Pablo Villafranca — Un prophète venu du heavy metal !

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Pablo Villafranca ©DR

Mécani­cien auto­mo­bile de for­ma­tion, il recon­naît avoir eu un par­cours assez par­ti­c­uli­er.  » J’ai longtemps pen­sé qu’on nais­sait chanteur ou comé­di­en, je n’imag­i­nais pas qu’on pou­vait suiv­re une for­ma­tion pour ça. Je viens d’un milieu ouvri­er, pour moi ce n’est pas un méti­er, il faut savoir faire autre chose, ce n’est pas ça la vie « .

Du Heavy Met­al aux Années Twist et aux Insolistes
Il com­mence à chanter dans des petits groupes de rock heavy met­al en Bel­gique mais  » c’é­tait le principe under­ground, on a une cave, on répète et puis ça ne marche jamais ! « . Vivant dif­fi­cile­ment le fait de ne pas chanter pour des gens, il décide d’ar­rêter, de sor­tir de son  » petit enfer­me­ment  » et ren­tre dans un groupe de bal.  » Là, j’ai com­mencé à m’ou­vrir à autre chose que le rock, à la var­iété par oblig­a­tion, faut avouer que ce n’é­tait pas ce qui me fai­sait le plus rêver ! « . Mais comme il l’ad­met lui-même  » le temps passe, l’e­sprit s’élar­git  » et puis  » le but du jeu c’est de pou­voir chanter, si tu ne chantes pas, tu n’évolues pas « .

Puis un jour, il entend par­ler d’au­di­tions pour Les Années Twist, le spec­ta­cle musi­cal de Roger Louret. Il vient donc à Paris et passe avec suc­cès l’au­di­tion. Et de s’ex­clamer en riant,  » jamais de ma vie je n’au­rais imag­iné me retrou­ver dans un spec­ta­cle musi­cal comme Les Années Twist, pour moi qui venais du heavy met­al c’é­tait car­ré­ment aux antipodes ! « . Et pour­tant le voilà embar­qué dans une longue aven­ture : plus de 600 représen­ta­tions mais aus­si Les Z’An­nées Zazous en tournée. Même si au début ça n’a pas été facile (danser le twist en par­ti­c­uli­er !), il recon­naît que cette expéri­ence lui a beau­coup apporté.  » C’est pour moi une avancée pri­mor­diale, ça m’a ouvert l’e­sprit et per­mis de décou­vrir d’autres pos­si­bil­ités et capac­ités. J’en ai retiré énor­mé­ment de béné­fices « . Ce qui ne l’empêche pas de jeter un regard cri­tique sur l’évo­lu­tion du spec­ta­cle.  » De la genèse des Années Twist, je garde un sou­venir absol­u­ment impériss­able parce que c’é­tait une véri­ta­ble aven­ture humaine, mais ensuite c’est devenu une grosse machine, beau­coup d’aspects humains ont dis­paru et ça a cessé de m’in­téress­er « . Il décide donc de quit­ter la troupe.  » Ca ne col­lait plus, je n’avais plus la moti­va­tion pour rester « .

Début 1998, Pablo crée avec sa com­pagne Marie Vinoy et deux amis un spec­ta­cle : Les Insolistes.  » On a mon­té ce spec­ta­cle à cinq avec Gré­gori Baquet (actuelle­ment dans la troupe de Roméo et Juli­ette) comme oeil extérieur au départ « . Ce spec­ta­cle humoris­tique, joué et chan­té, est com­posé de chan­sons allant de la fin du 19ème siè­cle jusqu’au début des années 70.  » On l’a présen­té au Fes­ti­val d’Av­i­gnon en 1999 où ça s’est extrême­ment bien passé, on a béné­fi­cié d’un bon bouche à oreille « . Mais ensuite tout ne se passe pas au mieux.  » L’ef­fort en amont néces­saire à tout spec­ta­cle n’a pas été fait totale­ment ou con­ven­able­ment « . Et de regret­ter,  » on est tou­jours avec ce spec­ta­cle là qui n’a finale­ment pas réus­si à vrai­ment décoller « , mais il garde espoir  » ce n’est peut-être que par­tie remise car c’est un pro­jet auquel je con­tin­ue de tenir forte­ment « .

Fier de faire par­tie des Dix Com­man­de­ments
C’est pen­dant qu’il joue à Avi­gnon que Pablo reçoit un coup de télé­phone de Pas­cal Obis­po qui lui demande de venir pass­er l’au­di­tion pour Les dix com­man­de­ments.  » Avec Obis­po, on s’é­tait déjà croisé à plusieurs repris­es mais la dernière fois c’é­tait il y a bien longtemps. Quand Anne Warin (qui joue Yokébed) lui a par­lé de moi, il a réal­isé que je cor­re­spondais à son idée du per­son­nage de Josué. Mais il ne m’avait jamais enten­du chanter, j’ai donc passé l’au­di­tion et il faut croire qu’il a été con­va­in­cu ! « . Pablo avoue avoir été séduit d’emblée par  » l’aspect classieux  » des Dix Com­man­de­ments, par les moyens mis en oeu­vre et aus­si par la présence dans la troupe de deux amis proches (Anne Warin et Ahmed Mouici (Pharaon)).  » Il y avait suff­isam­ment d’élé­ments qui fai­saient que pour moi c’é­tait absol­u­ment incon­tourn­able de me lancer dans cette aven­ture là, je ne pou­vais pas pass­er à côté de cette mise en lumière « . Il admet que  » si ça n’avait pas été Les Dix Com­man­de­ments mais une autre des comédies musi­cales français­es actuelles, je pense que j’au­rais été capa­ble de refuser et que j’au­rais préféré con­tin­uer avec Les Insolistes, je n’aime pas faire les choses unique­ment pour des raisons ali­men­taires « .

Il ne regrette pas de s’être investi dans Les dix com­man­de­ments et se réjouit de sa ren­con­tre avec Elie Chouraqui.  » Ce que j’ap­pré­cie par­ti­c­ulière­ment c’est l’e­sprit général dans lequel s’est mon­té ce spec­ta­cle, un esprit insuf­flé par Elie Chouraqui. En tant que pro­duc­teur il a pris des risques con­sid­érables et jamais, à aucun instant, il ne nous l’a fait sen­tir. Jamais on n’a eu la moin­dre pres­sion même artis­tique. C’est un homme qui gère bien le fac­teur humain « . A pro­pos de fac­teur humain, out­re la mise en scène qu’il juge remar­quable pour les beaux moments d’é­mo­tion qu’elle amène, l’autre point fort du spec­ta­cle pour Pablo c’est incon­testable­ment la qual­ité artis­tique de la troupe.  » Avec les chanteurs, c’est une claque per­ma­nente. Quant aux danseurs, ils sont plein de jeunesse, de fougue et de tal­ent « . Même s’il recon­naît que  » c’est sûr il y a tou­jours à redire « , il rap­pelle que  » c’est avant tout du spec­ta­cle, de la détente et du rêve. Et le plus impor­tant c’est que le pub­lic a l’air d’ad­hér­er en masse et finit debout tous les soirs « . On l’au­ra com­pris, Pablo se sent bien dans ce spec­ta­cle.  » Très sincère­ment, bien que je sois un ancien ?heavy-métaleux’, je suis fier de par­ticiper à cette aven­ture « .

Au sujet de sa mise en avant avec la sor­tie du sin­gle  » La peine max­i­mum « , il avoue être heureux et avec mod­estie et un brin d’hu­mour il se con­tente de dire  » j’ai 35 ans, je sors mon pre­mier sin­gle, c’est bien « . Quand on lui demande s’il n’est pas déçu de n’avoir qu’un solo et deux duos dans le spec­ta­cle, il répond avec fran­chise  » bien sûr pour un chanteur c’est assez frus­trant  » puis il racon­te en riant l’anec­dote suiv­ante  » le soir de la pre­mière, quand j’ai eu fini de chanter mes chan­sons et que je me suis retrou­vé en couliss­es, je me suis dit ‘mon pau­vre vieux, là tu ne chantes plus, ter­miné’ « . Mais plus sérieuse­ment il est con­scient de faire d’abord par­tie d’une troupe.  » Je me fais un devoir de ne pas être qu’un chanteur, la chan­son est au ser­vice de mon per­son­nage. Je suis avant tout un acteur du spec­ta­cle « .

Un avenir pour la comédie musi­cale en France 
Même si pour le moment il se con­sacre entière­ment aux Dix Com­man­de­ments, il n’ou­blie pas pour autant ses pro­jets per­son­nels. Out­re Les Insolistes, il espère que  » la con­jonc­ture sera plus favor­able pour réalis­er un album sur lequel il tra­vaille depuis longtemps « . Et puis il n’ex­clut pas de rejouer dans une comédie musi­cale  » si le thème est intéres­sant, si c’est fait avec sérieux avec des gens de tal­ent, si je me sens bien dedans, alors pourquoi pas ? « . Il refuse de se laiss­er enfer­mer dans un genre, il veut pou­voir faire tout ce dont il a envie.

Sur le phénomène des comédies musi­cales à la française et sur l’avenir du genre en France, il a sa pro­pre analyse. S’il admet que pour le moment c’est un phénomène de mode, il pré­cise que  » il n’y a rien qui existe aujour­d’hui qui n’ait pas été d’abord un phénomène de mode « . Il pour­suit  » pour le moment je ne suis pas sûr que des petits bud­gets per­me­t­tent d’im­pos­er des spec­ta­cles musi­caux dans la mesure où, pour qu’un tel spec­ta­cle fonc­tionne, il faut d’abord enreg­istr­er l’al­bum pour don­ner envie aux gens de venir voir le spec­ta­cle. En cela on tra­vaille à l’en­vers des anglo-sax­ons. Il fau­dra sans doute que ça con­tin­ue ain­si encore quelque temps, mais quand le genre sera bien instal­lé, ce ne sera plus un pas­sage obligé et alors des comédies musi­cales pour­ront fleurir à foi­son « . Opti­miste Pablo, espérons qu’il voit juste.

Au fait, vous voulez savoir quelle est sa « peine max­i­mum » à lui ?  » Ma peine max­i­mum, elle est per­ma­nente, c’est mon com­bat avec moi-même « . Avant de con­clure avec mal­ice en hochant la tête  » et oui, ce n’est pas facile tous les jours « . Comme quoi, le suc­cès ne lui est pas mon­té à la tête !