément inspiré des répétitions des opérettes auxquelles j’ai participé pour écrire ma pièce. L’idée des incidents techniques dans Frou-Frou vient directement de ces observations. Le lieu, l’époque, la cure thermale correspondent au clinquant de l’opérette traditionnelle, apportant des choses très colorées. Le casting a été très important. Je voulais travailler avec des gens que j’appréciais, qui sont plus comédiens que chanteurs. Le directeur musical m’a donné son point de vue. Je me suis d’ailleurs aperçu qu’à l’époque d’Offenbach les rôles de femmes étaient souvent tenus par des voix lyriques et les rôles masculins par des comédiens, ce qui est le cas pour Frou-Frou. Je le définirais comme un « spectacle musical burlesque ».
Quel est votre parcours ?
Mon intérêt pour le théâtre résulte du mélange entre le hasard et la vocation… J’ai commencé dans une compagnie amateur. Une fois par an, on cherchait dans le répertoire une pièce à interpréter. Comme la troupe était très sympathique, j’ai décidé d’écrire pour elle en partant de ce que l’on vivait. Cela a donné ma première pièce : Thé à la menthe ou T’es Citron. Les choses se sont enchaînées. Depuis cette envie d’écrire ne m’a plus quitté, mais j’aime aussi interpréter des rôles écrits par d’autres !
Vous vous situez comme digne héritier de talents comme Dranem ?
En France on colle systématiquement une étiquette, c’est un problème. J’ai joué dans des opérettes « classiques » comme Là-Haut, L’Auberge du Cheval Blanc et Le Sire de Vergy. Entre temps, j’ai joué pour Jean-Laurent Cochet dans Chat en Poche de Feydeau : j’aime donc la polyvalence. Frou-Frou les Bains me replonge dans le domaine musical. En fait je souhaite avoir l’étiquette : « aucune étiquette » !
D’où vient votre intérêt pour la musique ?
La musique me berce depuis longtemps, sans pour autant avoir jamais fait la connexion avec le théâtre. C’est véritablement Là-Haut qui m’a fait découvrir le théâtre musical et Willemetz. Je n’avais comme culture musicale que les incunables du cinéma comme Hello Dolly !, West Side Story, les oeuvres de Michel Legrand… Je m’aperçois que ce style est très porteur et me convient. J’aime apprendre au jour le jour. Cette habitude me vient de la manière de fonctionner de la troupe amateur : on travaillait en fonction d’envies et de ce que les autres pouvaient apporter. Du coup on touchait un peu à tout en forgeant nos armes au fur et à mesure, tout en développant un vrai sens de la curiosité. J’avais 10 ans lorsque j’ai commencé : j’ai donc eu du temps pour emmagasiner pas mal de choses.
Comment êtes-vous arrivé sur le projet Là-Haut ?
Je jouais Monsieur de Saint-Futile avec Jean-Claude Brialy. Nous sommes restés un mois au théâtre des Célestins à Lyon, tenu par Jean-Paul Lucet. Au cours de ce spectacle je fredonnais du bout des lèvres un petit air. Quelques mois plus tard, Jean-Paul Lucet s’apprête à monter Là-Haut et m’appelle pour me proposer le rôle de Frisotin, en l’occurrence destiné à un chanteur. Au tout début je pensais qu’il faisait erreur, j’ai donc passé l’audition. La musique, je la pratique depuis 15 ans donc je sais lire une partition. En revanche, j’ignorais tout de ma voix. Avec un directeur musical je me suis préparé et l’audition s’est fort bien passée.
Comment avez-vous choisi les airs de Frou-Frou les Bains ?
Ces chansons, je les ai toujours entendues. Ma grand-mère les fredonnait. On écoute Yvonne Printemps, Mistinguett et hop on se retrouve chopé par ce petit air que tout le monde connaît… Ca me touche. On peut trouver cela un peu vieillot mais, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, ces chansons ont toutes une mélodie et il me semble important de revenir à cela. Les musiciens qui nous accompagnent ont une formation de jazz. Ils ont su garder quelque chose de classique avec une petite touche en plus. Nous avons remanié, coupé ces airs sans les dénaturer. C’était une envie de ma part d’intégrer tout ce matériau que j’aime à ce spectacle. Sans m’intéresser à l’opérette, je les connaissais déjà, comme quoi…
Pourquoi ne pas avoir écrit de chansons originales ?
C’est très dur et je ne suis pas compositeur. Je me suis amusé à écrire l’air Frou-Frou les Bains, en un clin d’oeil. Isabelle Spade, qui joue dans la pièce, a écrit les paroles, elle possède un vrai talent à ce niveau.
On a le sentiment que toute la troupe s’amuse sur scène ?
La plupart des comédiens sont des complices, qui ont tous une solide expérience. Ils ont tous servi la soupe dans les pièces à tête d’affiche. Ce qui me plait dans Frou-Frou les Bains, c’est que chacun a quelque chose à défendre : tous les rôles sont d’égale valeur. Du coup les comédiens s’épanouissent et s’en donnent à coeur joie. Nous sommes heureux tous ensemble. Personne n’est derrière quelqu’un. Cette énergie porte le spectacle.
Vous avez choisi d’avoir de véritables musiciens sur scène ?
C’est tout de même extraordinaire car il ne me viendrait pas à l’idée d’utiliser une bande pour un spectacle musical ! C’est antinomique. On perd tout : pourquoi dans ce cas, les chanteurs ne chanteraient-ils pas en play-back ? Le spectacle « vivant » doit le rester, dans tous les sens du terme. Jouer avec les musiciens participe également de l’énergie de la pièce.
Comment le spectacle a‑t-il été mis en scène ?
Pour moi qui suis du genre instinctif, avoir eu Jacques Descombes comme metteur en scène fut un bonheur. Il est venu vers le spectacle : notre collaboration a vraiment porté ses fruits. Il est rare qu’un metteur en scène soit autant à l’écoute d’un auteur-interprète. Il a une grande expérience dans ce domaine. Dès la première lecture, ses propositions m’ont ouvert des portes. Je ne fais pas de différences, en tant qu’interprète, entre un rôle joué et un rôle chanté.
Quelle fut la genèse de la pièce ?
Il m’a fallu environ 6 mois pour écrire la pièce, la pièce a été refusée partout pendant deux ans. Au tout début, il fallait avoir une grande imagination lors des premières lectures car les airs musicaux n’étaient pas encore choisis. Seule la structure était là. Souvent on m’a proposé de ne pas mettre de chansons. Au fur et à mesure j’ai mis les chansons, indiqué les effets visuels, la chorégraphie… Le tout en restant dans cet état d’esprit de parodie d’opérette. Ce sont les Suisses qui nous ont aidé à monter le spectacle. Denise Petitdidier est venue nous voir et à l’entracte a dit : « je les prends ». Sans tête d’affiche, il faut croire au spectacle pour se lancer dans l’aventure : ce fut son cas. Les gens comme elle sont de plus en plus rares. Mais il ne faut jamais baisser les bras ! Il est vrai que les spectacles musicaux aujourd’hui ont tendance à se résumer aux « comédies musicales » à grand spectacle. Elles font travailler pas mal de monde et c’est bien ainsi. Pourtant on n’atteint pas encore la qualité de Broadway et je pense que, si on lui en propose trop, le public risque de se lasser de ce type de production.