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Pacific Overtures — Le pays du soleil levant sous les néons de Broadway

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L'affiche de Tokyo ©DR
L

Musi­cal de Stephen Sond­heim (lyrics et musique), livret de John Weidman.

Créa­tion
A New-York (USA) le 11 Jan­vi­er 1976 au Win­ter Gar­den The­atre (193 représen­ta­tions) dans une mise en scène de Harold Prince.

Prin­ci­pales chansons
The Advan­tages of Float­ing in the Mid­dle of the Sea, There Is No Oth­er Way, Four Black Drag­ons, Chrysan­the­mum Tea, Poems, Wel­come To Kana­gawa, Some­one In A Tree, Please Hel­lo, A Bowler Hat, Pret­ty Lady, Next.

Syn­op­sis
Année 1853, le Japon vit replié sur lui-même depuis près de 250 ans. Un événe­ment lourd de con­séquence survient : qua­tre bateaux améri­cains sont amar­rés au large et le Com­modore Per­ry veut ren­con­tr­er des offi­ciels japon­ais pour leur remet­tre un mes­sage du Prési­dent Améri­cain. Les obscurs Kaya­ma et Man­jiro sont chargés de les éloign­er par n’im­porte quels moyens. Hélas, les manoeu­vres les plus élaborées mais finale­ment bien naïves devant la déter­mi­na­tion adverse échouent. La péné­tra­tion de l’Oc­ci­dent démarre non sans quelques accrochages. Les uns, tels Kaya­ma, sont pour, les autres, comme Man­jiro, sont con­tre. Un fos­sé se creuse. Après quelques trou­bles, l’Em­pereur du Japon invite offi­cielle­ment son peu­ple à évoluer au nom du pro­grès. Le final « Next » mon­tre un Japon con­quérant qui a par­faite­ment assim­ilé la modernité.

Le thème
Pacif­ic Over­tures évoque le choc des civil­i­sa­tions. A l’époque de sa créa­tion (1976), le Japon était encore peu con­nu du monde occi­den­tal. Cepen­dant, sa mon­tée en puis­sance économique le désig­nait comme une men­ace. A tra­vers l’évo­ca­tion du coup de force des Etats-Unis sur le Japon, les créa­teurs de Pacif­ic Over­tures ramè­nent les faits actuels dans leur con­texte his­torique. L’im­pact est ren­for­cé par le par­ti pris de faire racon­ter ces événe­ments par des japon­ais et d’u­tilis­er mas­sive­ment les élé­ments de la cul­ture japon­aise comme le Kabu­ki, le théâtre Nô, les cos­tumes et les atti­tudes. Cela ressem­ble à une auda­cieuse leçon d’His­toire, c’est en tout cas ambitieux et lumineux. Et aujour­d’hui plus encore qu’à la créa­tion, ce spec­ta­cle con­stitue une habile intro­duc­tion à l’His­toire récente de ce pays.

L’his­toire der­rière l’histoire 
Lorsque le pro­duc­teur et met­teur en scène Harold Prince pro­pose à Stephen Sond­heim un texte écrit par un jeune étu­di­ant de Yale, John Wei­d­man, le duo a déjà der­rière lui Com­pa­ny (1970), Fol­lies (1971) et A Lit­tle Night Music (1973). Les deux pre­miers spec­ta­cles cités étaient pro­fondem­ment améri­cains. Puis A Lit­tle Night Music évo­quait des chas­sés croisés amoureux européens façon 19e siè­cle aris­to­cra­tique. Le change­ment de cap est rad­i­cal avec Pacif­ic Over­tures. Le pub­lic de Broad­way n’a pas l’habi­tude de spec­ta­cles his­tori­co-poli­tiques, alors que dire lorsque tous les inter­prètes sont tous asi­a­tiques, habil­lés en cos­tumes japon­ais tra­di­tion­nels, et racon­tent des événe­ments du point de vue japon­ais ? Les défis sont faits pour être relevés, et celui-ci l’a été par le maître d’oeu­vre Harold Prince avec une indé­ni­able hau­teur de vue. Le résul­tat ne laisse pas indif­férent : on aime ou on déteste.

Pour assur­er la crédi­bil­ité et ne pas tomber dans la pacotille, le met­teur en scène a recréé une expres­sion japon­aise, basée sur les tra­di­tions du théâtre japon­ais (Kabu­ki, Nô, cos­tumes, maquil­lages, décors). Du côté de la par­ti­tion, Stephen Sond­heim rap­pelle qu’il a une for­ma­tion de musique savante. Il a trans­posé la syn­taxe musi­cale et poé­tique japon­aise dans ses chan­sons en anglais. Tout a été fait pour assur­er la crédibité du spec­ta­cle sans égar­er l’au­di­toire, ni suc­comber à la « japoni­ais­erie ». La réponse du pub­lic a été mit­igé pour ce spec­ta­cle hors norme. Il a néan­moins reçu deux dis­tinc­tions aux Tony Awards (cos­tumes et décors), lais­sant cepen­dant les plus impor­tantes à l’ir­ré­sistible et bril­lant A Cho­rus Line.

Pacif­ic Over­tures con­tient la chan­son con­nue comme la préférée du com­pos­i­teur « Some­one in the Tree ». A la manière du film Rashô­mon de Aki­ra Kuro­sawa, plusieurs per­son­nages décrivent dif­férem­ment le même événe­ment vécu, en l’oc­cur­rence la pre­mière ren­con­tre des représen­tants améri­cains et japon­ais sur le sol japon­ais. Le musi­cal est entré dans le réper­toire de l’Opéra à tra­vers des réprésen­ta­tions de l’Eng­lish Nation­al Opera à Lon­dres en 1987. Enfin il a été représen­té à Tokyo en 2000.

La choré­graphe de Pacif­ic Over­tures Patri­cia Birch dirig­era les séquences de danse du film Grease (1978) avec John Tra­vol­ta. Elle réalis­era ensuite un Grease 2 (1982) à oublier.

Dans l’im­pres­sion­nante car­rière de Sond­heim jusqu’i­ci, Pacif­ic Over­tures tient dou­ble­ment une place cen­trale. Il est à la charnière de sa col­lab­o­ra­tion avec Harold Prince qui se pour­suiv­ra encore pour deux autres musi­cals (Sweeney Todd, Mer­ri­ly We Roll Along). Et rétro­spec­tive­ment, il se dresse au milieu de son flux créatif. Même si cette incur­sion nip­pone reste fraîche­ment appré­ciée, même auprès des incon­di­tion­nels de Sond­heim, elle sym­bol­ise l’au­dace et l’ex­i­gence sans borne de sa démarche créa­trice pour le plus grand bon­heur du plus exigeant des publics.

Ver­sions de référence 
L’en­reg­istrement de la ver­sion de la dis­tri­b­u­tion orig­i­nale de Broad­way est bien sûr incon­tourn­able, même si la dis­tri­b­u­tion est loin d’être irréprochable. Il n’y a pas de grande voix de Broad­way puisque tous les acteurs sont asi­a­tiques. En com­plé­ment, on pour­ra s’in­téress­er à l’en­reg­istrement de l’Eng­lish Nation­al Opera pub­lié en 1988. La ver­sion en dou­ble CD com­porte l’in­té­gral­ité des textes par­lés et chantés.

Pacif­ic Over­tures — Orig­i­nal Broad­way Cast Record­ing (1976). Référence RCA RCD1-4407

Pacif­ic Over­tures ? The Eng­lish Nation­al Opera (1988). Référence TER CDTER 2 1152